TECHNO EN OUZBEKISTAN
Paris, le 29 janvier 2002 - RFI Musique dépêche régulièrement des animateurs de radio, appelés pour l'occasion DJ Volants, hors des frontières françaises pour participer à des programmes sur les radios partenaires de RFI. Cette fois-ci, Willy Richert, spécialiste de musique électronique, s'est rendu en Ouzbekistan. Récit.
Les tribulations d'un DJ français en Asie centrale.
Paris, le 29 janvier 2002 - RFI Musique dépêche régulièrement des animateurs de radio, appelés pour l'occasion DJ Volants, hors des frontières françaises pour participer à des programmes sur les radios partenaires de RFI. Cette fois-ci, Willy Richert, spécialiste de musique électronique, s'est rendu en Ouzbekistan. Récit.
Quand on vous propose de partir en Ouzbékistan pour y animer des émissions radio sur la musique électronique française, vous vous dites que décidément on parle beaucoup de cette république d’Asie centrale en ce moment. En effet, l'Afghanistan, pays frontalier au sud occupe les devants de l'actualité depuis quelques mois. Si la situation tendue dans la région me fait hésiter à partir, après deux ou trois coups de fils, je décide finalement de m'y rendre.
J’atterris donc à 3 h00 du matin à Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan. Dans la journée je visite la radio, Radio Grande où se déroulera l’émission du lendemain dans le cadre du programme 180 tonnes, dédié aux musiques électroniques. DJ Arsène a largement annoncé ma venue à l'antenne. Il m'apprend que je suis le premier DJ européen à me rendre chez eux. Superpitcher, l’un des meilleurs producteurs allemands était attendu la semaine dernière mais il a préféré annuler à cause des événements en Afghanistan. Tant pis pour lui.
Car ce qui frappe le plus quand on se balade dans la capitale ouzbek, c'est qu'on a des difficultés à imaginer qu'il y a un conflit à quelques heures de routes d’ici. Les jeunes semblent plus inquiets par leur avenir professionnel que par une quelconque redistribution des cartes politiques dans la région. Aucun des DJs rencontrés durant la semaine n’abordera la situation en Afghanistan.
Rendez-vous est donc pris le lendemain à 17h00 pour deux heures de show en direct sur Radio Grande. DJ Arsène s’est débrouillé pour trouver deux platines vynils technics et le show peut débuter. Pendant la première partie, se succèdent les classiques de la musique électro made in France : Motorbass, Dimitri from Paris, Superdiscount, Laurent Garnier. En seconde partie, les auditeurs prennent la parole et posent un certain nombre de questions : quelle est la différence entre les raves et les free parties, quelles sont les origines de la techno, pourquoi les DJ’s travaillent uniquement avec des vinyls en Europe de l'ouest et combien sont ils payés. Ces questions pleines de bon sens démontrent le réel intérêt que portent les auditeurs à ces nouvelles musiques.
Mais il ne faudrait pas croire que les Ouzbeks soient complètement déconnectés. Dans chaque bar, les télés diffusent à la chaîne, des clips étrangers alors que les acteurs de la vie musicale (DJs et programmateurs radio) surfent, dès que leurs moyens leur permettent, sur le net à la recherche de nouveautés. Ils effectuent aussi des voyages en Russie, seule destination accessible pour la jeunesse. Celui qui part pour Moscou se doit de ramener des disques pour tout le monde.
En une heure de libre antenne, plus de trente auditeurs auront tenté de nous joindre. La majorité du public connaît par cœur Modjo et sa Lady bien sûr, mais aussi le nouveau single Chillin’. L’album de Modjo est très bien placé dans les bacs des vendeurs pirates, à côté de Céline Dion ou Daft Punk, mais surtout à côté de la star incontestable en Ouzbékistan, le regretté Joe Dassin. La French touch vous le voyez, vient rajeunir l’image de la France à l’étranger, une fois de plus.
Certains clubs de Tachkent sont ouverts jusqu’à deux heures du matin et d’autres jusqu’à 5h00. Pourquoi une telle différence de traitement ? D'après un clubber invétéré, plus un club est illégal et géré par des gens d’une honnêteté douteuse, plus il ferme tard. Les jeunes de Tachkent ne diffèrent pas tellement des Londoniens ou des Parisiens.
Le vendredi soir, direction la discothèque Aladin, à deux pas de la place de l’Indépendance. Avec un son digne des meilleurs clubs européens, la boîte est pleine dès 21h00. Les DJs ouvrent les "hostilités" avec un show à plusieurs platines réglé comme du papier à musique. Un set qui oscille entre trance, house et big beat. Avec mes disques de house, il m'est impossible de jouer sur le même terrain qu’eux. Direction donc le sud, avec des nouvelles productions largement influencées par le Brésil. Alim, originaire de Samarcande, qui est habituellement DJ de jungle mixe en même temps que moi et malgré de grosses galères techniques, le public est hystérique. Quelques remixes de Daft Punk, de Buffalo Bunch et surtout le Dragon Dub de Djul’z avec ses samples de clochettes chinoises, finissent de convaincre les danseurs. Asie centrale oblige !
La dernière émission de radio le samedi soir sur Radio Grande sera du même tonneau que la première. Les questions des auditeurs se faisant plus précises, elles porteront notamment sur les disques joués la veille. Le set se terminera par le Triptico des Gotan Project, histoire de rappeler que la musique électronique ne se limite pas seulement à la house music ou à la trance mais peut aussi se marier au tango. Croyez-moi si vous voulez, mais le tango électro a immédiatement convaincu les DJ’s présents. C’est peut être cela que l’on appelle l’internationale techno…
Willy Richert