Yann Hamon fait tourner les artistes
Les tourneurs seraient une centaine en France, dont la moitié à en vivre. Yann Hamon est l’un d’eux. A la tête de sa société Yapucca, il s’occupe des tournées de treize artistes dont Louise Attaque et les Wampas. Louer un camion, réserver les hôtels, il gère tout sauf l’artistique.
Profession : tourneur
Les tourneurs seraient une centaine en France, dont la moitié à en vivre. Yann Hamon est l’un d’eux. A la tête de sa société Yapucca, il s’occupe des tournées de treize artistes dont Louise Attaque et les Wampas. Louer un camion, réserver les hôtels, il gère tout sauf l’artistique.
Bien que Breton, il ponctue toutes ses réponses de modérations normandes : "Un peu, ça dépend, plus ou moins …" Yann Hamon s’y prend même à deux fois avant de délivrer une définition de son métier : "On est identifié comme fournisseur de concerts, entre rock et chanson, auprès de nombreuses salles et festivals. On leur propose une liste de groupes en tournée, après ils choisissent. Nous sommes des technico-commerciaux. On écoute des CDs, on va voir les artistes sur scène et on après, c’est à nous d’apprécier leur impact sur un marché, car c’est un marché. " Si Yann Hamon est si prudent, c’est qu’il appris son métier sur le tas : "ça reste un artisanat, on apprend tous les jours."
Comme beaucoup, ce Rennais a commencé par hasard. "On m’a demandé de donner des coups de main dans des associations qui organisaient des concerts. J’y suis allér une fois, deux fois, trois fois. Au fil du temps j’ai sympathisé avec des gens de ces assos pour monter d’autres assos et organiser d’autres concerts. A l’époque, à la fin des années 80, j’étais surveillant, ça me laissait pas mal de temps. Petit à petit de plus en plus de concerts à organiser, d’abord au niveau local puis régional, et de plus en plus de place dans le quotidien. Ce qui fait qu’à un moment, j'ai pu envisager d’en faire un boulot." Officiellement chômeur, il se lance en 1992. Cinq ans plus tard, juste avant de pointer au RMI, il commence à en vivre. La rencontre avec Miossec, "un artiste original dans l’univers musical du moment" sera l’étape décisive. Aujourd’hui à 40 ans, il dirige Yapucca : cinq salariés et treize artistes à faire tourner.
Il garde les pertes et partage les bénéfice.
"Nous sommes producteur de la tournée, on paie les artistes et l’encadrement. Ensuite on vend à un prix donné l’ensemble de la prestation. C’est à moi de faire en sorte que ça soit rentable. Je prend 100% des pertes. Tous les coûts négociés avec les musiciens et les techniciens leur sont garantis et en cas de recette, il y a souvent une redistribution, environ 80% pour l’artiste." Pour le moment, il affirme perdre de l’argent sur la moitié de ses groupes : "Il s’agit d’investissement." Une fois la tournée montée, un régisseur accompagne le groupe et s’occupe de l’organisation quotidienne : "Où on dort, qu’est-ce qu’on mange, à quelle heure on joue…"
Avant, pour qu’il s’intéresse professionnellement à vous, il fallait avoir épuisé toutes les possibilités de concerts dans votre région d’origine. Plus maintenant : "C’est de moins en moins vrai. Il existe moins de bars qui programment. On est sollicité par des groupes qui n’ont pas fait de concerts. On est obligé de se projeter dans le futur comme les maisons de disque doivent le faire avec un album. Le meilleur exemple, c’est un groupe comme Deportivo. Qui maintenant a quelques dates dans les pattes. Mais au moment où on les a rencontrés, c’était, je crois, leur troisième concert. Le pire, c’est qu’il y avaient plusieurs tourneurs dans la salle. Quand on les a rencontrés, l’intérêt en terme de spectacle était quasiment nul !"
Il doit séduire très vite, malheureusement
Evolution des mœurs, le tourneur doit aussi se faire dragueur : "Maintenant quand le nom d’un groupe circule, on est rarement le seul à en entendre parler. Des fois, ça se rapproche même du speed dating. En 5 minutes, on essaie de tout expliquer. Mais c’est rarement bien comme méthode. Je me suis aperçu finalement que je n’étais pas bon quand je devais aller au devant des artistes. Ils faut qu’il aient un peu envie de moi pour que ça fonctionne."
Actuellement il existe une dizaine de structures qui œuvrent sur le même marché que Yapucca. Yann Hamon affirme ne pas craindre la concurrence : "Il y a sensiblement les mêmes frais fixes pour tout le monde. On ne peut pas pratiquer de dumping. Ce qui fait la différence, c’est la façon de travailler. Ça marche aussi beaucoup à l’affectif. Il faut qu’il y ait une rencontre." Quelques écoles en France dispensent des formations théoriques (comptabilité, gestion, droit) aux aspirants tourneurs sachant que l’élément moteur doit rester la passion : "Vous pouvez vendre des yaourts sans aimer ça. Pour la musique, ce n’est pas possible."
Yann Hamon milite pour les premières parties à tous les concerts. "C’est souvent là qu’il y a une opportunité pour les groupes pas trop connus. Les têtes d’affiche actuelles n’existeraient pas si elles n’avaient pas eu, elles aussi, ce coup de pouce." Lui prend moins de plaisir que dans sa jeunesse dans les salles de concerts. Ses apparitions sont très ciblés : les groupes dont il s’occupe déjà, ou ceux qu’il aimerait signer. Pour le trouver ne le cherchez pas devant la scène mais plutôt au bord du comptoir du bar. "C’est là que les échanges se passent le plus souvent", lâche-t-il, l’œil malicieux, l’air faussement résigné.