La belle récolte du Printemps de Bourges 2023

L'artiste belge Selah Sue. © Guillaume Souvant - AFP

Axée comme à son habitude sur la création, la découverte et son lot d’artistes confirmés, le festival du Printemps de Bourges qui s'est tenu du 18 au 23 avril a ouvert la saison des festivals d’une jolie manière avec une très riche programmation, de Lomepal à Benjamin Biolay, de Izia Higelin à Selah Sue. L’urbain a confirmé sa prise de pouvoir et Disiz a livré un concert dont on ne s’est pas encore remis.

"Spontanée et exaltée". Difficile d’aller à l’encontre de ces deux qualificatifs choisis par Boris Vedel, directeur du festival, pour résumer cette 47e édition du Printemps de Bourges. Bras en l’air, jambes trépignantes, c’est ainsi la gymnastique promise lorsqu’on se rend au W, lieu où les têtes d’affiche hexagonales ont la part belle. Même Rima Abdul Malak, la ministre de la Culture, s’y est offert une percée vendredi soir. Une visite prolongée le lendemain au point de la retrouver aux Inouïs, luxueux tremplin dédié à l’émergence et dans lequel des Eddy de Pretto, Christine and the Queens, Fauve et plus récemment le phénomène Zaho de Sagazan avaient pris rendez-vous avec l’avenir (en espérant une trajectoire identique pour Brique Argent et Demain rapides, lauréats 2023).

"Nous avons travaillé cette année sur trois émergences : le public, les artistes, les professionnels. 30% des festivaliers venaient pour la première fois grâce à l’effet pass culture. Il faut d’ores et déjà prévoir la suite. Ces festivaliers continueront-ils à acheter des places de concerts quand elles ne seront plus gratuites ?", poursuit Boris Vedel.

Puisque Bourges signe le top départ de la saison des festivals, certains artistes sortaient de résidence afin de présenter un set en adéquation avec le format. C’était le cas de Benjamin Biolay, moins transcendant qu’à l’accoutumée et qu’on estimera encore en rodage, ou d’une Izia davantage pétaradante. Ces noms-là, auxquels on peut ajouter ceux de Lomepal, -M-, Juliette Armanet, Pierre de Maere, Hervé (programmé pour la deuxième année consécutive) ont été des gages de remplissage. Ils joueront pour la plupart les prolongations cet été.

Rap and co

De l’urbain, beaucoup évidemment. Raz de marée du public le samedi soir autour de Hamza, Tiakola, Lorenzo (au propos parfois limite), Gazo et Vladimir Cauchemar. Mais on aura préféré la création sous le patronage d’Oxmo Puccino, parfait pour respecter la parité et qui aura permis de rappeler que les rappeuses telles que Eesah Yasuké, Doria et Meryl ont aussi leurs jolis mots à dire.

Parce que Bourges, c’est aussi une terre de création et on aura notamment vu Florent Marchet s’acoquiner avec Sophie Calle, La Maison Tellier célébrer Neil Young et Thomas de Pourquery investir les entraves du sublime Palais Jacques Cœur. Et alors que le festival n’avait pas encore touché à sa fin, on apprenait que l’une des créations de l’année prochaine serait consacrée à Françoise Hardy pour ses 80 ans. Excitant sur le papier, d’autant qu’elle sera confiée à Sage, homme de l’ombre et complice du triomphe de Clara Luciani.

Le coup de cœur de cette édition ? Disiz, qui vieillit avec une insolente jeunesse et qui est totalement revenu au premier plan avec le succès de son album Amour. Un concert d’une intensité et d’une classe folle, traversé par le tube Rencontre (sans Damso), des morceaux de pop vaporeuse, un chant habité, des musiciens à l’unisson. La foule était conquise quand il dégainait Sublime et Poids lourd au sein de sa scénographie en forme d’escalier. Midnight, éclatant titre inédit final, promesse d’un prochain disque qu’il est en train de concocter avec Pierre Cheguillaume (garçon dont tout le monde s’arrache depuis son travail avec Zaho de Sagazan). Définitivement, Disiz a donné la sensation d’avoir réinventé le charisme.

Lors de cette soirée disons "fourre-tout" si on s’en réfère aux esthétiques musicales qui se sont succédé, Adé a ouvert les hostilités avec sa country-pop d’une efficacité redoutable. Une mue salutaire pour l’ex-voix féminine de Thérapie Taxi. Chez elle, les mélodies sont reines et Tout savoir en est le parfait exemple. Bien que l’ennui n’ait jamais pointé son nez, on sera un chouia moins enthousiasme concernant la prestation de La Femme. Toujours ces quatre claviers alignés, le batteur en arrière-plan, les deux filles cymbales à la main, les garçons qui finissent par se dénuder. Toujours ce cocktail de pop-yéyé-dadaïste. Toujours surtout l’impression d’assister au même concert depuis dix ans.

Enfin, ceux qui pensaient Selah Sue en retrait peuvent revoir leur copie. Du groove, du solaire, une set-list équilibrée entre enchevêtrements ragga, r'n'b, folk, jazz. Et un chant royal. La Belge n’a jamais relâché ses étreintes communicatives. Elle aura eu le droit à une accolade de la ministre en sortie de scène.

Site officiel du Printemps de Bourges / Facebook