Patricia Kass et le Philarmonic
La fille de l’Est a annoncé son congé sabbatique mais donnait hier soir un dernier concert au Palais des Congrès à Paris, avec orchestre symphonique, petites surprises et ours chantants.
L’orchestre avant les vacances
La fille de l’Est a annoncé son congé sabbatique mais donnait hier soir un dernier concert au Palais des Congrès à Paris, avec orchestre symphonique, petites surprises et ours chantants.
Dans sa robe blanche à crinoline, émue devant le Palais des Congrès debout, elle salue une dernière fois alors que l’orchestre symphonique reprend Avec le temps de Léo Ferré, sa dernière chanson. Elle ne montera plus sur scène avant au moins un an et demi : avant de partir en vacances, Patricia Kaas donnait un dernier concert, jeudi soir au Palais des Congrès, accompagnée par le Paris Philharmonic Orchestra.
L’année dernière, elle avait donné en Allemagne quelques concerts sur la même formule, avec son groupe de scène habituel et un orchestre symphonique dirigé par Yvan Cassar ; le disque Live paru fin août en France en porte témoignage. Mais le public français n’avait pas eu l’occasion de la voir dans ce majestueux contexte, et elle voulait marquer d’un événement spécial les premières longues vacances de sa carrière. Sur la scène de ce concert unique, elle plaisantait sur tous les bruits qui courent dans la presse à propos de ce long congé : elle n’a pas de projet d’enfant, de mariage, de reconversion, de cinéma ou d’émission de télévision, mais simplement l’envie de voir sa famille, de prendre le temps de faire des courses et de ne pas se soucier du lendemain. « J’espère tenir un an », disait-elle en coulisses après le concert, ce qui laisse penser qu’il se passera au moins dix-huit mois avant qu’elle sorte un nouvel album et quelques mois de plus avant qu’elle reparte en tournée - un temps de silence unique dans la carrière de Patricia Kaas, qui est sans doute la plus « productive » des stars de la variété française.
Sur scène, elle a annoncé qu’elle pensait, à son retour, donner des concerts acoustiques très dépouillés, et elle en a donné une manière de préfiguration en chantant, de manière impromptue, I Wish You Love, la version anglophone de Que reste-t-il de nos amours. D’ailleurs, ce concert était plein de surprises et de ces coups de tête dont Patricia Kaas est familière : une longue improvisation délirante avec son guitariste Pascal B. Carmen, cette impressionnante robe à crinoline blanche qu’elle n’était pas toujours sûre, quelques minutes avant de retourner en coulisses, de mettre pour son dernier rappel, l’amusante exhibition de deux ours en peluche chantant une chanson en anglais (offerts pendant un concert par un fan, elle les a baptisés Jean-Jacques et Pascal, par allusion à Goldman et Obispo, qui lui ont donné beaucoup de chansons).
En effet, sur la vingtaine de chansons du concert, plus de la moitié viennent de ces deux compositeurs en or : sept d’Obispo et quatre de Goldman, dont le majestueux Les chansons commencent, qui clôt le concert avant les rappels, et pour lequel Yvan Cassar a écrit un final énorme de toute la puissance d’un orchestre classique d’une soixantaine de musiciens.
De manière générale, c’est dans cet esprit de puissance que les chansons de Patricia Kaas sont transposées pour grand orchestre et groupe rock : le grand panoramique de l’orchestre dans Entrer dans la lumière, le croisement de sonneries de cuivres et de programmations électroniques discrètes à la fin des Éternelles, le contraste entre l’énormité du tutti final de l’orchestre et l’aspect chétif des programmations dans Je voudrais la connaître, l’atmosphère fantastique très marquée pour L’Aigle noir repris de Barbara, le mouvement très stressé des cordes dans Les Hommes qui passent, les friselis presque psychédéliques des violons dans Laissez-moi chanter... L’orchestre élargit l’imaginaire, les sentiments, la portée des chansons, que le groupe retient par sa puissance rythmique près des valeurs populaires et de la lisibilité absolue du refrain.
La rencontre doit dépayser les musiciens d’orchestre, comme lorsque le public bat des mains pour l’accompagner dans Une femme comme une autre et que Patricia vient, en chantant, chatouiller le chef dans le dos - ce qui lui fait perdre sa battue. Mais elle-même montre une belle maîtrise en se pliant à l’implacable mécanique de l’orchestre, beaucoup moins souple qu’un petit groupe pop capable de réagir à la moindre inflexion de rythme ou de souffle de la chanteuse ; là, c’est elle qui se soumet à la marche inflexible du philharmonique.
Et l’exercice est superbement réussi, Patricia Kaas et le Paris Philharmonic Orchestra se levant à plusieurs reprises au cours du concert des standing ovations du public. L’écriture de Goldman, Obispo ou Bernheim s’accommode d’ailleurs fort bien de ces majuscules, parfois plus pertinentes que les habits ordinaires des variétés, auxquels il faudra bien arriver à se réhabituer. Mais, en attendant la prochaine tournée, on a le temps...
Bertrand DICALE