Songhoy Blues, de la crise au conte de fées

Songhoy Blues, de la crise au conte de fées
Songhoy Blues © T. Bindra

Repéré par le collectif Africa Express de Damon Albarn lors de son expédition au Mali en 2013, le quatuor Songhoy Blues bénéficie à nouveau de ce prestigieux parrainage pour son premier album baptisé Music In Exile. Entretien avec Garba Touré, guitariste du groupe.

RFI Musique : Comment avez-vous connu les autres membres du groupe Songhoy Blues, qui viennent d'autres régions du Mali ?
Garba Touré : C'est à Bamako qu'on a fait connaissance, à l'université. Après le bac, nous sommes tous allés dans la capitale pour étudier. On savait qu'on venait tous du nord du pays et c'est comme ça que le groupe a été créé fin 2012. Le Nord venait d'être envahi et on ne pouvait plus y faire de la musique. On y était allé à ce moment-là et on est tous revenus à Bamako dans la même semaine. Ali m'a contacté, il a contacté Oumar pour nous dire qu'il y avait un mariage dans sa famille et qu'on pouvait animer la cérémonie. Les gens ont beaucoup aimé ce qu'on a fait. Ce jour-là, on a senti qu'on formait un groupe, qu'on allait rester ensemble et mettre en place à un répertoire qui nous était propre. Chaque jour, on a écrit, composé ensemble. Lorsqu'on a eu une trentaine de chansons, on allait voir les amis qui jouaient dans les cabarets et ils nous donnaient le temps de jouer deux ou trois morceaux. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que les propriétaires de certains cabarets nous remarquent et nous proposent de venir animer les soirées. C'est comme ça qu'on a commencé.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous retrouvés à participer au projet Africa Express qui vous a permis de sortir de l'ombre ?
Un jour, on a jugé nécessaire d'aller faire une maquette parce qu'on avait envie de pouvoir passer à la télé nationale ou à la radio, comme les autres artistes. Donc, on s'est rendu chez l'oncle Barou Diallo, qui a travaillé avec Ali Farka Touré, et qui a un studio. Il nous a dit que notre idée était bonne, mais il y avait une délégation anglaise qui était à Bamako avec Marc-Antoine Moreau (manager d'Amadou & Mariam, NDR), Damon Albarn et d'autres... Il nous a demandé d'appeler Marc-Antoine qui était en charge de sélectionner les artistes. On l'a eu au téléphone et il a assisté à notre prestation le soir dans un cabaret. Et il est parti. Le lendemain, il nous a invités à la Maison des jeunes de Bamako. Il y avait beaucoup de musiciens. On a participé aux sessions, et Nick Zinner – des Yeah Yeah Yeah – a beaucoup aimé ce qu'on a fait. Il a nous proposé d'enregistrer aussitôt un single avec eux au studio Bogolan. Là-bas, on a fait Soubour. Nous n'étions pas trop impressionnés parce que nous ne nous rendions pas compte, mais à la sortie du studio on nous a félicités en nous disant qu'on se verrait encore. Et puis la délégation est repartie à Londres. Deux ou trois semaines après, on nous a appelés et on nous a demandé de faire des passeports, visas et de venir à Londres pour le lancement de ce qui avait été fait à Bamako.
 
Comment avez-vous procédé pour concrétiser ce premier album, enregistré par la suite ?
On a fait une première partie dans le studio de Damon Albarn à Londres, mais juste une maquette. C'est surtout au studio de Manjul à Bamako qu'on s'y est mis. C'était lui le technicien. Il y avait Nick Zinner qui est venu des États-Unis et a assisté à l'enregistrement. Que ce soit eux, ou nous, les éléments de Songhoy Blues, tout un chacun a amené ses idées et on les a exploitées ensemble. C'est comme ça que ça s’est déroulé. Certains morceaux sont nés en studio, comme Petit Métier. Les autres, on les avait déjà, mais on a changé les arrangements et mis beaucoup de nouveauté dedans. Le mixage et le mastering ont été faits à Londres. On n'était pas présents. On ne sait pas du tout comment ça se passe, vu que c'est notre premier album. Donc c'est le technicien de Damon Albarn qui s'en est chargé, avec l'appui de Nick Zinner, notre producteur et pas mal d'autres personnes.
 
Qu'avez-vous ressenti en écoutant le résultat ?
On a été très surpris. Par exemple, quand on a écouté Desert Melodie après le mixage, on ne pensait pas qu'elle pouvait devenir comme ça. Lorsque nous avons créé cette chanson, on la jouait en acoustique. Mais, en studio, des effets ont été créés et au mixage, ça a donné une autre couleur.
 
Vous arrive-t-il, lorsque vous êtes hors du Mali, d'aller voir des artistes africains en concert ?
On a rencontré des groupes occidentaux, mais malheureusement, on n'a pas eu la chance de voir d'autres groupes africains, excepté Angélique Kidjo, pour une prestation à Londres, et un groupe nigérian avec des musiciens de Fela Kuti. On a beaucoup appris en les regardant. On voit comment créer l'ambiance sur scène, ce que font les musiciens et le chanteur, leur manière d'animer. Et puis au mois de novembre, on a fait une tournée jusqu'en Inde et on a découvert d'autres cultures. Tout cela nous apporte des idées pour essayer d'améliorer ce qu'on fait.
 
Songhoy Blues Music in exile (Transgressive Records) 2015
Page Facebook de Songhoy Blues

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A écouter : le Rendez-vous Culture de RFI (04/12/2014)