Trente ans de Ziskakan

Fervent défenseur de la langue créole et de la culture réunionnaise - qu’il a contribué à revaloriser depuis sa formation en 1979 - Ziskakan fête ses trente années d’existence à la fois sur scène et avec un nouvel album, intitulé Madagascar. Rencontre avec Gilbert Pounia, fondateur du groupe.

Un disque et un concert pour les Réunionnais

Fervent défenseur de la langue créole et de la culture réunionnaise - qu’il a contribué à revaloriser depuis sa formation en 1979 - Ziskakan fête ses trente années d’existence à la fois sur scène et avec un nouvel album, intitulé Madagascar. Rencontre avec Gilbert Pounia, fondateur du groupe.

RFI Musique : Quel événement fait figure de point de départ à l’aventure de Ziskakan ?
Gilbert Pounia : C’est la rencontre entre des écrivains, des poètes et des jeunes qui s’investissaient en politique. Les écrivains ont essayé de dire des textes comme des slammeurs. On avait appelé ça fonnkèr mais ça ne fonctionnait pas très bien. On a donc ajouté la musique pour habiller les textes. Le premier concert a eu lieu en 1979 dans la ville du Port, avec un plasticien qui avait monté un décor. Le gymnase où on jouait était plein et quelque chose s’est vraiment passé ce jour-là. La première chanson que j’ai chantée, c’était un texte de Danyel Waro, Banm kalou banm. Je la jouais un peu en folk et, au milieu, je la tournais en maloya. Les gens ont adhéré tout de suite, parce que ça leur parlait. Ça nous a donné de la force pour continuer.

A l’époque, le maloya n’était pas complètement sorti d’une certaine clandestinité. Comment avez-vous contourné cet obstacle ?
Puisqu’on ne pouvait pas avoir accès aux scènes officielles, on avait créé un réseau parallèle. On jouait directement chez les gens. Ce sont de supers souvenirs. Le papa de Danyel Waro avait une petite case dans un champ de cannes et on y organisait, une à deux fois par an, un mini-festival. Les gens venaient des quatre coins de l’île, ils descendaient par de petits sentiers. Ça leur a permis de découvrir toute cette richesse culturelle qui était dans le fé nwar ("la nuit", en créole, ndlr).

Quel regard portez-vous sur la carrière de Ziskakan ?
Depuis les premiers enregistrements, l’esprit du groupe est le même. Si on s’approprie sa culture, c’est plus facile d’échanger et d’en accueillir d’autres, sans que l’une mange l’autre. Certains disques n’étaient pas bien aboutis, en recherche, mais au fil du temps, on a affiné… Quand j’ai rencontré Philippe Constantin (découvreur de talents dont la mémoire est honorée par le Prix Constantin, ndlr) à Château-Morange en 1992 et que j’ai signé un contrat avec Polygram, ça m’a permis d’aller au Sénégal, de rencontrer Ismaël Lo, Baaba Maal… Ensuite, je suis allé en Inde. Et aujourd’hui, c’est Madagascar. J’ai un copain, Serge Urlentin, qui est né là-bas et j’ai découvert qu’il écrivait des textes magnifiques avec pas mal de mots malgaches, ce qui donne un autre souffle.

Cet album a-t-il fait resurgir des liens oubliés ou insoupçonnés avec Madagascar?
Beaucoup de choses sont remontées en moi quand j’ai lu les textes de Serge, parce qu’ils m’ont bousculé. Et les textes que j’ai écrits m’ont ramené à des histoires de familles ou des personnages de La Réunion qui ont marqué mon histoire : même si mes origines sont indiennes, j’avais une tante qui était à moitié malgache et me rapportait des fruits chaque fois qu’elle revenait de là-bas ; mon grand père, qui avait fait escale à Madagascar avant de partir à la guerre et voulait s’y installer… Tout ça a résonné dans ma tête. Pour moi, c’était un voyage dans l’enfance et l’adolescence.

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 Ziskakan
 Madagascar

Ziskakan Madagascar (MDC Prod) 2009
En concert pour fêter ses trente ans de carrière le 30 mai 2009 au Tampon, à La Réunion.