Les Tambours de Brazza, le mariage pour tous les instruments
Relocalisés en France après avoir vu le jour en Afrique il y a un peu plus de vingt ans, Les Tambours de Brazza s’offrent un périple musical Sur la route des caravanes, titre de leur nouvel album. Rencontre avec Emile Biayenda, fondateur d’un groupe moins traditionnel que les apparences ne le laissent croire.
RFI Musique : Quelle est cette route des caravanes, que vous empruntez sur cet album, comme le titre le laisse deviner ?
Emile Biayenda : C’est un peu l’histoire de la traite, avec ce personnage réel de Tippo Tipo qui partait d’Afrique du Nord puis passait par Tombouctou, où il achetait du sel et des esclaves. Il descendait ensuite jusqu’à Zanzibar où il vendait le sel, achetait des épices avant d’amener ses esclaves jusqu’au bord de l’océan Atlantique à la Pointe indienne. C’est ce parcours que j’ai voulu prendre, mais sans revendications. Je suis du présent et de l’avenir. Le passé, c’est le passé. On n’oublie pas d’où on vient. Ça cimente l’avenir. Mais l’autre en face de moi n’a pas à payer pour ce que ses parents ont fait.
Sur ce disque, on entend de la rumba congolaise, un genre que vous considériez comme alimentaire à vos débuts. A quoi est dû ce changement ?
La rumba, elle transpire. C’est une musique qu’on a écoutée à la maison, c’est celle dans laquelle on a grandi, c’est le quotidien et elle a rayonné dans toute l’Afrique. Quand je disais que j’en jouais pour manger, c’est parce que c’était notre pop locale et à un moment, j’avais besoin de me démarquer pour atteindre mon but. Mais mes références à la guitare, c’est Franco, Docteur Nico, Papa Noël… Pour ce disque, on a appelé un guitariste de Kinshasa qui a joué avec Papa Wemba. Je lui ai dit de ne pas écouter l’harmonie, ni la trompette qui fait des riffs de jazz, et qu’il m’envoie la purée comme au pays parce qu’il doit faire danser. Sur un morceau, il joue du soukouss et moi, à la batterie, je joue du mbalax sénégalais pour montrer l’universalité rythmique, avec une section de cuivres qui peut faire penser au zouk.
Plusieurs morceaux de l’album ont aussi des teintes jazz-rock, tendance afro. C’est une époque qui vous a marquée ?
J’ai écouté des groupes comme Osibisa, Mbamina. L’album Dé d’Ultramarine, que Mokhtar Samba nous a laissé quand il était passé à Brazzaville lors d’une tournée avec Michel Jonasz, on l’a usé ! Il y avait ce côté furieux du jazz français – en tout cas, à Brazza, c’est comme ça qu’on appelait les Etienne Mbappé, Paco Sery, Mokhtar Samba... Ce côté-là est revenu sur le nouvel album à travers des morceaux en clin d’œil, comme celui avec Ray Lema et Gino Sitson qui pose sa voix magique. Et puis il y a des titres plus perso, où la rumba est bien présente, avec la caisse claire à la façon de Zaiko Langa Langa. C’est le disque le plus paradoxal, avec des côtés très jazz fusion, mais c’est celui aussi où le soukouss pur et dur débarque avec la petite basse jouée avec le pouce et les sébènes de cette guitare qu’on peut écouter sur les deux rives du Congo.
A l’occasion d’un carnaval, nous avions réuni tous les percussionnistes des différents ballets. Et fort de cette expérience, nous avons monté une association pour canaliser les différentes activités. Il y avait une troupe de danse contemporaine, l’orchestre les Tchielly des frères Saintrick et Luc Mayitoukou – qui sont allés s’installer au Sénégal, et un groupe de percussions dont je m’occupais. Au lieu de jouer des rythmes traditionnels purs, on commençait à faire un travail de composition pour avoir des morceaux structurés. A l’origine, donc, c’était un atelier où il y avait une cinquantaine de percussionnistes. Au fur et à mesure, d’autres sont arrivés et on s’est retrouvés à une centaine. Un noyau s’est dégagé et a formé l’ossature du groupe des Tambours.