Catherine Major et Le Désert des solitudes
La talentueuse pianiste et chanteuse de Montréal livre son troisième disque, une collection délicate de chansons inspirées de l’amour, de la naissance et du temps qui passe. Elle raconte à RFI Musique sa démarche créatrice et partage sa hâte de monter sur scène.
RFI Musique : Quand les chansons du nouvel album sont-elles nées ?
Catherine Major : Surtout pendant la tournée de Rose Sang. Je n’ai pas réellement de routine de composition : les chansons se manifestent dans des moments très différents et parfois impossibles, comme sur une scène pendant les tests de son. Il y en a même qui ont été faites à la toute fin, en phase de pré-production, comme Saturne sans anneaux et Petit début d’éternité. La musique était déjà là, tout était enregistré, mais il manquait la voix. Les textes ont été terminés à la dernière minute.
Est-ce votre façon normale de travailler ?
C’était similaire pour Rose Sang. J’ai besoin que ça bouge et je travaille mieux sous pression, tant pour la musique que pour les textes. Par exemple, Un blanc sur ma mémoire a été créée en trois jours, pour une série d’ARTV. Dans un temps limité, il fallait écrire et composer une chanson portant sur une expérience vécue avec une personne, et dans mon cas c’était avec des Haïtiens réfugiés du tremblement de terre. J’ai adoré l’exercice.
Aviez-vous un concept en tête pour le disque ?
Ça me vient tout seul; je ne suis pas très conceptuelle… Ce sont des tableaux distincts, rassemblés, qui forment un tout auquel j’essaie de donner un son englobant. Pour moi, quand une chanson arrive, c’est parce qu’elle a besoin de naître. Après, un album c’est un ramassis de photographies d’une période. Chaque album immortalise un peu un passage de la vie.
Pour faire le disque, vous vous êtes entourée de plusieurs collaborateurs …
Alex McMahon et moi avons tout fait ensemble : les arrangements, la réalisation... On a commencé par essayer de défricher les chansons une à une en pré-production, pour voir où on les emmènerait. On s’entend très bien, on est tous les deux formés pour écrire les partitions d’orchestre, mais notre regard est complémentaire. Son rôle est d’être "l’oreille extérieure" que je n’ai pas. Ça demande une énorme confiance, car j’entends des choses très précises.
Et pour les textes ?
Moran [NDR : auteur-compositeur québécois et conjoint de Catherine Major] m’a apporté quelques textes que j’ai mis en musique. Parfois c’était aussi le contraire, notamment avec Ma voix. Il arrive que je commande des textes à l’auteur, par exemple Christian Mistral pour Saturne sans anneaux. Il avait 24 heures pour rédiger les paroles selon une structure déterminée. Il y a aussi tous les textes écrits par ma mère. C’est le troisième album qu’on fait ensemble et je trouve sa poésie magnifique.
Que signifie pour vous le titre de l’album ?
Je crois qu’il représente l’état dans lequel on vit tous, la planète. J’ai l’impression qu’on est tous seuls dans un énorme désert. Ça représente aussi l’absence de solitude dans ma vie depuis que je fais ce métier. Depuis la naissance de ma fille aussi : c’est un changement monumental, tu n’es plus jamais seule après…
Vous avez déjà déclaré que votre récent disque était le plus lumineux.
Je pense surtout que je suis plus en paix, plus heureuse. Être mère m’a apporté beaucoup. J’ai comme une vie avant et une vie maintenant. J’ai l’impression que, dans les musiques, il y a plus de lumière, plus de sagesse. Dans les arrangements aussi. Ce n’est pas tant dans les thèmes, que dans le rendu général de l’album que c’est plus lumineux. Bien sûr, il y a aussi beaucoup d’inquiétude : c’est souvent ce qui me donne envie de chanter. Chanter des sujets légers ne m’intéresse pas du tout et je n’y parviendrais pas.
Avez-vous l’impression de vous livrer davantage ?
Je me livre vraiment plus. Généralement, quand on écrit une chanson, on parle de nous. Pas que je veuille étaler mes états d’âme, mais en même temps je ne m’en cache pas. Moi, je me retrouve dans les chansons personnelles des autres. Je trouve ça bien qu’une chanson puisse voyager, être interprétée différemment. De la même façon, j’ose espérer que les gens puissent se retrouver dans les miennes, même quand je chante des choses très personnelles. J’ai un faible pour celles qui s’inspirent de mes proches, comme Tape dans ton dos, écrite pour ma fille, et Soixante, faite pour mon père, mais qui traite d’un sujet universel : vieillir.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Je prépare le spectacle qu’on présentera en janvier au Québec. Les chansons sont nées, mais j’ai très hâte qu’elles vivent. J’adore la scène : j’ai la sensation de vivre quelque chose de très fort chaque fois. En mars, j’irai en France et je suis très contente parce que je serai encore dans la même impulsion. Pour Rose Sang, beaucoup de temps s’était écoulé entre la sortie québécoise et française. J’avais dû replonger dans un vieux show, refaire la promo d’un disque qui n’avait plus la même signification pour moi. J’ai aussi quelques projets de musique de film. J’adore, mais c’est intense et dur à insérer dans l’horaire de la chanteuse! Ce sont deux métiers différents, mais très importants pour moi. Je ne saurais lequel lâcher!
Catherine Major Le Désert des solitudes (Spectra Musique) 2011
En tournée française en mars et avril 2012. Le 27 mars à l’Européen (Paris)
Site web de Catherine Major : http://www.catherinemajor.com/