Mukta entre jazz et world

Ce quintette nantais crée un univers où miroitent les clairs reflets du jazz, de l'Inde et de l'Afrique. Il dépayse en conjuguant délicatesse, invention et fluidité. Une musique dont les essences et la grisante plénitude évoquent parfois celle de Codona, le trio formé en 1980 par le trompettiste Don Cherry avec Nana Vasconcelos et Colin Walcott.

Sangs mêlés

Ce quintette nantais crée un univers où miroitent les clairs reflets du jazz, de l'Inde et de l'Afrique. Il dépayse en conjuguant délicatesse, invention et fluidité. Une musique dont les essences et la grisante plénitude évoquent parfois celle de Codona, le trio formé en 1980 par le trompettiste Don Cherry avec Nana Vasconcelos et Colin Walcott.

Le jazz et la world ont une histoire à partager. Les musiciens de Mukta le savent. Leur démarche abonde dans ce sens. «Tout cela est loin d'être quelque chose de nouveau» disent-ils à ceux qui auraient oublié. Et de citer par exemple les expériences de Pharoah Sanders ou celles de Randy Weston avec des musiciens gnaoua... La rencontre, le dialogue entre ces deux univers existe depuis longtemps. Simplement, on ne s'en rendait peut-être pas compte à l'époque ou le vocable "world" n'avait pas encore été inventé pour désigner certaines musiques. Si vous leur suggérez que leur monde musical peut rappeler celui imaginé par le trio Codona, au début des années 80, ils ne s'en offusquent pas. «Nous nous sentons proches d'eux effectivement, encore que notre musique soit différente. Ils ont été parmi les précurseurs de ce que l'on appelle aujourd'hui "les musiques du monde". En fait d'avoir écouté Codona, cela nous a donné une certaine confiance. Nous nous sommes dit que ce n'était pas utopique de trouver des connexions, des affinités entre l'Inde, le jazz et l'Afrique.». L'Inde et le jazz furent les premiers territoires que les musiciens de Mukta marrièrent ensemble. L'Afrique, elle, s'est invitée plus tard dans leur aventure. «Le jazz et la musique indienne ont beaucoup de choses en commun. L'improvisation y est prépondérante dans les deux cas.»

L'histoire de Mukta, elle, commence en fait par une passion pour la musique indienne. Celle de Simon Mary, musicien de jazz, contrebassiste et guitariste, qui en écouta de longues années avant de l'étudier. Celle également de Brigitte Menon. Elle s'y est, elle, immergée, in situ, allant passer plus de quinze ans en Inde pour tout apprendre de ses raffinements, tout connaître des subtilités du sitar, dont Imrat Khan ou Mustaq Ali Khan, de grands maîtres, lui dévoilent les secrets. De retour en France, elle transmet à des élèves ce qu'elle a appris de cet instrument. Parmi eux Simon Mary. L'idée de Mukta va bientôt germer. Elle se concrétise en 1996. En compagnie du batteur Jean Chevalier et du trompettiste Geoffroy Tamisier, Simon Mary et Brigitte Menon créent Mukta ("perle" en sanscrit) pour donner corps à leurs envies : croiser ensemble le jazz et la musique indienne. En 1999, ils publient leur premier album, Indian Sitar And World Jazz, l'acte de naissance officiel de ce mariage arrangé. Celui-ci est accompagné d'un CD de remixes concoctés par des DJ's. «La musique électronique a sa place dans notre démarche. C'est un complément. A la base, nous sommes un groupe acoustique, mais nous avons envie d'amener un autre élément à notre musique, quelque chose qui puisse l'enrichir, lui donner d'autres directions, même si l'on souhaite encore séparer tout cela en deux albums bien distincts. » Toujours dans le même esprit, évoluant désormais sous la forme d'un quintette, avec l'arrivée d'un percussionniste (Olivier Cougar) qui ajoute des nuances africaines et afro-cubaines, Mukta a sorti cet automne deux albums presque en même temps, l'un acoustique (Jade), l'autre à coloration électronique (Dancing On One's Hand), avec la participation de Matthieu Ballet aux machines. Après tout pourquoi trancher, quand on a par nature des élans d'ouverture et des penchants pluriels ?

Mukta Jade - Dancing On One's Hand (Warner) 2000

Mukta en concert : le 22 novembre à Nantes, le 23 à Limoges, le 16 février 2001 à Quimper, le 17 à Scaèr, le 18 à Mamers, le 4 mars à Saint Laurent sur Oust, le 9 mars à Chaumont.