Rencontre avec Garou

Alors qu’il surfe toujours sur les classements de vente de disques, Garou mène une tournée française à guichets fermés, pour laquelle vient d’être ajouté un nouveau spectacle à Bercy, le 12 avril. Devenu brutalement star avec son rôle de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris, il garde pourtant la tête froide. Rencontre avec un jeune homme heureux mais réaliste.

"Ma discipline, c'est le plaisir"

Alors qu’il surfe toujours sur les classements de vente de disques, Garou mène une tournée française à guichets fermés, pour laquelle vient d’être ajouté un nouveau spectacle à Bercy, le 12 avril. Devenu brutalement star avec son rôle de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris, il garde pourtant la tête froide. Rencontre avec un jeune homme heureux mais réaliste.

Alors, comment ça va ?
Ça va magnifiquement. La famille se porte à merveille et la carrière aussi.

Aimez-vous ce mot de « carrière » ?
Je suis à l’âge où je peux parler de carrière – j’ai vingt-neuf ans. Carrière, c’est synonyme aussi de discipline, et j’ai rarement été très discipliné. Je n’ai jamais été très carriériste en termes d’ambition, mais j’adore travailler beaucoup, sans arrêt. Là, j’ai trouvé ma discipline. Ma discipline, c’est le plaisir.

Depuis que vous avez été révélé par Notre-Dame de Paris, vous ne cessez pas de travailler. N’est-ce pas un peu lourd à vivre ?
J’ai choisi de faire un métier de divertissement. Il ne faut pas croire qu’on devient un surhomme parce qu’on est populaire. Tant mieux : c’est pour que les gens se régalent de la légèreté de la vie. Notre première date de tournée était le 14 septembre. Le 11 septembre, on était presque à la fin des répétitions quand on a appris ce qui se passait aux Etats-Unis. Lorsque l'on a recommencé à travailler, je devais chanter Le monde est stone. Et je me suis mis à chialer. J’ai passé une drôle de nuit avant la première mais je n’ai jamais eu autant pour mission de chanter. On disait que les gens avaient peur et nous les faisions sourire. Avec la tête qu’ils avaient le soir après le concert, on savait qu’ils allaient mieux dormir. Je ne suis pas un chanteur, je suis un entertainer. C’est ça que j’aime, mais c’est accidentel. A dix-neuf ans, j’étais dans un cabaret quand un chansonnnier m’a fait monter sur scène. J’avais un trac fou, j’ai pris sa guitare et, le temps d’une chanson, j’ai vu des sourires apparaître et je me suis dit : « Ça y est, je suis complètement à ma place si je peux amener ça au monde. »

Vous avez récemment été couronné comme « l’artiste québécois s’étant le plus illustré hors du Québec ».
Si je l’avais pas gagné, celui-là, j’avoue que ça m’aurait fait bizarre ! J’ai une histoire particulière : je suis Québécois et j’ai commencé ma carrière en France. Au Québec, les gens ne me connaissaient pas avant Notre-Dame de Paris. Daniel Lavoie, Luck Mervil, Bruno Pelletier étaient des stars au Québec, mais pas moi. Ma carrière a commencé et se déroule surtout en France, mais je suis québécois. Tout le monde le sait et j’en suis fier.

Que veut dire être fier d’être québécois ?
C’est être fier de ses racines, du folklore, de la nature, des paysages. Etre fier d’avoir défendu la langue. On se sent des fois comme les irréductibles Gaulois au beau milieu de cette Amérique ! Et une grande fierté parce que Montréal est une ville multiculturelle, très cosmopolite. Le star system y est tellement différent : les Québécois viennent te serrer la main pour se prouver que tu es un être humain ; ici, en France, on va t’arracher un vêtement parce que Superman le portait. Au Québec, on n’a rien d’autre que la rencontre, la chaleur des gens. Ici, quand on se ballade dans les rues, il y a l’architecture, l’histoire, tout pour se sentir important.

Etes-vous serein ?
Oui et non. Du moment que ça monte, ça va bien. Est-ce que je daignerais être malheureux si tout ça s’écroulait ? Je crois que non. Je suis très surpris que les choses soient allées à ce rythme-là. Pourtant je les ai retenues longtemps. Quand j’étais dans les bars, j’ai eu beaucoup de propositions de compagnies de disques, de management… Je leur disais : « Pardon, là je m’amuse, je fais mon expérimentation musicale. » Ce qu’on ne sait pas, c’est que j’aime le côté business, la négociation. Il faut que je me mêle de tout. Je ne trouvais pas la personne qui me stimule assez pour signer. Il fallait que j’aie les jouets et le carré de sable que je voulais pour jouer. Sinon je préférais ne pas me lancer. Aujourd’hui, il a fallu que ce soit l’équipe de Céline Dion, qui a fait le tour de la planète, qui m’écoute enfin.

Y a-t-il des choses que vous n’osez pas encore faire, dans la chanson ?
La protest song. Encore qu’il y ait des prises de position sur l’album Seul, et que je sois allé trop loin pour certains avec la chanson Criminel. J’écrivais plein de chansons quand j’étais au collège, mais ça ne m’éclate pas d’écrire de la musique, pas plus que d’être mon producteur ou de faire mes éclairages… Ce que j’aime, c’est qu’un auteur rencontre une musique, interprétée par un chanteur. Et j’aime des styles différents, amalgamer plein d’ingrédients différents.

Au tout commencement, quel est votre première émotion musicale ?
Elvis. Et mon père. Quand mon père était jeune, il jouait de la guitare et il chantait. Je ne l’ai pas connu à cette période-là mais, chaque 31 décembre, toute la grande famille se réunit. Il y a beaucoup de musiciens dans la famille et moi j’allais derrière l’orchestre et je jouais des cuillères sur les trucs folkloriques. Mais le moment le plus important, c’est quand mon père se levait et faisait du Elvis, du Jerry Lee Lewis, du vieux rock’n roll. Toute la famille commençait à balancer et – waow ! C’était un éveil complètement naïf, mais cette image-là me reste. Je ne pense pas être le genre de type à me prendre pour un autre mais, sur scène, chaque soir, quand on fait des vieux rhythm’n blues et des vieux rock’n roll, si je me prends pour un autre, c’est pour mon père.

Vous vous voyez toujours chanteur à soixante ans ?
Oui. Les jouets seront différents, la musique sera différente mais, quand je pense à ça, je rêve de faire encore du piano bar dans un endroit tranquille et enfumé.

Trouvez-vous que vous chantez bien ?
J’ai une voix bizarre. Je ne suis pas un grand chanteur, je ne suis pas un bon chanteur technique. Par contre, j’émotionne.