La Gainsbourgmania japonaise
Kenzo Saeki & Jon The Dog à Paris
24/02/2011 - Paris -
Dans le cadre de l’exposition qu’elle consacre à Serge Gainsbourg, la Cité de la musique a concocté un événement à part. Une relecture fantasque du répertoire de "l’Homme à la tête de choux" par deux chanteurs japonais déjantés. Kenzo Saeki et Jon The Dog s’en sont donnés à cœur joie ce vendredi 24 octobre. La preuve.
Imaginez Les Sucettes (à l’anis d’Annie…) joué à l’harmonium par un énorme faux ours à la tête de chien d’où perce une voix enfantine ! Surréaliste et captivant.
Au Japon, Shoko Uehara s’est fait connaître en chantant des comptines absurdes. Elle a créé ce personnage de Jon The Dog en 1997, un chien "mélangé" (selon ses dires…) qui raconte sa vie sur des airs acidulés. Le concept a tapé jusque dans les tympans du musicien new-yorkais John Zorn qui l’a invitée sur son label d’avant-garde Tzadik.
Ce soir à Paris, Jon The Dog n’a pas non plus laissé indifférent. En une petite demi-heure, elle a rallié tout un public d’abord suspicieux. Quelques approximations hilarantes ("Aux armes, étécéra"), un lapsus savoureux ("Nous allons jouer Love on Œdipe") et quatre chansons plus tard, la salle était conquise.
Avec de simples percussions sur un bout de carton et un harmonium incantatoire, Le Requiem pour un con retrouve toute sa puissance funèbre. Avec sa voix haut perchée, même les paroles de la Marseillaise, hymne tout de même un rien belliqueux, respire la bluette pour adolescente. Loin de l’hommage compassé, Jon The Dog propose une relecture de l’œuvre de Gainsbourg avec un second degré salutaire. L’assistance s’enflamme définitivement lorsque le "chien" se lance dans une chorégraphie de haute intensité sur Love on the beat.
Sushi géant
Kenzo Saeki avoue avoir reçu un véritable choc musical quand il entendu la première fois Gainsbourg dans un café, c’était 69, année érotique. Musicien réputé au Japon, il finira par lui consacrer plus de la moitié de son album de reprises de chanson française, Camembert et Sushi, sorti en 2004.
Le Japonais entre en scène sobrement vêtu de noir et coiffé d’un sushi géant. Habitué des arrangements facétieux, il se présente ce soir sagement accompagné d’une pianiste, Nanase To. Et avec aussi un grand écran où il projette des images de bikers japonais pendant Harley Davidson. Volontiers bouffon, Kenzo Saeki n’hésite jamais à en faire trop. Et ça marche, le titre popularisé par Brigitte Bardot redevient un formidable hymne à la liberté.
S’il lance au public des maracas en forme d’œuf pour un Couleur Café en forme de grande communion, le Japonais sait aussi se faire glaçant. Comme sur cette reprise des Goémons, Kenzo Saeki dépasse les standards pour s’intéresser aussi au versant tragique de Gainsbourg. Sans rien comprendre au sens des mots japonais, l’interprétation bouleverse. Et ça n’a rien d’une gageure quand vous avez un sushi géant sur la tête !
Point d’orgue de cette soirée aussi réjouissante qu’improbable, la rencontre entre Kenzo Saeki et Jon the Dog. Une version minimaliste et grandiloquente de Sea, sex and sun. Il y en a un là-haut qui a dû aussi bien se marrer.
Ludovic Basque