Kent au delà du temps
Le temps des âmes, c'est celui traversé par Kent pour mieux revenir à nous. Et c'est ainsi qu'il a baptisé son nouvel album. Principalement axées sur le piano et la voix, 13 nouvelles chansons se promènent sur la gamme des sentiments de l'âge mûr, de l'éphémère des choses et du corps qui nous échappe. Un disque inattendu, mené avec la complicité de Ian Caple, réalisateur britannique au talent délicat, et Marc Haussmann, pianiste allemand aux doigts majestueux.
RFI Musique : À la première écoute, Le Temps des âmes semble être enregistré en formule piano-voix et pourtant plein d'éléments très discrets viennent s'ajouter ça et là…
Kent : Absolument. Au départ, les chansons ont été enregistrées piano-voix. Ensuite on écoutait et on essayait des choses avec Marc, le pianiste. On habillait des sons qui existaient déjà. C'est un pur plaisir de musicien et je me disais que si les gens écoutaient plusieurs fois le disque, ils allaient encore entendre de nouvelles choses. En fait, la première direction du disque était très produite. Pendant des mois, j'ai tourné en studio à chercher un son, une manière de faire. J'étais arrivé à quelque chose d'assez séduisant. Puis je suis parti en concert à Berlin dans un cabaret avec juste Marc Haussmann. Et je me suis retrouvé sur scène à chanter piano-voix, des chansons que je chantais depuis des mois synthé-boîte à rythmes. C'était une espèce de liberté totale. Je me suis rendu compte que je n'avais jamais fait ça, que cela me procurait de l'émotion. Du coup, j'ai laissé tomber toutes les maquettes déjà faites. C'est très cruel d'ailleurs, surtout pour les gens avec qui on travaille.
Il faut avoir fait du chemin et savoir où on en est dans la vie. Ce qui est drôle, c'est qu'il y a eu des chansons que je n'ai finalement pas mises parce qu'elles ressemblaient à du Kent déjà vu. Elles étaient plus gaies comme j'ai pu faire auparavant, des chansons ironiques, à taper dans les mains. Mais elles n'étaient pas ce que j'avais envie de raconter. Donc, je les ai enlevées. Je ne voulais pas que le public puisse se raccrocher à quelque chose en disant "Ah ! on le retrouve !". Et pour en venir au thème, j'étais obsédé par cet entre-deux âges qui démarre à quarante ans et où on commence à comprendre que l'on ne peut plus s'inscrire dans un certain mode de vie. Sur le visage s'inscrit une autre génération. Il faut accepter ça. J'ai mis dix ans. Et avec beaucoup de nuits blanches et des poussées d'angoisse ou de colère. Et là, c'était le moment pour en parler et raconter ça sereinement. Parfois on me dit que ce disque est sur la peur de vieillir. Ce n'est pas le cas, c'est plutôt sur l'acceptation de vieillir.