Seheno le <i>Ka</i> musical de Madagascar
Son île n’attendait qu’elle
Double événement le 20 mai dernier pour la chanteuse d’origine malgache Seheno. Une première prestation scénique chez elle sous son propre nom avec en bonus la primeur de son nouvel opus, Ka, livré en version live à ses compatriotes. Des Malgaches qui n’ont pas boudé leur plaisir au Bus d’Antananarivo, une salle de spectacle située dans le quartier d’Antanimena au Nord-Ouest de la ville.
Il est 5 heures, Tana s’éveille. Le jour se lève sur la banlieue d’Antananarivo. Sur la route qui nous mène de l’aéroport au centre ville, les échoppes ouvrent leurs portes. Les travailleurs attendent leur taxi brousse déjà venus faire le plein dans les stations services où le prix du litre d’essence avoisine les 2500 ariary soit un euro. Un gouffre pour un salaire mensuel moyen qui avoisine les 20 euros !
Le lendemain, Seheno, (prononcer "séèn") se produit au Bus, dans le quartier d’Antanimena, un des lieux branchés de la capitale malgache. Si quelques vazaha ont fait le déplacement, (prononcer : vaza), terme qui désigne les Occidentaux, ce soir-là, on compte de nombreux locaux. Parmi eux, des artistes tels que Rajery le prince de la valiha (la guitare malgache) ou D’Gary, l’un des plus grands guitaristes de Madagascar.
Tous sont impatients de découvrir l’héritière de l’une des figures emblématiques de la musique malgache Bruno Randriamahatana, alias Biry. Biry, membre de LA formation de variété de l’île, Ny Railovy avec qui, il inaugure le vinyle à Madagascar en 1957.
Le pari-Mada sans turbulences
Symboliquement, c’est avec son père, ses deux frères aînés et la chanteuse de Ny Railovy que Seheno commence son concert a capella avec un morceau du collectif mythique. Autour d’elle, son compagnon Prabhu Edouard, le percussionniste, tabliste indien, réalisateur de l’album, Kevin Seddiki, le jeune guitariste prometteur, seul vazaha du groupe ! Aux chœurs et au katsa (percussion malgache), le concitoyen Yvon Rakotonanahary. "Il faut dire que l’on en trouve peu dans les mélodies de la Grande Ile. Le phrasé de la guitare ou valiha, ici est très rythmique", précise Prabhu.
Seheno le dit clair et net : "Ma musique est sans frontières, puisque je suis une artiste nomade". Question sonorités, elle navigue de fait entre rythmes indiens, maloya, musique ambient, andalouse, voire transcendantale. A Mada, les rythmes rois sont le salegy, le plus populaire, ou le tsapiky, un peu moins connu.
Un tel melting-pot musical s’appuyant sur des textes malgaches intrigue la majeure partie des médias locaux. "Souvent, les mots me viennent dans ma langue d’origine, mais ce qui me plaît, c’est leur musicalité, leur sonorité", confie l’auteur-compositeur-interprète. Plutôt sceptiques au départ, tout le monde, spécialistes ou non, adhère désormais à l’unisson aux compositions de Seheno. Des chansons qui, explique-t elle, "ont des odeurs". C’est ainsi qu’émane de Gaga inspirée du "sargam", solfège oral indien, la saveur d’un lassi à la rose. Quant à la vanille de Madagascar, on la perçoit à travers cette triste légende des amants malgaches séparés par leurs familles dans Omeko anao.
Douze chansons finement mixées figurent dans un boitier carton rond enrichi d’un livret en papier fait main par des artisans relieurs de Calcutta. Le tout enrubanné de raphia, bref rien que du recyclable.
Ce passage réussi de Seheno sur l’Île Rouge est un excellent tremplin pour que son Ka se transforme en succès.
Seheno Ka (Lokanga/ distribution Fairplaylist) 2008
Alain Pilot
En concert le 12 juin au New-Morning à Paris
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