Summer Sonic 2011 au Japon
Treize artistes français ou produits en France étaient à l’affiche du festival Summer Sonic, qui s'est déroulé du 12 au 14 août dernier à Tokyo et Osaka, au Japon. Une présence record appuyée par des sorties d’albums qui montrent l’appétit des Japonais pour le son français. Adieu Mireille Mathieu, Michel Polnareff et Sylvie Vartan. Ed Banger, Yelle et Gush sont là.
Tir tendu, les solos croisés des deux guitaristes sèchent la foule qui n'en peut plus de lever les mains. Le groupe Gush a mis les Japonais dans sa poche dès les premières mesures avec un rock carré et festif, mâtiné d'envolées funky-caribéennes. Le talent scénique évident s'appuie sur des compos bien troussées et, marque de fabrique, sur un chant à quatre voix mélodique, qui donne le sourire aux filles. Gush joue ici sa carte d’entrée au Japon. Ces Français qui chantent en anglais intriguent : "Ce n’est pas l’image que j’ai des Français", commente Yoshiko après le concert. Ken est lui très enthousiaste : "Je trouve ça super que des Français puissent jouer du rock aussi bien que des Américains".
En ce week-end de la mi-août, les Japonais commémorent leurs ancêtres (fête d'obon) et ils sont venus plus nombreux que jamais les célébrer... en musique. Avec 130 artistes à l'affiche, Summer Sonic a attiré près de 150.000 fans chaque jour, pour des concerts quasi non-stop, simultanément à Osaka et près de Tokyo, à Chiba, dans la baie de Yokohama. Ce dernier site a été secoué par le tremblement de terre du mois de mars à Tohoku. Les organisateurs ont failli renoncer. Mais, contre tous les mauvais vents, les groupes ont répondu présent.
Le triomphe de Zaz et Yelle
A Tokyo, les rituels avaient commencé vendredi 12 août avec des habitués, Jamaica et Vitalic, très appréciés. Les productions françaises s'exportent bien au Japon. "Treize artistes dans un festival prescripteur comme Summer Sonic, c'était impensable il y a dix ans, explique Sylvain Delange, responsable du Bureau Export des Musiques françaises à Tokyo. Nous avons invité les programmateurs en France, ils ont pu découvrir une autre musique française, jeune et branchée. Nos artistes sont décomplexés de chanter en anglais, ce qui n’empêche pas un retour progressif au francophone avec Mustang, Yelle, Housse de Rackett et Zaz, qui cartonne ici avec 15 à 20.000 albums : elle est n°1 sur une dizaine de radios."
Naoki Shimizu, PDG de Creativman, qui organise Summer Sonic et d’autres festivals, confirme: "Quand j'étais enfant, j'entendais Michel Polnareff, Sylvie Vartan. Après, j’ai écouté surtout des musiques anglo-saxonnes. Aujourd'hui, il commence à y avoir des groupes électro et rock intéressants en France. Cette année nous avons voulu une collaboration avec le label Ed Banger, qui a déjà un public ici. Nous lui avons donné une nuit entière, "Midnight Dance Ed Banger All Stars" avec Logo (Kitsuné), Breakbot, Busy P et So Me, DJ Mehdi et Riton, Sebastian. Quant a Yelle, Summer Sonic a été un tremplin pour elle. Elle s'est fait repérer lors de sa première prestation au festival en 2008 par Kimura Kaera, très populaire au Japon, qui lui a proposé de l'accompagner en tournée."
Trois ans et 15.000 albums vendus plus tard, Yelle est devenue un phénomène. Pour son deuxième Summer Sonic, l'immense hall d'exposition a fait le plein dimanche 14 août : 5.000 personnes au bas mot. Pour le titre S'éteint le soleil, la chanteuse apparaît en yeti vert. Pour Qui est cette fille, la voilà en léopard rose sexy. Emoi. La foule adulescente suit des mains et des pieds tous les gestes du marsupilami qui bondit d'un bout à l'autre de la scène, sans relâche. Derrière, DJ GrandMarnier et Tepr cuisinent une électro-pop tribale au son aussi énorme que précis : un exploit dans cet espace anti-musical dédié d'habitude aux foires professionnelles.
Quelques mots en japonais et le public est définitivement conquis : "La musique est super, la fille est kawai (mignonne, ndlr) !" s'extasie Mingumi ; Sho, lui, est plus analytique : "Super cool, non seulement la fille est jolie, mais le son envoie fort et il y a plein d'influences mélangées" ; Leika, elle, découvre : "Je suis venue par curiosité, c'est la première fois que je les vois, quelle bonne performance !". Après Yelle, c'est au tour de Two Door Cinema Club et de Metronomy, deux groupes signés par des labels français, de s'exécuter. Et de prouver que cet été, le "made in France" a définitivement franchi le mur du son Japon.
Jean-François Danis