Tels Alain Bashung
Rarement un disque de reprises aura suscité une telle curiosité. Tels Alain Bashung revisite de manière aérienne le répertoire du Bashung des années 90 et regroupe quelques uns des plus beaux titres du chanteur disparu voici deux ans. Au casting de cette petite collection de reprises : M, Vanessa Paradis, Miossec… et Noir Désir, qui signe ici sa dernière chanson.
Night in White Satin, Les mots bleus, Bruxelles. Il y avait dans les reprises choisies par Alain Bashung pour ses propres disques, l’envie de signifier beaucoup de choses. La perspective d’un disque de reprises de Bashung lui-même ne manquait donc pas de susciter l’attente et, en sus, de poser des montagnes de questions. Est-il possible de faire tenir en quarante-cinq minutes le résumé d’une trajectoire en constante évolution ? Comment s’approprier ces musiques longuement travaillées ? Ces mots copiés/collés ?
Compilation Tels Alain Bashung (Barclay) 2011
Marc Besse : Bashung dans le texte
Marc Besse : Je n’ai pas l’impression que ce disque dessine un Bashung en particulier, notamment du fait du rapport de distanciation qui flotte de manière quasi égale du début jusqu’à la fin. C’est un peu comme si les artistes reprenaient du Bashung en ayant intégré son exigence et sa manière à lui d’aborder l’exercice de la reprise. Quand Gaëtan Roussel fait J’passe pour une caravane, il enlève toutes les références country, il donne à ce morceau des racines européennes et il se l’approprie vraiment.Alain le disait souvent : "Reprendre les bonnes chansons, c’est une manière de les prolonger."
Lorsque le projet Tels a été lancé par la maison de disques, Noir Désir était en studio. Le groupe répétait tout en acoustique, entre eux, c’était l’entente cordiale. Leurs morceaux avançaient super bien, sauf au niveau des textes, et Noir Dés’ avait répondu présent de suite. Alors que ce groupe peut prendre un temps infini pour faire les choses, l’affaire était bouclée en trois jours et trois prises live au studio de la Frette, près de Paris. Aucun Express a donné le top départ de tout le travail à suivre derrière.
Chez Bashung, ceux qui sont devant le cocktail final ne sont pas forcément tous ceux qui l’ont préparé. Je fume pour oublier que tu bois est signé Boris Bergman mais on oublie souvent que l’ombre de Daniel Tardieu plane sur tout ce morceau. Daniel Tardieu a été quelqu’un de très important dans la maturation de Bashung.Alain a toujours eu cette stratégie de faire intervenir plusieurs paroliers sur un même album, c’était à l’image de ses mixes musicaux. Ça a toujours été quelqu’un qui préparait les choses avec plein de gens. Et une fois qu’il se séparait de l’équipe de préparation, il en tirait des conclusions qu’il mettait en confrontation avec les partenaires de jeux finaux, Jean Fauque ou Boris Bergman. Beaucoup ont travaillé avec Bashung sans jamais être cités : Marcel Kanche, sur la fin de sa vie, Miossec, Dominique A. C’était terrible comme fonctionnement parce qu’on demandait presque aux gens de s’asseoir sur la paternité créatrice d’un texte.En même temps, c’était la manière que Bashung avait de dire : "Je privilégie un univers dans lequel je me sens bien. S’il y a des problèmes d’égo, ça ne m’intéresse pas."
En effet, mais Bashung est un cas particulier : il y a toute génération d’artistes qui ont collaboré ou été contemporains d’Alain, qui ont envie de lui envoyer quelque chose. C’est, je crois, une très belle manière de faire le deuil.