En interview, ses réponses sont aussi cadrées que les chansons de son dernier album Mon fado. Véritable star dans son pays où il vend énormément de disques, Tony Carreira se lance dans sa première tournée française. Les chanteurs de charme risquent de tressaillir... Le crooner portugais au physique avantageux marche sérieusement sur leur plate-bande.
RFI Musique : Votre album en français s'appelle Mon fado. Une manière de déclarer que vous vous êtes éloigné de son approche traditionnelle ? Tony Carreira : On n'est absolument pas dans le fado, d'ailleurs (rires). C'est un album de chansons de variété avec un instrument qui donne la couleur du fado, en l'occurrence la guitare portugaise. Je l'ai insérée dans les orchestrations pour qu'elle apporte une petite touche différente à ma musique.
N'est-ce pas curieux pour quelqu'un de peu attiré au départ par le fado ?
Je n'accrochais même pas du tout. Ceci dit, j'ai toujours admiré la reine du fado qu'est Amalia Rodrigues. Mais pour moi, elle était au-dessus du fado. Elle a laissé une œuvre artistique extraordinaire. Et dans les quinze dernières années, il y a plein d'artistes qui ont émergé de ce genre musical et qui se le sont approprié à leur manière. Ils ont revu le son et la façon de le chanter. C'est plus "world music" et je trouve ça artistiquement très intéressant. Donc à partir là, j'ai commencé à aimer davantage le fado.
Le territoire français, c'est une tentative de conquête pour vous ?
C'est un de mes objectifs. J'ai envie que le public sache, dans un premier temps, que j'existe. J'ai eu la chance d'être invité chez Michel Drucker, de recevoir la médaille de chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres. Depuis vingt ans, j'ai toujours fait des spectacles ponctuels en France, que ce soit à l'Olympia ou au Zénith. Derrière cet album en français, il y a une tournée sur cinq semaines. Comme on va aller dans une vingtaine de villes, c'est un autre défi. J'ai l'impression de revenir à la case départ. Mais c'est très excitant de devoir à nouveau faire ses preuves.
Quel est votre premier souvenir quand vous êtes arrivé en France à l'âge de dix ans ?
Les retrouvailles avec mes parents. J'étais resté au pays alors qu'eux avaient fui le régime de Salazar, pour rejoindre Dourdan en Essonne. Je découvrais un monde nouveau, c'était un peu le rêve américain pour moi. A douze ans, j'ai entendu Mike Brant. C'est grâce à lui que j'ai eu le déclic et que j'ai voulu devenir chanteur.
Passer par la case des bals et des fêtes, cela vous a-t-il appris une certaine humilité ?
C'est une sacrée école. Cela vous apprend la valeur du travail, la difficulté. Je faisais ça le week-end alors qu'en semaine, je travaillais dans une usine de charcuterie. Je me levais très tôt le matin et je me retrouvais dans des conditions où il faisait -10 degrés.
Au Portugal, vous n'avez connu le succès qu'à partir de 1993 et le tube A Minha Guitarra. Avez-vous douté auparavant ?
J'ai eu le parcours similaire à celui de nombreux artistes : cela n'a pas marché tout de suite ainsi que pour les deux albums suivants. Effectivement, au bout de tant d'échecs, on se pose des questions et on n'envisage pas son futur très sereinement. J'ai eu l'envie de baisser les bras, mais quand on aime ce qu'on fait, on continue d'y croire. Pourquoi cette chanson a rencontré le public et pas les précédentes ? Je m'étais fait virer d'à peu près toutes les maisons de disques. Un jour, un petit label s'est lancé sur le marché et n'ayant pas les moyens d'engager des chanteurs reconnus, il a fait le pari d'engager des jeunes d'artistes. Je faisais partie de ceux-là.
Vous considérez-vous comme un crooner à la Julio Iglesias ?
Je ne me suis jamais penché là-dessus. Le public trouve qu'il y a des points communs. J'ai lu qu'on me surnommait aussi le "Johnny portugais". Je comprends par rapport aux concerts gigantesques que j'ai pu faire chez moi, mais ma musique se rapproche beaucoup plus de celle de Julio. Je chante essentiellement des chansons d'amour et j'aime cela. C'est la musique qui m'a fait rêver.
Votre public est constitué principalement de femmes. Vous ont-elles réclamé des choses improbables ?
Cela arrive très souvent (rires). La plus surréaliste, c'est une dame qui m'a demandé de lui faire un bébé parce qu'apparemment, je suis doué pour faire des enfants chanteurs !
Il est vrai que David et Mickael, vos deux garçons chantent. Une saine émulation entre vous ?
J'ai l'impression que David est plus connu que moi en France et cela me gêne un peu (rires). Je plaisante, je suis ravi de ce qui lui arrive. C'est mon fils, mais aussi mon meilleur ami. Mes garçons ont grandi dans l'univers de la musique et à force de baigner dedans, ils ont eu cette envie naturelle. Je ne les ai jamais poussés à faire ce choix de carrière.
Votre famille est régulièrement dans la presse people au Portugal. Est-ce pesant parfois ?
C'est difficile de pouvoir tout contrôler. On se protège quand on a besoin. Après c'est très rare que les enfants fassent le même métier et aient autant de succès que le père. Cette année, les trois artistes les plus présents dans le top, ce sont mes deux fils et moi. Donc, cela crée une sorte de saga. Mais on n'a rien fait pour construire cette image.
Vous a-t-on déjà proposé de raconter votre histoire au cinéma ou à la télévision ?
De nombreuses fois. Je n'en éprouve pas le besoin pour le moment. Cela n'engage que moi, mais c'est trop tôt. À travers ce genre de projet, ça me donne l'impression qu'on veut m'enterrer. J'assume totalement que je ne vois pas d'un bon œil le fait de vieillir (rires). Pour être honnête, je ne vis pas cela sereinement !
Tony Carreira Mon fado (Smart/Sony Music) 2016
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