William Sheller, 30 ans de carrière

Le gros coffret de l’intégrale Chemin de traverse n’est pas un testament : William Sheller est toujours suractif puisque, après une première tournée cette année en compagnie de ses dix-huit musiciens (dont la captation sort en CD et en DVD), il vient d’entreprendre une nouvelle série de concerts avec le Quatuor Stevens. En attendant, peut-être, deux nouveaux albums l’an prochain.

Chemin de traverse

Le gros coffret de l’intégrale Chemin de traverse n’est pas un testament : William Sheller est toujours suractif puisque, après une première tournée cette année en compagnie de ses dix-huit musiciens (dont la captation sort en CD et en DVD), il vient d’entreprendre une nouvelle série de concerts avec le Quatuor Stevens. En attendant, peut-être, deux nouveaux albums l’an prochain.

 

 RFI Musique : Si on fait le compte, en trente ans de carrière, vous n’avez sorti que dix albums ...
William Sheller :
C’est ce qui émerge, parce qu’entre temps j’ai fait des créations symphoniques, j’ai écrit des concertos, j’ai donné des concerts avec des orchestres... Sheller, c’est réduit à des albums de chansons alors qu’il y a eu aussi tout un travail plus souterrain. Evidemment, si on réduit aux chansons ...

Y a-t-il une part encore plus souterraine, des chansons que vous n’avez pas publiées ?
Je ne suis pas du tout du genre à accumuler des oeuvres dans un coin en attendant qu’un jour... J’ai le bonheur dans ma vie de musicien de n’écrire qu’en sachant que ça va être joué ou enregistré – ce qui est extrêmement rassurant. Bien sûr, j’ai des musiques d’avance, des choses que je garde dans la tête, mais je ne me mets réellement au travail que quand je sais qu’il va y avoir une date de studio et qu’il va falloir écrire le texte. J’ai eu pendant deux ans la musique d’Un homme heureux sans mettre un mot dessus. Mais je n’avais pas d’album à enregistrer.

Vous avez toujours semblé, dans vos compositions comme dans vos interprétations, vous méfier de la virtuosité.
L’épuration. Le minimum de mots, le minimum de notes. Après il peut y avoir une deuxième lecture, découvrir des couches derrière, et derrière, et derrière encore ... Mais il ne faut pas qu’on sente le boulot, il faut que ce soit simple, que ça parle à la première écoute. La vraie virtuosité, c’est de se passer de la virtuosité.

 

   Pourtant, vous avez parfois osé, sinon une virtuosité féroce, du moins un disque avec beaucoup d’aspérités, d’audaces formelles, de propositions difficiles : c’était Albion, votre disque très rock de 1994.
J’avais besoin de ça. D’abord, c’était un rêve de gamin et il faut toujours se les offrir. Ensuite, j’avais sorti cet album de piano en solitaire et il venait de me tomber deux Victoires de la musique, pour l’album et pour la chanson ; puis une autre Victoire, l’année suivante, pour un film que personne n’avait vu. Alors, malgré tout le respect que j’ai pour cet homme et pour son talent, je me suis dit que je ne voulais pas être le Charles Dumont des années 90. J’ai commencé à faire le disque en France, avec les mêmes chansons. Mais comme les musiciens avaient affaire à Sheller, dont on parlait tant depuis un an et demi, ils n’osaient pas sortir de ce que j’écrivais. Alors je suis parti à Londres me frotter à des gens qui ne me connaissaient pas du tout et qui allaient prendre ma musique pour en faire autre chose. Je n’ai pas loupé mon truc : c’est le disque qu’on a le plus trouvé aux Puces ...

Vous avez interprété – voire enregistré – certaines de vos chansons dans plusieurs arrangements différents. Comment faites-vous le choix d’une instrumentation rock ou de telle ou telle instrumentation de l’orchestre ?
La chanson, je la prends comme je la reçois pour la première fois. La musique, ça s’entend tout fait, avec une orchestration en même temps que les notes. La première version, c’est toujours telle que l’ai entendue la première fois.

Vous savez, on n’est pas complètement responsable de ce qu’on écrit, on reçoit les choses. C’est pour ça qu’on peut être très content de ce qu’on a fait, non par autosatisfaction, mais parce que l’antenne du poste de radio fonctionne bien.

Plus tard, à l’occasion d’un concert ou d’une tournée, on se trouve avec une certaine formule instrumentale et on se dit : tiens si je revisitais celle-là avec seulement des cordes, ou seulement des vents, ou seulement au piano, pour voir ?

En trente ans de carrière et d’expériences musicales extrêmement variées, y a-t-il une formule orchestrale qui vous fait envie et que vous n’avez pas encore expérimentée ?
Eh bien je crois que j’ai un peu tout eu : de l’électrique, de la musique de chambre, un orchestre d’harmonie, des orchestres symphoniques, des petits orchestres Mozart, des orchestres de 120 musiciens, des choeurs. Mais j’ai encore un rêve de gosse qui n’est pas assouvi : un opéra, un vrai opéra rock. Pas une compilation de rengaines à chevaux de bois avec une histoire au milieu, mais un vrai opéra populaire, avec un beau sujet, une belle histoire.

Pour cela, il faut trouver un beau sujet et un livret, parce que savoir écrire court sur une chanson, c’est une chose, mais avoir le souffle pour faire une oeuvre dramatique complète pour le théâtre, c’est un autre métier. Alors je suis aux aguets. J’ai reçu des livrets. On m’a proposé la suite d’un opéra de Wagner, ce qui serait chercher le bâton pour me faire battre. Déjà que dans le milieu classique, on me considère comme une curiosité sympathique, avec mes petits concertos ...

 

 Votre père est américain, vous avez vécu aux Etats-Unis, vous êtes bilingue. Pourquoi n’avez-vous pas fait du rock en anglais ?
Pourquoi faire ? Se donner l’illusion qu’on va soudain faire carrière à New York parce qu’on aura chanté un truc en anglais ? Je ne vois vraiment pas l’intérêt. J’aime le français qui est tellement nuancé et qui est une belle langue pour chanter. Evidemment, il faut savoir placer les on et les in, il ne faut pas aller chercher plus loin qu’une syllabe par note... C’est une vieille histoire, qui remonte à Lully, à Debussy, à Charles Trenet – "Ah qu’il est beau le débit de l’eau" : une syllabe par note et ça swingue.

J’ai chanté en anglais quand que je faisais les bases américaines avec un groupe. Une fois, j’ai chanté en anglais à la télévision dans une émission consacrée à Paul McCartney, où j’ai chanté She’s Leaving Home. Et puis il y a eu un essai, au début, qui est dans le disque des "péchés de jeunesse". Quelle cochonnerie ...

Justement, quelques-unes des chansons présentées dans ce premier volume de votre intégrale valent le déplacement ...
Oh, il y a quelques choses que j’aurais bien aimé voir enterrées au fond d’un jardin. Mais c’est intéressant les erreurs de jeunesse, ça montre que les choses ne se font pas en un jour, qu’il faut un minimum d’expérience.

Coffret : William Sheller Chemin de traverse, 19 CD et un DVD (Mercury-Universal) 2005
CD : William Sheller Parade au Cirque Royal (Mercury-Universal) 2005
DVD : William Sheller Parade au Cirque Royal (Mercury-Universal) 2005