Certains disques nous transportent sur une île toute proche dont on ne soupçonnait pas l’existence. Imaginez un piano, classique et pop à la fois, profond et enlevé. Au bout de ses touches il y a Lise, sa voix cristalline, qui nous prend dans ses bagages entre la France et Detroit, avec un premier album qui porte sobrement son prénom.
Des années de conservatoire, le timbre clair et haut perché, Lise compose, selon ses sourires, avec l’envie de faire plaisir aux gens. Originaire de Narbonne, elle décide il y a dix ans de partir aux Etats-Unis pour les vacances, atterrit chez un ingénieur du son qui a un home studio dans la banlieue de Detroit et plein d’amis musiciens.
Comme elle ne parle pas très bien l’anglais, elle joue beaucoup de piano, "pour être agréable", puis participe à des petits projets, entre les allers des uns et la venue des autres : "J’ai chanté avec un rappeur, et j’ai même fait un featuring gothique ! J’étais un peu une sorte de curiosité pour eux… Par la suite, on a enregistré mes chansons chaque été pendant cinq ans." De ce rituel de vacances américaines naîtront donc les morceaux que l’on retrouve sur le disque, en français ou en anglais : "Quand j’étais là-bas, je chantais pour les gens qui étaient autour de moi. Parfois, j’avais envie qu’ils ne me comprennent pas, donc je chantais en français. C’est pareil ici..."
L’album est intime, porte son prénom car "c’est ce qui la désigne le plus directement". Comme un reflet de ses élans tendres ou de ses questionnements, du romantisme de C’est doux à celui d’Apollinaire dans L’émigrant de Landor Road qu’elle a mis en musique. "Ce poème parle de la tentation de revenir à un pays vierge où il n’y a pas de bruit, pas de poésie. Un jour sur deux je me demande si faire de la musique, c’est vraiment bien sérieux. Quand on regarde autour de soi, parfois, on pense qu’il y a des choses plus importantes à faire…"
Le piano-orchestre
Parfois perdue dans ses pensées (Thinking of Thinking), Lise s’amuse du quotidien américain où les camions n’ont que deux places pour les amoureux (Truck for Lovers), dans des sonorités proches du cabaret. Sa voix rappelle Kate Bush (She’s Made of Death), son jeu de piano Keith Jarrett, par sa délicatesse et sa puissance.
Si elle écrit la plupart des chansons seule, le disque s’est fait avec Johan Dalgaard, pianiste et réalisateur danois. "J’avais mes chansons piano-voix, et on a décidé d’arranger tout le disque au piano. On l’a ouvert, et pris tout ce qu’on avait sous la main pour faire des rythmiques. On cherchait les instruments dans le piano, en faisant passer des champs magnétiques pour faire vibrer des cordes, en fabriquant des archers. Lorsque l’on tape sur les cordes du piano avec une mailloche, ça fait comme un son de contrebasse !"
Le travail qu’impose l’instrument l’inspire aussi beaucoup : "J’ai un instinct des doigts classique. Dans le piano, j’entends des pièces que j’ai travaillées pour une position, par exemple. Parfois ce ne sont pas les notes qui comptent, mais l’empreinte de la main, et ça m’a donné des chansons."
Avec son empreinte, le piano s’enivre de Paris, tourbillonne. Quand les peurs de Lise tournent dans sa poitrine on tourne avec elle (Tourne). Elle nous fait redécouvrir Where is my Mind des Pixies alors qu’on ne pensait pas que c’était encore possible. Lise a déjà séduit Dominique A, qui lui a écrit Le cycle, les mirages, et Mathias Malzieu (de Dionysos, ndlr) avec qui elle a écrit et composé La ballerine et le magicien, deux morceaux qui figurent sur les bonus de l’album. A votre tour de vous laisser séduire.
Lise Lise (Cinq 7/Wagram) 2011
Le 16 juillet 2011 aux Francofolies de la Rochelle puis en tournée en France à partir de septembre 2011.