Slaï, le zouk à l’instinct
C'est un acteur de premier plan de la scène zouk depuis une décennie. Le chanteur guadeloupéen Slaï a mis son expérience à profit pour que spontanéité et authenticité alimentent son nouveau disque, baptisé Escale.
En studio, pour travailler ses albums, il aime être pieds nus. C’est sa façon de se sentir à l’aise. Avoir ses habitudes, ses repères, est un préalable auquel Slaï tient particulièrement et qui l’a toujours conduit à enregistrer sa musique en métropole plutôt qu’aux Antilles. Le zouk à la mode de Seine-Saint-Denis de Montreuil, comme sur les nouvelles chansons d’Escale, possède les mêmes propriétés que celui conçu de l’autre côté de l’Atlantique.
Mais cette fois, le chanteur guadeloupéen explique avoir davantage privilégié "une approche instinctive" lorsqu’il se trouvait devant le micro. "Faire une photographie du ressenti à un instant donné", formule-t-il. Et éviter que la nécessaire réflexion en amont ne le conduise in fine à se disperser. Il reconnaît volontiers que sa vision du zouk n’est plus la même aujourd’hui, à 38 ans, qu’à ses débuts. Si chaque disque a "donné lieu à son lot d’observations, de satisfactions, de frustrations", cela lui a permis de pouvoir durer. "A l’origine, je n’avais pourtant pas de plan de carrière", rappelle celui qui est arrivé en 1996 en banlieue parisienne, avec tout juste l’intention d’adhérer à un petit groupe gospel. "Histoire de pratiquer le chant, en loisirs."
L'appel sanguin du zouk
Chez lui, ses parents écoutaient aussi bien le répertoire local de Ti Céleste que la rumba congolaise de Sam Mangwana ou Theo Blaise Kounkou. Easy Skanking de Bob Marley est son premier 45 tours, qui lui fut offert à son anniversaire. Plus tard, il se met à l’heure des musiques urbaines, l’oreille tendue vers les Etats-Unis. Mais, au moment de se lancer, le zouk s’impose. "Ça m’est paru naturel, même sanguin", assure Slaï.
Collaborer d’abord à l’album de Guy Bordey l’incite à tenter le sien, Fresh, produit en 1998 avec ses propres économies. La première scène a lieu, alors qu’il a près de 25 ans, lors d’un banquet où Tanya Saint-Val est l’invitée principale. Il y va "la boule au ventre" et en ressort rassuré, sur ses capacités et sur la possibilité que ses chansons rencontrent un public. A raison. Flamme puis La dernière danse (Ne rentre pas chez toi ce soir) le font passer dans le club très restreint des zoukeurs dont les succès se chiffrent au-delà des 100 000 exemplaires et dont la carrière prend une tournure internationale.
A Mayotte, dans l’archipel des Comores, il est accueilli par les chants d’une trentaine de femmes. "Elles étaient en habits traditionnels, tapaient des mains... C’était impressionnant et touchant", se souvient-il. En Afrique aussi, il est surpris. On lui a bien dit que le zouk y est populaire mais il n’imagine pas que c’est "à ce point" et il avoue être à chaque fois "bluffé" par l’enthousiasme que suscite cette musique.
Après le Burkina Faso en 2002, il le vérifie aussi au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Congo, au Togo... Et de souligner le "travail de développement "énormissime"" effectué sur ce continent par ses aînés de Kassav', tout en rappelant qu’il incombe aux artistes de sa génération de "prendre le témoin pour entretenir cet engouement, tout en étant ouvert et en respectant la culture des pays dans lesquels nous allons". Avec Slaï, le zouk est à la fois humilité et sagesse.
Slaï Escale (Koumbeat/Pias) 2011