La rumba façon Bibi Den’s
Déterminé à s’émanciper de cette image de chanteur de charme grâce à laquelle il s’est fait connaître dans les années 1980, le Congolais Bibi Den’s Tshibayi change d’habits musicaux. Avec son nouvel album Mua Chance, il insuffle un peu d’air frais à la rumba.
De mémoire, il cite une phrase parue dans l’hebdomadaire français VSD, à l’époque où sa musique avait atteint l’Occident, il y a un peu plus de 25 ans : "Pour la première fois, Bibi Den’s a mis les synthés dans le moteur de la rumba". Autres temps, autre démarche. Avec Mua Chance, son nouveau disque, Bibi Tshibayi s’illustre au contraire dans un style qui sait être dépouillé, histoire de mettre en valeur ce qui est pour lui l’essentiel : la mélodie. "Revenir à l’ancien système", c’est-à-dire en finir avec le règne du sébène, coupable à ses yeux d’avoir formaté la production congolaise. "La musique, on ne fait pas que la danser, on l’écoute aussi. Ça fait du bien à l’âme et à l’esprit. Voilà pourquoi je fais cette rumba. C’est un rythme qui s’adapte à toutes les mélodies. Je peux aller dans toutes les directions", justifie l’artiste quinquagénaire.
Si In the ghetto d’Elvis Presley est la première chanson que Bibi Den’s se souvient avoir mise sur le tourne-disque familial, pour lui tout commence vraiment le jour où, dans ce Zaïre de la fin des années 1960, il entend sur une radio sud-africaine le morceau Gipsy de son compatriote Tabu Ley Rochereau, après le journal parlé qu’un religieux de l’internat lui fait écouter chaque midi.
"Impressionné" par James Brown et par Claude François "pour la scène", il aime surtout les Américains Bruce Springsteen et Neil Diamond. Pour faire plaisir aux siens, il devient journaliste mais saisit chaque opportunité de prendre le micro, en se cachant ! Alors qu’il couvre la finale de la coupe du Zaïre de football au Stade du 20 Mai, un musicien l’informe que l’orchestre The Best de l’hôtel Intercontinental de Kinshasa cherche un chanteur. Le jeune homme n’hésite pas, démissionne de son poste dans la presse – provoquant la colère de ses parents qui le font embaucher comme informaticien chez Air Zaïre. Presque tous les soirs, il est tout de même sur scène et s’adapte au public. Il reprend les succès internationaux, chante en néerlandais ou interprète à la demande l’hymne de Taïwan…
Le tremplin ivoirien
Avec une partie du groupe, il s’envole pour la Côte d’Ivoire en avril 1982, désormais chargé d’animer les soirées de l’Intercontinental d’Abidjan. Dans cette ville en plein développement économique, qui attire musiciens et businessmen de tout le continent, les événements se précipitent. À peine installé, Bibi Den’s se retrouve au studio JBZ de Cocody. Tandis qu’Alpha Blondy est en train d’y concevoir son premier 33 tours Jah Glory, le Congolais enregistre le sien. The Best Ambiance se fait un chemin sur la scène internationale. "L’album reflète le statut de carrefour musical qui est celui d’Abidjan, avec un mélange qui va du soukous aux rythmes antillais. Cette fusion du début des années 80 servira de modèle aux nombreux albums afro-zouk qui suivront", écrivent Chris Stapleton et Chris May dans leur ouvrage African All-Stars, publié en 1987.
Le chanteur sentimental assume l’étiquette, remet ça avec Sensible, monte son propre groupe Les Marymbas et voit son troisième album coproduit par l’Intercontinental. Il participe au collectif Africa for Africa, en réponse à We are the World de USA for Africa, écrit pour les vedettes de la variété ivoirienne... Depuis la France, où il pose ses valises en 1993, il alimente le marché africain et cherche à élargir le cercle à travers une rencontre inédite entre musique congolaise et dub, sous la houlette du sorcier Adrian Sherwood, pour l’album Nge na Munu. Les années creuses qui ont suivi, sources de doutes et d’inquiétudes, ont laissé quelques cicatrices qu’il relativise aujourd’hui. "Je suis d’un optimisme parfois exaspérant", reconnaît-il. C’est aussi le sens du titre de son nouvel album : un peu de chance.
Bibi Den’s Tshibayi Mua Chance (NDH Music/Zimbalam) 2011