Georges Moustaki
Avant de repartir sur les routes pour des concerts qui vont le mener de l'Espagne au Liban, en passant par les salles de province et le Théâtre du Rond Point, à Paris, Georges Moustaki, l'un des grands de la chanson française, sort Vagabond. Un album inspiré par le Brésil et l'amour, comme par le conflit Israélo-Palestinien. Chronique.
Vagabond
Avant de repartir sur les routes pour des concerts qui vont le mener de l'Espagne au Liban, en passant par les salles de province et le Théâtre du Rond Point, à Paris, Georges Moustaki, l'un des grands de la chanson française, sort Vagabond. Un album inspiré par le Brésil et l'amour, comme par le conflit Israélo-Palestinien. Chronique.
A 71 ans, Georges Moustaki pourrait couler une retraite paisible. A Paris, dans son appartement de la rue Saint-Louis en L’Ile, ou encore en Egypte, dans sa ville natale d’Alexandrie. Mais, pour ce voyageur insatiable, peut-être cela serait-il un peu ... monotone ? Alors régulièrement, depuis cinq ans, entre un périple et une tournée, il tombe de son hamac, livre une dizaine de nouvelles chansons et remet au goût du jour un ou deux de ses succès passés. C’est ce qu’il fit voici deux ans, avec Moustaki, une galette de douze chansons où l’on retrouve en guise de bonus track, Milord. L’inoubliable chanson de Piaf, son premier succès d’auteur. C’est ce qu’il fait sur son dernier opus : Vagabond. L’album a été enregistré en grande partie sous le soleil de Rio, au studio Biscoito Fino. Il signe le retour de l’artiste au Brésil, après vingt années de séparation. Ce qui méritait bien un casting de choix. Francis Hime, compagnon de route de feu Vinicius de Moraes, est donc aux manettes.
Deux réorchestrations, deux hommages
Au panthéon des grands disparus de la bossa-nova, on retrouve une autre figure. Qui est à l’honneur dans ce Vagabond. Antonio Carlos Jobim, le père de la Chica de Ipanema. Un des fondateur de la bossa, pour qui Moustaki à écrit Tom. En souvenir d’une rencontre, "un soir de février, du côté de Broadway".Comme pour mieux célébrer cette amitié, Les Eaux de Mars, l’adaptation française d’Aguas de Março de Jobim, un des titres phares de Moustaki depuis près de trente ans, est même de la fête. Dans une version réorchestrée, bien entendu.
Autre hommage, autre titre trentenaire, ou presque, remis au goût du jour : Bahia. Un morceau de la fin des seventies célébrant la ville de l’auteur Jorge Amado. Un constat : la réorchestration est réussie. Les percussions, la légèreté de la flûte – instrument que l’on retrouve sur la quasi-totalité des onze chansons de l’album- produisent un effet euphorisant, facilitant grandement les déhanchés.
Une grande faiblesse pour les femmes
Assumant pleinement sa réputation de séducteur, Moustaki chante l’amour, dans une bossa délicieusement nonchalante, Cet amour d’été. Puis se confesse sur fond de piano et de ... flûte, avouant, direct, J’ai grand faiblesse pour les femmes. Et apparemment, pour toutes les femmes. De l’Amoureuse "délicieuse, vénéneuse, âme soeur incestueuse" à la Femme ronde "sensuelle et gironde" en passant par "celle qui se promène à Paris, dans les jardins de Notre-Dame." Comme tout Don Juan qui se respecte, Georges Moustaki fait aussi chanter les femmes. Mais là, au sens propre. En effet, sur Vagabond, comme dans une bonne partie de son oeuvre, la voix féminine fait partie intégrante de l’orchestration. Elle apporte un complément et met en avant le timbre grave, presque toujours égal de Moustaki. En témoigne la présence de Paula Morelenbaum, une choriste de Tom Jobim, sur Tom et celle de Sylvie Kuhn, sur la chanson titre, Vagabond.
Le Soldat et les Mères juives, évocations de la judéité
Dans son ensemble, ce Vagabond a la couleur du Brésil. Le son aussi. De celui qui donne l’envie de danser et l’humeur badine. A deux exceptions près. Le premier extrait de l’album, Les Mères Juives, et Le Soldat. Deux titres très différents ayant pour point commun l’évocation de la judéité. D’un côté, de manière presque comique. Par le portrait d’une mère juive, un peu comme toutes les mères : trop attentive. De l’autre, d’une façon plus tragique. Par le récit d’un Juif qui a cru en Israël. Et qui, au fil du temps, va de désillusions en désillusions. Là, on retrouve un Georges Moustaki engagé, le même qui avait pris des positions anti-franquistes, en 1975, avec le Flamenco. Le ton se fait donc plus grave, le piano devient minimaliste et le son froid. Presque électro. Au final, la chanson est, en dépit de son thème, l’une des plus belles de ce Vagabond. Elle est une trêve nécessaire dans un album ensoleillé et joyeux, qui constitue une belle invitation au voyage ... Et au vagabondage.
Georges Moustaki Vagabond (Virgin) 2005
En concert du 27 au 31 décembre au Théâtre du Rond Point à Paris