L’Attirail, 20 ans de road-movie musical

L’Attirail, 20 ans de road-movie musical
L'Attirail © Futura Tittaferrante

Fondé en 1994 par Xavier Demerliac et Jean-Stéphane Brosse, l’Attirail surfe, depuis ses débuts, sur les musiques de l’Est européen, pour créer ses propres aventures musicales, avant d’embarquer vers le Grand Ouest américain. Aujourd’hui, cette tribu musicale nomade, à l’origine de nombreuses BO de films, créatrice de ciné-concerts, sort, pour fêter ses vingt ans, un dixième disque, La Route intérieure. On suit leur piste !

Il était une fois – car toutes les belles histoires commencent ainsi… – deux jeunes, à l’orée des années 1990, amoureux éperdus de grands espaces. Pour l’un d’eux, Xavier Demerliac, cofondateur de L’Attirail, le premier voyage initiatique se fit sur rails, bercé par les soubresauts du Transsibérien, à travers les vastes plaines de Russie. En ce temps-là, cette ligne de chemin de fer mythique, moyen de locomotion "professionnel" des Russes, n’attirait pas encore ses hordes de touristes.

Pour le jeune aventurier français, ce fut un choc : "Ce périple m’a ouvert à l’idée de voyage, de translation, de road-movie dans la musique, sans forcément de destinations précises", raconte-t-il. Son ami, Jean-Stéphane Brosse partage ses aspirations, et une année de temps libre, pour donner corps à leur rêve. Pourquoi ne pas créer un groupe de compositions itinérantes et voyageuses ?
 
Surtout, telle une vague sous-jacente à leur projet, un afflux de musiques débarquait alors, en provenance de l’ancien bloc de l’Est. Xavier Demerliac se souvient : "À 1000 bornes de chez nous, accessible en bagnole, existait un monde inconnu ! En 1989, avec la chute du Mur de Berlin, nous avons découvert des pays mystérieux, très différents, culturellement et économiquement ! Là-bas, les musiques traditionnelles, loin de tout folklore, se vivaient au quotidien, lors des fêtes, des mariages, etc."
 
En 1995, il y’a vingt ans tout rond, ils fondent donc le groupe L’Attirail, ainsi nommé pour leur propension à acheter, pour trois sous, des instruments de bric et de broc, glanés au gré de vide-greniers : accordéon déglingué, trombone débusqué aux puces, vieilles casseroles…
 
Le grand mélange
 
Loin d’eux, pourtant, l’idée de reprendre fidèlement la tradition tzigane, telle que le firent les groupes français Bratsch ou Les Pires, pionniers de la vague qui submergea l’Hexagone à la fin des années 1990. D’emblée, pour L’Attirail et ses musiciens biberonnés au rock, le mélange s’impose : "Nous utilisions des sonorités, des rythmes occidentaux, esquivions le cymbalum. Bref ! On créait un style nouveau, un univers qui manifestait, je crois, une belle énergie vitale", explique Xavier.
 
Sous leur jeu, et leurs créations, s’élève l’idée, belle et personnelle, d’une grande Europe, fantasmée et sans frontière, aux horizons reculés. Pour incarner l’urgence de leurs rêves, l’Attirail fonde également sa propre maison de production, Les Chantiers Sonores : "On vivait bien, autonomes, sans intégrer de gros label."

Après six albums à construire musicalement ce territoire virtuel, "transglobal", étendu de Paris à la Mer Noire, des Balkans à l’Asie Centrale, le groupe change de cap en 2009, pour enregistrer une trilogie aux accents mexicano-rock, trois chapitres du Grand Ouest : originel (Wilderness), sans foi ni loi (Wanted Men), et finalement pacifié (Wire Wheels).

 
Cow-boy solitaire, Xavier Demerliac éclaire : "J’ai toujours été fasciné par cette Amérique vierge, les épopées à cheval, et les reconstructions musicales, totalement inventées, qu’en firent Ennio Morricone ou Nino Rota, dans les westerns spaghettis." Sur L’Attirail, planent les ombres mythiques de ces grands musiciens, tout comme les images d’un vieux cinéma.
 
Pas étonnant alors que les musiques de cette tribu, soient à de multiples reprises, empruntées par des réalisateurs, pour la bande originale de leurs œuvres : Émilie Deleuze pour Peau Neuve, Patrice Leconte pour Mon Meilleur Ami, etc. Le groupe compose aussi régulièrement des ciné-concerts. Picturale, leur musique ? Sans paroles ni solos, avec force respirations, elle charrie son lot d’images…
 
On the road again
Vingt ans après leurs débuts, deux décennies passées comme une flèche, avec des départs (Jean-Stéphane Brosse, par exemple, quitte le groupe en 1999), des bouleversements, des projets à géométrie variable, des maturations, des lettres rouges au fronton de l’Olympia, des aventures folles, mais toujours cette perpétuation du sens, L’Attirail sort aujourd’hui, un dixième album, La Route Intérieure, un disque bilan, à mi-chemin, entre l’Est et l’Ouest : "un voyage dans l’imaginaire, sans indications… Une petite route de campagne, loin des grands axes", précise Xavier.
 
Dans leurs reliefs, leurs musiques et leurs lumières, s’écoutent encore les goûts d’escapades méditatives, le nez à l’air, bercés par les sons qui chatouillent l’oreille, et suscitent bien des paysages. À suivre…

L’Attirail La Route Intérieure (Les Chantiers Sonores) 2015
Site des Chantiers Sonores
Page Facebook de l'Attirail

L'ATTIRAIL fête ses 20 ans, et son dixième album, le 9 avril à Paris au Studio de l'Ermitage avec un Ciné-Concert !