Ray Lema, l’attitude jazz
Deux ans après son dernier album 99, un disque orchestral et métissé, Ray Lema revient avec V.N.S.P, un nouvel opus 100% jazz. En quintette, accompagné, entre autres, du bassiste Etienne Mbappé, le pianiste et compositeur congolais rend hommage à Herbie Hancock et Fela Kuti. Une échappée-belle façon blue note !
1977, Kinshasa – un ami belge presse Ray Lema d’accourir chez lui de toute urgence, pour écouter un disque qu’il vient de recevoir. A travers la ville, le jeune pianiste congolais de 31 ans cavale à toute berzingue. Face aux platines, le choc : Ray ne reprendra jamais tout à fait son souffle. Des enceintes, jaillit ce son nouveau, inédit, révolutionnaire, celui du quintette mythique d’Herbie Hancock en live, estampillé V.S.O.P ("Very Special Old Production"), composé de Wayne Shorter aux saxophones, Freddie Hubbard à la trompette, Ron Carter à la basse et Tony Williams à la batterie… Un monument : après ce disque, le monde ne sonnerait plus jamais pareil…
"C’était un coup de massue ! J’étais sidéré ! se rappelle Ray Lema. Herbie plaçait la barre tellement haut, que je fus incapable de poser les mains sur un clavier pendant plusieurs jours ! Il dévoilait des perspectives insoupçonnées, il renversait l’univers pianistique ! C’était une porte ouverte sur la folie, mais une folie maîtrisée, et teintée de musicalité. Ce disque a changé ma vision de la musique et de la vie !"
Mais dans ces champs libres, s’agit-il encore de trouver sa voie, et d’esquiver bien des écueils : "Je voulais éviter les dérives d’un jazz-rock trop exhibitionniste à mon goût : cet étalage de virtuosité ostentatoire qui tente d’assimiler les musiciens à des athlètes de haut niveau, dans une course effréné à qui joue le plus vite ! Loin de ces "performances", la musique doit toucher nos cordes sensibles, raconte Ray Lema, qui ajoute : Je souhaitais aussi m’éloigner d’un jazz américain trop formaté, schématisé, enseigné dans les écoles, tout en conservant mon côté africain. Au final, cet album constitue le fruit d’une longue réflexion".
Pour trouver son langage personnel, Ray est donc revenu aux fondamentaux, à la base de toute musique : la saveur de mélodies simples, efficaces. Et puis, alentours, il y a ses acolytes, ses quatre "tigres", comme il les appelle tendrement, qui élèvent sa musique vers la consécration.
Le rêve de l’Afrique
Et puis, outre la révérence à Herbie Hancock, Ray Lema se targue aussi de trois autres hommages. Le titre Anikulapo salue ainsi Fela Kuti, le "verbe et le chant" de l’Afrique selon le Congolais, un "grand monsieur au charisme impressionnante, doté d’une analyse du système époustouflante". Ami, lui, s’adresse à la remarquable essayiste, écrivain et femme politique malienne, Aminata Traoré.
→ Ray Lema était l'invité de l'émission Vous m'en direz des nouvelles à RFI (30/01/2013)