Pour célébrer son quarantième anniversaire mercredi 13 avril, le Printemps de Bourges s'est souvenu. Un spectacle collégial a mis en lumière l'histoire de ce festival qui a marqué la musique populaire en France. RFI Musique était dans la salle pour ce spectacle tenu, à l'affiche pour le moins éclectique.
Les ampoules sont en apesanteur au-dessus de la scène tandis que les photos en noir et blanc s'affichent sur des écrans géants. L'acteur Vincent Dedienne revisite le Printemps de Bourges au travers de ses souvenirs, de vraies-fausses lettres qu'il lit, et d'une chronologie égrainée en voix off.1977, la création avec Trenet, invité du premier festival… 1979…1986… et ainsi de suite.
En une bonne heure quarante-cinq, les images se fixent et les souvenirs se mélangent. La création donnée pour la 40e édition du Printemps de Bourges au Palais d'Auron a parcouru des moments importants du festival et avec eux, tout un pan de la musique populaire en France. Ce sont une vingtaine de chanteurs et musiciens qui ont revisité dix-huit morceaux ayant marqué "Bourges", des classiques de grands de la chanson française (Barbara, Charles Trenet, Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Juliette Gréco…) à un monument comme le thème d’Ascenseur pour l'échafaud de Miles Davis.
Higelin, Lavilliers et les autres
Une large place a bien sûr été faite aux Higelin, Lavilliers et Renaud, cette génération de chanteurs à laquelle le Printemps a permis d'émerger dès la fin des années 70 au nez et à la barbe de la variété. Avec toujours la même prestance, Bernard Lavilliers faisait figure de vieux sage au milieu d'une affiche brassant toutes les sensibilités d'une scène plutôt exigeante. Aux côtés de Dominique A, Miossec et la revenante Sapho, la jeune garde incarnée par Radio Elvis, Jeanne Added ou même Izia a elle aussi été bien représentée.
L’improbable duo de diablesses Izia/Jeanne Added a livré une version électrique du Gloria de Van Morrison sur laquelle le fantôme de Patti Smith rôdait. Invitée à la cathédrale de Bourges en 2013, l'icône du rock américain y avait convoqué sa grâce mystique en piano/voix.
Parce que la nuit appartient à ceux qui osent, ce sont les reprises singulières qui ont visé juste. Quand le rappeur Youssoupha dit Hexagone, on retrouve toute la hargne du brûlot de Renaud. Dans un autre registre, le Marcia Baïla de Christian Olivier n'a pratiquement rien eu à envier à celui des Rita Mitsouko. Quant au duo formé par Nosfell et Pierre Guénard, le chanteur de Radio Elvis, il a épaté tout le monde avec une interprétation solide de La nuit, je mens.
Cette création tenue n'a pourtant pas menti. Il y a eu ceux qui seront passés à côté, à l'image d'Alex Beaupain ou Raphaëlle Lannadère et les bons élèves comme La Grande Sophie. La veille, elle nous confiait son trac permanent et son rapport pas si évident que ça à la cité du Berry.
"On s'est apprivoisé avec le Printemps de Bourges. J'ai dû le faire pour la première fois dans le off en 1996, je partageais un bar et l'affiche avec Louise Attaque. On débarquait de Paris, on faisait avec les moyens du bord. Tout le monde dormait dans le même appartement. On avait eu une panne de courant pendant le concert, ce n'était pas évident. Et puis, j'y suis revenue quelques années plus tard. Mais je n'étais pas programmée, j'étais invitée par un artiste, Bénabar. La première fois que j'ai fait partie du in, c'était en 2009 avec une adaptation de mon concert en acoustique. L'année suivante, je participais à la création des Françoises, avec uniquement des chanteuses, où l'on jouait tout nous-mêmes", raconte-t-elle.
Louise Attaque, Dionysos et une ville qui se réveille
"Je me souviens des huées des fans de Bénabar pour Alain Bashung (...) Je me souviens du fou rire de Serge Gainsbourg et Ray Charles (…) Je me souviens du retour de Bertrand Cantat, émouvant, dérangeant (...) Je me souviens d'une ville endormie qui s'est réveillée", concluait Vincent Dedienne.
Après ce spectacle qui s'est achevé peu avant 21 heures, la soirée de Bourges ne faisait que commencer. En centre-ville, le diablotin de Dionysos, Mathias Malzieu, devait faire complètement chavirer le théâtre Jacques-Cœur avec un beau moment de magie. Au W, Louise Attaque lançait à nouveau les invitations. Ce jeudi, le Printemps de Bourges accueillera le rap de Nekfeu au W, le grand chapiteau du festival, et le rock de Feu ! Chatterton, au Palais d'Auron.
Des soirées dont on pourra se souvenir, sans doute, à deux fois quarante printemps...