Musiques métisses 2002

Près de 50.000 personnes se sont pressées sur les bords de la Charente durant ce long week-end de la Pentecôte à l’occasion de la 27ème édition du festival des Musiques Métisses sur l’île de Bourgines.

Festival sur l’île.

Près de 50.000 personnes se sont pressées sur les bords de la Charente durant ce long week-end de la Pentecôte à l’occasion de la 27ème édition du festival des Musiques Métisses sur l’île de Bourgines.

Les kayakistes slaloment dans les eaux bouillonnantes de la Charente aux sons des mélopées mandingue qui s’échappent du chapiteau « Filaos » où joue le Bembeya Jazz de Guinée. Adossé à l’ombre d’un tilleul, le Sergent Garcia achève une conversation téléphonique avec un ami quitté voici quinze jours à La Havane. Clifton Chenier Jr sort une bouteille de pineau des Charentes de l’eau fraîche de la rivière. Il est midi en ce dimanche champêtre et les musiques du monde ont rendez-vous sur l’île de Bourgines.

Musiques Métisses est un festival à part dans la longue série qui commence mi-avril pour s’achever fin septembre. Tout d’abord, cette manifestation, créée voici 27 ans par Christian Mousset, est la plus ancienne. Ensuite, c’est la plus dense en programmation sur ce segment musical. 30 artistes venant d’Afrique, des Caraïbes, de l’océan Indien et du continent américain. 44 spectacles, dont seulement la douzaine qui se déroule sous le grand chapiteau est payante.

Surtout elle a réussi à intégrer la notion de métissage culturel dans la région Poitou-Charente, chère au nouveau Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et à installer une notoriété mondiale à cette ville de province désormais reconnue pour ce festival, point de passage obligé de tout artiste du sud entamant une carrière internationale.
Bien plus qu’une simple succession de concerts, le festival est un lieu de convivialité où un village métisse se construit pour l’occasion permettant de goûter aux cuisines du monde dans un esprit festif, aux sons du nbombolo, de la juju music, des rythmes latino ou de la musique cajun.

Wendo Kolosoy aura mis du temps pour rejoindre « Papa Mousset ». L’un des créateurs historiques de la rumba congolaise a été empêché au dernier moment de monter avec son groupe à bord de l’avion d’Air France. Retenu à Kinshasa à cause de la délivrance tardive des autorisations de sortie de la République démocratique du Congo, il manque la soirée d’ouverture dont il devait être la vedette avec King Sunny Adé - dont les apparitions en Europe sont toujours aussi rarissimes. Arrivé finalement le dimanche midi après dix-huit heures de voyage, ce papy de 77 ans se met aussitôt à la tâche avec son groupe le « Victoria Bakolo Miziki » et enchante avec sa voix pleine de trémolos un public qui n’attendait que lui pour danser une petite rumba langoureuse.

Christian Mousset a le chic pour dénicher les artistes qui ont fait les beaux jours de l’Afrique des années 60 et leur faire enregistrer -quarante ans plus tard- de nouveaux opus. Il vient d’ailleurs de créer un nouveau label ,« Marabi », dont les premières sorties sont celles de glorieux anciens qu’il programme d’ailleurs à l’occasion lors de ce festival. « Je trouve qu’il y a une méconnaissance de tous ces groupes qui ont été le fondement de la musique africaine actuelle », nous dit-il, « il faut présenter à un plus large public ces musiciens qui n’ont pas abdiqué et ont conservé une fraîcheur que bien des jeunes auraient à envier ».

Ainsi le fameux Bembeya Jazz de Guinée, créé en 1961- qui a été l’orchestre officiel de la Guinée de Sekou Touré-, fait parti avec Wendo Kolosoy et le musicien malien Kar Kar - l’Elvis Presley du Bamako des années 6o-, des premiers artistes enregistrés sur « Marabi ». A l’instar d’autres festivals de musiques du monde en France, comme Africolor, avec son label « Cobalt » et les « Nuits atypiques de Langon », avec leur label « Daqui », le festival des « Musiques Métisses » a désormais son label, véritable complément du festival.

Le groupe qui a fait l’ impression la plus troublante est sans aucun doute celui des Touaregs de Tinariwen qui joue une musique qui vous emporte dans un voyage langoureux, rythmé par les pas du chameau qui vous transporterait à travers les dunes du désert de l’Adrar des Ifoghas. Créé en 1982, ce groupe est celui de la rébellion touareg au Mali, qui dû s’exiler en Algérie et en Mauritanie afin d’échapper à l’armée de Moussa Traoré. La signature d’un pacte national en 1992 les fait revenir dans leur village de Kidal.

Mais de ces années d’errance subsiste un esprit de révolte. La découverte de la guitare électrique dans les prisons libyennes a profondément modifié leur musique et celle de chanteurs engagés comme Bob Marley, Bob Dylan et les marocains de Nass El Ghiwane - dont les musiques sont arrivées jusqu’à leurs campements- ont profondément modifié leur approche musicale. Le groupe angevin Lo’jo ne s’y était d’ailleurs pas trompé, en mettant Tinariwen au centre de la programmation du premier « Festival du désert » qui se déroula en janvier de l’année passée dans la région de Kidal.

Le festival s’achève ce soir sous le grand chapiteau avec les concerts de Souad Massi, Amadou et Mariam et d’Ismael Lô. Trois artistes signés par Universal Music, la première maison de disques au monde, filiale de la « world company » Vivendi Universal . Des artistes qui étaient présents ici voici quelques années alors que leurs disques étaient produits par de petits labels indépendants. Découverts un beau jour à Angoulême, les artistes sont toujours heureux de retourner un beau jour dans ce festival où beaucoup d’histoires ont débuté.