L’œuvre cosmique de Muntu Valdo

L’œuvre cosmique de Muntu Valdo
© thomas bumi

Avec The One & The Many, l’homme-orchestre camerounais Muntu Valdo distille un "Sawa Blues" puissant, autour duquel viennent affleurer des influences bossa, soul, jazz... Une œuvre pleine de charmes, aux dimensions métaphysiques.

The One and The Many, L’Unique et le Multiple... derrière le titre énigmatique de son nouvel album, se cache la quête musicale, philosophique et spirituelle du Camerounais Muntu Valdo. Il y a d’abord le concept de cet homme-orchestre, de cet alchimiste des sons qui, seul sur scène, fait chanter la guitare, la basse, l’harmonica, les chœurs, battre le pouls des percussions... à l’aide de ses boucles, pédales, synthétiseurs et autres instruments "spéciaux". En bref, tout un attirail de technologies et d’ingrédients futuristes se combinent pour donner corps à sa musique roots, charnelle et étoffée.

En parallèle de cette formule magique, qui confère à l’artiste solo le pouvoir de sonner comme un groupe, l’artiste développe aussi toute une métaphysique : "Le multiple naît de la dissolution de l’un, et vice versa. Nous sommes des êtres uniques, mais aussi composés d’innombrables particules, de plusieurs cellules, plusieurs membres, plusieurs vies... Chacun dans notre singularité respirons le même air, vivons sous le même ciel, et composons un seul et même tout, une humanité, où les actes de chacun se répercutent sur tous."

Sur la pochette de son album, apparaît alors ce symbole, un cercle empli de figures géométriques déclinées à l’infini : carrés, triangles, losanges, rectangles, puis d’autres cercles mis en abymes, doués des mêmes figures géométriques. Un dessin, où rien ne commence ni ne finit jamais, où l’indivisible donne naissance à une multiplication sans cesse renouvelée.

La destinée de l’Un

Au commencement, il y avait pourtant l’Un : un individu né en 1977, sur la côte Atlantique camerounaise, dans le Golfe de Guinée. Un gamin qui grandit à Douala et Yaoundé, dans un chaudron musical tissé d’influences brésiliennes (Milton Nascimento, Caetano Veloso, Gilberto Gil...), cubaines (Compay Secundo...), soul (Otis Redding, Sam Cooke...), françaises (Aznavour, Johnny...), succombe aux charmes de la guitare, et gratte inlassablement, comme d’autres dribbleraient tout le jour sur un terrain vague reconverti en stade de foot.

A l’adolescence, il perpétue cette passion. A l’heure de trouver du boulot dans un pays ravagé par les affres du chômage, il se voit embauché dans l’orchestre d’Eko Roosevelt. La suite de sa carrière musicale lui fera croiser de grands noms : il joue avec Staff Benda Bilili, Keziah Jones, Tony Allen, Richard Bona, Manu Dibango, Chucho Valdés, Etienne Mbappé... Le multiple s’immisce alors dans sa destinée. "Toutes ces rencontres, sources d’enrichissement fabuleux, t’ouvrent d’innombrables perspectives", explique-t-il.

Des aventures qui, parfois, ramènent à l’Un. Lorsqu’il rencontre Ali Farka Touré, présenté par Toumani Diabaté, il n’ose dire à ce géant du blues, qu’il en crée aussi. Réponse du maître, aussi banale qu’exceptionnelle : "Personne ne fera mieux que toi ce que tu sais faire".

Sawa Blues

Et ce que Muntu sait le mieux faire, n’est autre que ce "Sawa Blues", la musique de son ethnie, sur les traces de ses illustres prédécesseurs, comme Francis Bebey. A ce socle hérité de sa région et de sa terre natale, il mêle des influences de bossa nova, soul, jazz, cubain, qui dialoguent en allers-retours, comme le ressac des marées.

Et Muntu Valdo de rappeler que la mère nourricière de ces musiques n’est autre que l’Afrique. "Je joue la réconciliation, l’air de la diaspora", ajoute-t-il. En résulte alors un disque baigné de grâce, où la douceur se conjugue à la force du vent : dix titres où chantent la mer, l’eau, les voyages, la tristesse, mais surtout l’espoir... Et quoi d’autre ? Depuis 2007, Muntu vit à Londres : "Alors, bien sûr, il y a aussi un peu de monarchie et de fish & chips dans ma musique...", rigole-t-il.

Muntu Valdo The One & The Many (Warner Jazz) 2011