Victoires de la musique 2024 : le triomphe de Zaho de Sagazan

Zaho de Sagazan rafle quatre Victoires © Bertrand Guay / AFP

La chanteuse de vingt-quatre ans a monopolisé le palmarès en raflant quatre des dix trophées, dont ceux de l’album et de la chanson de l’année, remis le 9 février lors de la trente-neuvième édition de la cérémonie. Vianney et Gazo ont été déclarés vainqueur ex aequo dans la catégorie de l’artiste masculin tandis qu’Aya Nakamura a été récompensée chez les femmes.

Le triomphe annoncé de Zaho de Sagazan

C’était pratiquement couru d’avance. Et à moins de se révéler exténuant de mauvaise foi, personne n’y trouvera rien à redire. Sur toutes les lèvres depuis la sortie de La symphonie des éclairs au printemps dernier, Zaho de Sagazan a réalisé un impressionnant quadruplé : Album, Chanson, Révélation féminine et Révélation scène de l’année. Une véritable mainmise de la jeune femme de Saint-Nazaire sur le palmarès (seule la catégorie de la création audiovisuelle – toujours expédiée dans l’indifférence générale – lui a échappé).  

Cette fille-là a réussi à se tailler un costume à sa juste mesure entre tradition et éclatante modernité. L’écriture des morceaux y est vive, marquante, traversée par les tourments intérieurs, le réalisme poétique et le sensitif. Les climats convoquent à la fois la solennité vibrante d’une Barbara, la cold-wave, la synth-pop ou la fureur débridée de la techno berlinoise. Foudroyante, intense, magnétique sur scène (115 dates assurées en 2023). "Être sensible, c’est être vivant. Et nous ne sommes jamais trop vivants !", a-t-elle asséné lors de sa première prise de parole. Une sorte de mantra qu’elle déclame quasi systématiquement à la fin de ses concerts.

L’égalité parfaite entre Vianney et Gazo

Presque un cas unique. Il faut remonter à 2005, une édition où Daniel Darc (mais que faisait-il dans cette catégorie après vingt-sept de carrière ?!) et Ridan s’étaient partagé le trophée de la révélation album, pour retrouver une situation similaire. Comment expliquer qu’on soit arrivé à un tel résultat ? Certainement par le nouveau système de vote, en l’occurrence l’instauration d’un jury resserré de 32 personnes (8 artistes, 8 médias, 8 diffuseurs de musique enregistrée, 8 diffuseurs de musique live) au deuxième tour.

 En même temps, il s’agissait aussi de la catégorie la plus ouverte sur le papier. Etienne Daho, grand perdant de la soirée, et Pierre de Maere y étaient également en lice. Le prince de la variété française (huit ans après son premier sacre) et le roi de la drill (qui a torché à la vitesse de l’éclair les remerciements) porteront donc ensemble la couronne. Puisque l’album du premier s’appelle A 2 à 3, finalement logique.

L’émotion de Bernard Lavilliers

Rarement, on aura vu le pirate bourlingueur, récompensé par une Victoire d’honneur, aussi ému. Les yeux immédiatement embués lorsque ses compatriotes de Terre Noire se sont emparés de Saint-Etienne. Après une Jeanne Cherhal légèrement blanche sur On the road again et une Olivia Ruiz impeccable sur Les mains d’or, Bernard Lavilliers a rejoint la formidable Catherine Ringer pour interpréter Idées noires (c’est Nicoletta qui doit être contente d’avoir été zappée…) avant le final choral de Noir et blanc (qui rappelle à juste titre que "la musique est un cri qui vient de l’intérieur") en présence du fringant Sénégalais Faada Freddy. On aurait juste aimé que Sandrine Bonnaire soit moins accrochée au prompteur lors des discours.

L’évidence Yamê

Il sait dompter la scène, l’épatant franco-amoureux. Ceux qui l’auront vu aux Transmusicales de Rennes, où il était cet hiver pour une création résidente pendant le festival, un an après Zaho de Sagazan (les organisateurs ont décidément le nez fin), ne s’en sont pas encore remis.

De la grâce, de la virtuosité, une agilité folle au piano, un chant de crooner qui atteint les cimes dans les aigus, des textes qui respirent l’asphalte, Yamê avance au pas de course et voltige entre les genres. Sa chanson Bécane affole les compteurs. Ce garçon au capital sympathie criant souffle un vrai vent de fraîcheur. Évidemment que c’est lui la révélation masculine. Sans contestation possible, là non plus.

Aya Nakamura, enfin reine

En 2021, Pomme – qui avait déclaré au micro "être mal à l’aise" devant ce verdict – lui avait soufflé la Victoire de l’artiste féminine. Jusqu’ici boudée par ses pairs puisqu’elle avait seulement inscrit son nom au palmarès, il y a deux ans, dans la catégorie mathématique (désormais disparue) de l’album le plus streamé, la chanteuse franco-malienne au rayonnement international insolent a mis un terme à cette mise à l’écart. Une récompense qui prend des allures de réparation, son troisième album étant le moins bon. Et qu’en pense-t-elle de cette distinction ? On ne le saura pas, la jeune femme de vingt-huit ans n’ayant pas daigné faire le déplacement.

L’obsession du magnéto

Ça ne change pas. Les Victoires de la musique ne peuvent s’empêcher de s’auto-célébrer à travers l’utilisation outrancière de séquences au magnéto. Pourquoi ce besoin de revenir constamment sur les moments marquants de l’édition 2023 ? Jane Birkin ne méritait-elle pas autre chose que des images d’elle exclusivement en lien avec la cérémonie (Tina Turner aura eu le droit au même traitement) ? Juste une projection sur écran du visage de François Hadji-Lazaro pour l’hommage aux disparus. Du côté de la présentation, confiée à l’omniprésente Léa Salamé et à l’animateur de jeux Cyril Féraud, c’est toujours autant lénifiant. "Quelle soirée ! Quel moment vous propose ce genre de moment aussi fort que les Victoires de la musique ?". Exemple d’emphase gênante au milieu de langues qui fourchent et d’un rythme poussif, heureusement rehaussé par la qualité des prestations scéniques des nommés (du zébulon tonitruant Julien Granel à la douceur sauvage de la majestueuse Clara Ysé).

Le palmarès

Artiste masculin : Vianney et Gazo (ex-aequo)

Artiste féminine : Aya Nakamura

Album : Zaho de Sagazan, La symphonie des éclairs

Concert : Damso, Qalf Tour

Chanson : Zaho de Sagazan, La symphonie des éclairs

Révélation masculine : Yamê

Révélation féminine : Zaho de Sagazan

Révélation scène : Zaho de Sagazan

Création audiovisuelle : Shay, Commando

Victoire d’honneur : Bernard Lavilliers

Site officiel des Victoires de la Musique