L'auteur de Ballon d'or, le rappeur parisien Sinik au flow impitoyable et au propos sincère, poursuit son chemin avec un nouvel opus Immortel II.
Soyons honnête : on avait un peu perdu le fil de la carrière de Sinik depuis son album Ballon d’or sorti en 2009, certes Disque d’or mais relatif échec commercial comparé à ses prédécesseurs. Immortel II marque le retour en forme de ce rappeur qui sait aligner les punchlines et privilégie une noire vision qui touche parfois à l’amertume, voire au dégoût d’une société qu’il fustige sans détour, comme dans Inhumain où il assène : "J’ai peur de BFM et d’I-Télé, mais par les temps qui courent faut faire belek, j’ai pas dit 'Niquez les'".
Avec un flow impitoyable (qui évoque parfois celui de Tunisiano), Sinik livre un constat en forme d’autocritique sur Le cancer de la banlieue, attaque frontale de cette culture banlieusarde qui cherche toujours l’ennemi ailleurs. "On veut rien écouter, on aime se saboter, on joue les mecs soudés, on fait la guerre au quartier d’à côté (…) On croit changer le monde en privant le voisin de sa voiture".
Sinik n’est pas dupe du rap game. Il sait bien, malgré quelques ouvertures trap music, qu’il ne peut pas faire la compétition avec ces rappeurs à peine majeurs qui veulent imposer leur univers nihiliste. Il assume son âge dans J’ai plus 20 ans, texte introspectif dans lequel Thomas Idir (son vrai nom) récapitule sa carrière, sa vie, ses erreurs et ses hauts faits.
À 35 ans, il se retourne sur son passé et voit cadavres, échecs de vie, rêves brisés. "Fini de Fuck la police, j’m’en fous que l’on m’applaudisse (…) L’amour était ma phobie, ma fille je l’aime à la folie". Du rap d’ancien, mais pertinent et sincère.
Car si Sinik n’est plus dans l’air du temps, il ne faudrait pas faire l’erreur de le croire dépassé pour autant. Les 14 titres de son album sont de ceux qui prouvent que le rap français n’est pas condamné au jeunisme ni forcément soumis à la mode du moment.
Son style s’adresse avant tout aux trentenaires et à ceux qui se souviennent d’une époque où le hip hop était le signal d’alarme de banlieues oubliées et pas seulement un ascenseur vers le succès à tout prix.
Malgré quelques morceaux moins forts (comme ce Diable avec du rouge à lèvres, misogyne et revanchard), Immortel II est un retour gagnant, celui d’un rappeur à l’ombre du show-business, mais qui n’a rien perdu de sa fureur de dire.
Sinik Immortel II (Sixonine/Musicast) 2015