Mylène se met en scène
C'est mardi 21 septembre que Mylène Farmer a lancé la tournée Mylenium au Dôme de Marseille, avant de débarquer pour quatre concerts à guichets fermés à Paris- Bercy. Personnage unique dans le paysage des variétés françaises, elle mêle le malaise et la gaité, la plus extrème gravité spirituelle et la futilité d'une belle femme qui aime se déshabiller.
Le catéchisme new age.
C'est mardi 21 septembre que Mylène Farmer a lancé la tournée Mylenium au Dôme de Marseille, avant de débarquer pour quatre concerts à guichets fermés à Paris- Bercy. Personnage unique dans le paysage des variétés françaises, elle mêle le malaise et la gaité, la plus extrème gravité spirituelle et la futilité d'une belle femme qui aime se déshabiller.
Au commencement de toute chose, il y a la déesse. Une femme aux tresses strictes et ondulantes, les deux mains étendues. Cette déesse d'une huitaine de mètres de haut est au centre de tout : sa tête se fend pour accoucher de Mylène Farmer au début du concert, sa poitrine s'ouvre en escalier ou comme une porte, elle prend délicatement la chanteuse dans sa main droite pour l'élever au-dessus de la scène. Cette déesse dont le diadème et la coiffe figurent le globe terrestre est inspirée d'une œuvre du peintre et illustrateur suisse H. R. Giger, qui inventa la créature et son environnement pour le film Alien de Ridley Scott. Et il n'y a rien d'étonnant à la voir dominer la scène de la tournée Mylenium : la rousse chanteuse célèbre ici un culte.
On distingue dans les éclairages, les climats, les chorégraphies, les arrangements des chansons, des allusions à d'autres civilisations, d'autres usages, d'autres croyances. Mylène Farmer croit à la transmigration de l'âme, à la puissance de l'invocation, à toute une casuistique new age sans doute moins noire que le cérémonial de messe noire de son premier spectacle, il y a dix ans au Palais des Sports de Paris, mais tout aussi ambiguë : sa félicité naît dans le drame, son sourire éclot à quelques pas de la mort et parfois même au cœur de la souffrance. L'espèce de masochisme mental de Mylène Farmer, cousin des passions crépusculaires et adolescentes d'Indochine, exprime sans cesse l'attraction du malaise et du deuil, de l'abandon et de la douleur.
Mais tout cela sait se faire gai : chorégraphies simplistes, refrains poursuivis ad libitum ("Avec moi!", hurle-t-elle au public), puissance énorme de la rythmique (Abraham Laboriel à la batterie, qui a fait le Stade de France de Johnny), diversité soigneuse des climats distillés par les claviers (Yvan Cassar à la direction musicale et aux arrangements), opulence générale de la mise en scène. Il se murmure d'ailleurs qu'aucune tournée française cette année n'atteint un tel budget, puisque Mylène Farmer donne exactement le même spectacle à Bercy que dans les salles provinciales de moindre capacité. La chanteuse elle-même expose une garde-robe impressionante : une demi-douzaine de tenues à la fois élégantes et joyeusement déshabillées - voire très indiscrètes.
Elle alterne comme toujours les atmosphères de haute altitude, quand la voix suraiguë tutoie les nuées à la quête de la plus exacte blancheur du sentiment (Rêver, Il n'y a pas d'ailleurs, Regrets), et les suées athlétiques d'une chanteuse ouvertement "physique" (Optimistique moi, Dessine-moi un mouton). Avec huit danseurs, un groupe dévoué, les mouvements et effets spéciaux de la statue, l'énergie sculpturale de la chanteuse, le spectacle Mylenium va forcément marquer. Rien d'étonnant, après tout: cinq albums vendus en moyenne à 1,3 millions d'exemplaires, un live à presque un million, Innamoramento qui en approche à son tour, mais seulement deux tournées jusqu'à présent (en 1989 et 1996). Avec ses allures de bréviaire new age, Mylenium entre forcément dans sa légende de soufre et de sexe.
Bertrand DICALE
Les 24, 25, 26 et 29 septembre, et le 13 décembre à Paris-Bercy, le 6 octobre à Lille, du 7 au 9 à Bruxelles, le 17 novembre à Lille, les 19 et 20 à Lyon, le 24 à Orléans, le 25 à Caen, le 26 à Angers, le 27 au Mans...