Nicolas Godin, un Air en liberté
Pour son premier album solo, la moitié du duo Air, Nicolas Godin, frappe fort. L’objet ? Contrepoint, un ovni discographique inspiré de Bach, et construit comme un hommage libre et éclectique aux modèles du musicien versaillais, de Caetano Veloso à Lalo Schifrin. Rencontre.
Avertissement ! Ceux qui s’attendent plus ou moins à un nouvel album de Air déguisé pourraient être déçus. Alors que son acolyte, Jean-Benoît Dunckel, a depuis longtemps pris des libertés avec le duo en publiant plusieurs disques sous le nom de Darkel ou encore Tomorrow’s World, Nicolas Godin s’essaie, lui, pour la première fois à l’exercice.
C’est en travaillant seul au piano sur les partitions du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach – sorte de grammaire de la musique écrite par le compositeur allemand et mine d’or mélodique – que le musicien a lentement eu l’intuition d’un album construit autour de sa nouvelle obsession. "En m’inspirant du travail de Glenn Gould notamment, j’ai commencé à transformer les partitions, et petit à petit, je me suis rendu compte que j’avais matière pour un disque. Tout cela à partir d’un travail d’apprentissage, qui n’était destiné qu’à moi-même !"
Déconstruire Bach
Pour ce faire, il s’adjoint les services d’un jeune claviériste surdoué issu du jazz et du classique, Vincent Taurelle, déjà présent aux côtés de Air pour les dernières tournées. "Vincent connaît son Bach sur le bout des doigts, explique-t-il. Je suis un autodidacte, lui a une formation classique. Il avait cette vision synthétique, ce recul pour lire et décrypter les partitions. Il y a eu tout un travail pour casser les partitions originales, et recoller ensuite les parties entre elles de manière cohérente. Je n’aurais pas pu le faire sans lui."
Et très vite, un autre horizon se dessine : les morceaux s’étirent pour devenir des pièces instrumentales empruntant à la musique brésilienne (Clara), au jazzman Dave Brubeck (Club Nine), à Lalo Schifrin sur l’extraordinaire Bach Off, et, de manière générale, à la musique de films. "Je n’ai pas pu m’en empêcher. Le cinéma est ma source d’inspiration principale, je suis venu à la musique par ce biais là. Au-delà de Bach, l’album est aussi un peu un hommage à cet âge d’or des B.O un peu disparu, avec des mélodies et des thèmes très forts que l’on pouvait fredonner."
Complexe mais sensuel
Cet éclectisme débridé, cette recherche des extrêmes – la douceur féérique de Elfe Man, l’électro 8-Bit implacable et robotique d’Orca – dans un format court de moins de 35 mn font de l’écoute de Contrepoint une expérience à part, exigeante mais curieusement jouissive et sensible. Malgré un projet initial très sérieux , rien ici n’est pompeux ou inaccessible. "Je veux toujours que la musique soit sexy et sensuelle, se justifie-t-il. J’évite à tout prix que le disque sonne intellectuel, il faut que mes auditeurs aient une sensation de spontanéité et de fraîcheur à l’écoute. Même si la musique est complexe…"
Godin s’éloigne-t-il donc définitivement de la pop avec Contrepoint ? Pas encore, selon l’intéressé. "J’ai l’impression avec ce disque d’aller vers des choses plus profondes, plus essentielles. Mais il y a quand même quelque chose de magique dans une bonne chanson pop. Cela vient d’un coup, comme une fulgurance. Avec Jean-Benoît, un titre comme Cherry Blossom Girl a émergé en un quart d’heure, alors que l’on travaillait sur un truc très intello. Ces moments-là sont géniaux."
De là à imaginer, un jour, une suite à Love 2, dernier album en date de Air ? "J’aimerais que l’on fasse un disque aussi bon que les précédents, explique-t-il. Avec le temps, c’est de plus en plus difficile, mais c’est un défi à relever !"
A écouter : l'Invité Culture de RFI avec Nicolas Godin (30/09/2015)
la session live avec Nicolas Godin dans La Bande Passante (21/09/2015)