Thomas Fersen
Une quinzaine d'année déjà que cet artisan de la chanson française nous propose régulièrement sa production. Thomas Fersen sort ces jours-ci un sixième album studio Le Pavillon des fous, peuplé de personnages étranges et bien sûr attachants. Rencontre avec l'artiste.
Immersion dans un monde fou
Une quinzaine d'année déjà que cet artisan de la chanson française nous propose régulièrement sa production. Thomas Fersen sort ces jours-ci un sixième album studio Le Pavillon des fous, peuplé de personnages étranges et bien sûr attachants. Rencontre avec l'artiste.
Thomas Fersen reçoit dans son appartement parisien, à deux pas du Trocadéro, entre livres de photos et piles de disques, chapeaux de toutes sortes et objets volontiers curieux. Il vient de sortir Le Pavillon des fous, un des disques les plus surprenants de la saison, avec sa galerie de portraits inquiétants, troublants ou attendris. Deux ans et demi après Pièce montée des grands jours, sa bonne chère et ses fantaisies, le nouvel album est plus grave, parfois même plus sombre – "Il n’y a plus d’illustration directe dans les arrangements parce que ça relevait d’un petit effet comique, même s’il y a toujours du pittoresque", assure le chanteur. Déjà passe sur les radios françaises J’ai pas la gale, curieuse histoire d’amour entre un paumé et une ogresse. Sa tournée, qui commence le 5 novembre, affiche déjà plusieurs dates complètes et il devrait jouer à Paris, au Bataclan, du 29 novembre au 3 décembre, à guichets fermés.
RFI Musique : Comment écrivez-vous vos chansons ? D’un seul coup pour tout l’album ou au fur et à mesure ?
Thomas Fersen : J’accumule. J’ai toujours des chansons en travaux, des thèmes sur lesquels j’accumule les notes. J’en ai déjà, comme toujours, pour la suite. Je ne suis pas trop présomptueux sur ce que ça devient, parce qu’il y a en a qui ne deviennent rien. Mais je ne veux pas aller au pied du mur en me disant qu’il faut que je fasse un disque. Je ne peux pas travailler à la commande, ni pour moi ni pour les autres. Donc quand j’ai une idée amusante, un truc qui me séduit ou dans lequel je me reconnais. Quand je sens qu’il y a un pan de moi-même qui vient de tomber, que je sens que ça me faire du bien de l’écrire – eh bien je l’écris. Là, cela faisait deux ans – et même un peu plus – que j’accumulais des trucs sur les fous, ou du moins tels que je les imagine.
Vous aviez déjà mis en scène quelques fous dans vos chansons, comme dans Bambi ou dans Monsieur ...
Des fois, il arrive que je fasse une chanson et que je me rende compte ensuite qu’elle est plus importante que simplement une chanson, que c’est un thème qui n’avait pas fini de donner. Ainsi, quand je commence à travailler, il y a parfois des choses qui ne marchent pas. Pour cet album, dans Mon iguanodon, par exemple, j’ai commencé à travailler mais il y avait des choses qui ne fonctionnaient pas. Pourquoi ? Parce que dans Mon iguanodon, il y avait une autre chanson. Je ne voulais pas me débarrasser des bonnes choses qu’il y avait là, alors j’en ai sorti Hyacinthe.
Je travaillais aussi sur l’histoire d’une famille caricaturale, sur une berceuse – la berceuse, c’est l’essence de la chanson, c’est la maman qui chante dans l’oreille et c’est pour ça que ça va loin, aussi. Donc, j’avais cette forme carrée, structurée, apaisante, facile à chanter et à mémoriser. Et il m’est revenu que, quand j’avais sept, huit, neuf ans, en vacances à la campagne, j’enterrais sous un sapin des insectes morts dans des boîtes d’allumettes – je revois nettement l’endroit. Je mettais de petites croix et, au bout de vingt minutes, je les déterrais pour voir ce qu’ils étaient devenus. J’avais commencé la chanson par cette histoire mais j’ai trouvé que ça ne cadrait plus avec l’histoire du départ. Alors c’est devenu Cosmos et je réutiliserai peut-être plus tard ma famille caricaturale.
Vous verriez-vous faire un concept album, comme dans le rock des années 70 ?
Je fais des choses et ensuite je vois le concept. Chez moi, ça se fait en cours de route, ça me rattrape. Je préfère : c’est qu’il y a quelque chose de vrai qui est en train de s’exprimer.
On apprend sur la pochette du disque que vous l’avez en bonne partie enregistré à la maison.
J’ai toujours fait les maquettes de mes chansons à la maison. Simplement, j ‘en ai un peu marre de refaire en studio ce que j’avais bien fait chez moi. Alors, on n’a fait en studio que basses, batteries – et encore, pas toutes –, orgues et choeur… Ce n’est pas un désir de mettre ma main sur tout, c’est une nécessité : depuis que j’ai repris, à partir de Qu4tre, le travail sur les arrangements, ça déborde forcément sur la réalisation. Alors, en studio, je peux m’occuper exclusivement de la réalisation, et pas de ma voix.
Donc, vos voix ont été enregistrées chez vous ?
Oui, sauf Mon macabre. Quand je fais la maquette, c’est-à-dire quand je chante pour la première fois la chanson, il y a une fraîcheur, un intérêt, un éveil, que je perds après, et que je ne retrouve que dans la salle de concert. Entre les deux, il y a un temps où le public me manque.
Vous êtes multi-instrumentiste ...
Oh non ! Je touche à tout. Mais je ne pourrais pas faire des séances de studio comme guitariste ou comme pianiste. Je le fais pour moi parce que je le fais dans le secret et que je suis guidé par mon désir de créer la chanson. Mais autrement ... Donc, en jouant de plusieurs instruments, en enregistrant chez vous, en arrangeant vous-même vos albums, nourrissez-vous un fantasme d’autarcie ?
Je ne l’ai plus maintenant mais, longtemps, j’avais le fantasme Paul Léautaud : disparaître du monde et ne plus faire qu’écrire. Or, je suis profondément malheureux quand je le fais. Mais j’ai ce réflexe d’aller me mettre dans un trou. Je fais mon coquet, alors je fuis un peu par ici, un peu par là – en Bretagne, ici, à Montréal ...Je ne suis pas un solitaire. J’aimerais bien atteindre à la plénitude dans la solitude, mais ce n’est pas le cas. Quand j’écris, je ne suis pas du tout seul : les autres sont là, je pense à tout le monde en même temps. L’appartement est silencieux, il n’y a pas de bruit mais vous êtes tous là. Ce n’est pas du tout une île déserte – ce n’est pas pour moi, l’île déserte ; je serais le premier fou, sur une île déserte.
Thomas Fersen Le Pavillon des fous (Tôt ou Tard/Warner) 2005
Concerts : le 5 novembre à Noisiel, le 9 à Nancy, le 10 à Strasbourg, le 17 à Brest, les 18 et 19 à Rennes, le 23 à Arras, le 24 à Lille, le 25 à Bruxelles, du 29 novembre au 3 décembre au Bataclan…