Joe Driscoll et Sékou Kouyaté, matière en fusion

Joe Driscoll et Sékou Kouyaté, matière en fusion
Joe Driscoll et Sékou Kouyaté © DR

Réunis par la grâce des muses et l’entremise d’un festival, le Guinéen Sékou Kouyaté, bras droit de Ba Cissoko, et l’Américain Joe Driscoll prolongent en studio avec l'album Faya, la belle complicité qu’ils ont développée sur scène depuis quatre ans. Un disque aussi électrique qu’éclectique, entre afro-rock et afro-funk, entre afro-reggae et afro-rap.

Emblématique des cultures de l’ouest du continent africain, la kora est devenue un instrument privilégié dans la construction du dialogue nord-sud, sur le plan musical. Les exemples de duos afro-occidentaux où elle partage le premier rôle ne manquent pas, à commencer par celui que formaient le Guinéen Djely Moussa Diawara et l’Américain, joueur de ukulélé, Bob Brozman, disparu l’an dernier.

Dans de tels contextes, au cours des dernières années, la demi-calebasse au long manche a souvent été utilisée dans un registre évoquant plus une forme classique que contemporaine, comme ce fut le cas avec le Malien Ballaké Sissoko et le contrebassiste français Vincent Segal, ou encore le Casamançais Seckou Keita et la harpiste galloise, Catrin Finch. Voire jazz, lorsque les notes cristallines jouées par le Sénégalais Ablaye Cissoko trouvent la trompette de l’Allemand Volker Goetze.

Entre l’Américain Joe Driscoll, 35 ans, et le Guinéen Sékou Kouyaté, de cinq ans son cadet, qui livrent leur premier album Faya, l’échange est d’une autre nature : oubliez le côté sage et acoustique, pensez plutôt pédale wah-wah, distorsion… De quoi faire fondre la matière tant la température grimpe rapidement !

Cette association à bénéfices réciproques, loin de paraître évidente de prime abord au regard des univers d’origine des deux musiciens, rappelle à quel point il peut s’avérer bienvenu de donner un coup de pouce au destin en amenant des artistes ne se connaissant pas à travailler ensemble. Joe et Sékou se sont découverts en 2010 dans le Sud de la France, lors du festival Nuit Métis.

Il y a une quinzaine d’années, le même événement – alors organisé dans une autre ville – avait révélé un certain Ba Cissoko… qui n’est autre que le cousin de Sékou, lequel accompagne depuis longtemps son illustre aîné sur scène comme en studio. Avec un jeu particulier, qui lui vaut d’être surnommé le Jimi Hendrix de la kora. Son partenaire américain, sur ce nouveau projet, est un homme-orchestre moderne, multi-instrumentiste influencé à la fois par le rap, la folk, le reggae, le rock.

Très vite, ils ont compris qu’ils avaient beaucoup à se dire, qu’il y avait entre eux, une complémentarité prometteuse. Ils ont fait rebondir leurs idées, les ont capturées dans les boucles (loops) qu’ils ont construites pour étoffer leurs morceaux, se sont appuyés sur des lignes de basses redoutablement efficaces imaginées par l’ingénieur du son Cyril Pelegrin…

Pour prolonger de quelques minutes le plaisir de cet album bien trop court (à peine plus d’une demi-heure), un dixième titre fait office de bonus : remixé par le collectif anglais Gentleman’s Dub Club, cette version de la chanson Faya pousse un peu plus loin les limites. “Un jour en Afrique, il n’y aura pas de frontières”, confirme d’ailleurs une voix au démarrage de Tanama, en ouverture de ce disque. Musicalement, les deux protagonistes ont déjà préparé le terrain en dynamitant les obstacles.
Joe Driscoll & Sékou Kouyaté Faya (Cumbancha/Pias) 2014
Site officiel de Joe Driscoll & Sékou Kouyaté