Disiz la peste, futur du rap

Sa rengaine incontournable « J’pète les plombs » était planquée dans le sillon d’une obscure compilation. Elle ressort sur un label majeur et c’est « La Guerre Des Etoiles » pour Disiz La Peste, jeune rapper franco-sénégalais originaire d’Evry. Il publie aujourd’hui « Le poisson rouge » son premier album dont le « franc-parler » de franc-tireur de la tchatche n’a pas fini de faire des ravages.

Disiz…sur les traces de Solaar !

Sa rengaine incontournable « J’pète les plombs » était planquée dans le sillon d’une obscure compilation. Elle ressort sur un label majeur et c’est « La Guerre Des Etoiles » pour Disiz La Peste, jeune rapper franco-sénégalais originaire d’Evry. Il publie aujourd’hui « Le poisson rouge » son premier album dont le « franc-parler » de franc-tireur de la tchatche n’a pas fini de faire des ravages.

Ce « rimeur à gages », comme il se définit lui-même, panache avec le même bonheur textes gaudrioles et pamphlets sanglants. Et, l’on dit même, que cette Peste à la langue si leste est sur la planète rap ce qu’il advient de mieux depuis la longue éclipse d’un certain Solaar…

Disiz la Peste c’est Serigne et il a tout juste 22 printemps. C’est un jeune marié et il l’air d’un gentil gars. Erreur ! Son alias de pestiféré, il l’a gagné à force de mitrailler sans cesse ses calembours si riches en venin.
La Peste a toujours été… peste !
Sa mère française divorcée l’élève d’abord seule. Son père issu du quartier de Merina à Rufisque, au sud de Dakar, il ne l’a connu qu’à l’âge de huit ans. Et c’est à Evry au sud de Paris qu’il grandit.
« Mon premier skeud c’était il y a 5 ans/vaut mieux pas l’écouter » rappe Disiz dans Le challenger qui ouvre son album. En fait il étudiait le dessin dans une école à Paris où, grâce à un ami commun, il est contacté par un micro label qui cherchait de nouveaux talents. Rencontre avec JM Dee, qui devient son DJ attitré, ciselant pour lui des séquences de rythmes taillées à la mesure de ses allitérations délurées. Et comme Solaar avait Jimmy Jay et Roux son Combaluzier, MC Disiz peut compter sur les mesures de Dee.

Voici trois ans, ils rejoignent les « Rimeurs à gage », s’associent au Marseillais DJ Bomb, …et une poignée de compiles plus tard Disiz la Peste rejoint le collectif « One Shot » pour la BO à succès de « Taxi 2 » . Mais la révélation viendra avec J’pète les plombs , titre aussi fun que choc et aux rimes aigres-douces inspirées du scénario du film « Chute Libre » de 97 où Michael Douglas/cadre licencié disjoncte et mitraille tout ce qui bouge de son fusil à canon scié. Disiz et JM Dee ont-ils été surpris par le « carton » de J’pète les plombs ?
« Ce morceau était enregistré au départ pour une « mix tape » ! Jamais j’aurai imaginé que cela passerait un jour à la radio. Bon, sur Skyrock, radio rap, peut être et encore le soir, mais de ma vie je n’aurais pu imaginer une chose pareille ! Cela montre bien que dans la musique il n’y a pas de recette, pas de règle établie»
Malgré ses mots crus, tout le monde peut se reconnaître dans J’pète les plombs . Tout le monde, de la cour de récré au bureau paysagé, est un jour au bord du précipice. Mais bien d’autres thèmes graves sont abordés dans « Le poisson rouge »… comme la chanson qui offre son titre à l’album justement !
« Et c’est une histoire vraie. », assure DLP," Par contre, ce n’était pas un poisson rouge ; j’ai choisi un poisson rouge pour mieux marquer les esprits, c’est une allégorie, une image poétique. Mais c’est un poisson, c’est du thiof, le poisson séché du bled … ramené du pays et qui n’a pas été payé, cela a fait toute une histoire de quartier qui dure depuis quatre ans ; certains ont eu peur de passer leur BEPC ou leur BAC, d’autres avaient peur d’aller prier à la mosquée parce qu’elle était dans le quartier adverse. Cela a modifié des vies et tout cela à cause d’un petit poisson. »

Pour un premier album Disiz a su se ménager de prestigieuses collaborations : celle du fameux Joey Starr de NTM comme celle du vocaliste d’IAM, Chill qui l’a invité à rimer avec lui à Marseille. Le titre punché « Lyrics de gamins » naîtra de ces sessions. Dans ce bocal hip hop « agité mais pas frappé » alternent thèmes graves et insouciants.
Disiz pourfend les beaufs dans « C’est ça la France » comme il raille les rappers du dimanche avec son désopilant « MC Lagaf ». « C’est la vie ! », s’amuse Disiz. « Dans la vie tu n’es pas tout le temps content ou tout le temps énervé ou tout le temps je ne sais quoi…alors l’album c’est plusieurs tranches de vie. J’ai essayé de traiter des sujets lourds et des sujets plus fun, j’ai essayé de parler d’amour et de choses comme cela.»

Mais Disiz se souvient aussi de ses racines sénégalaises, enregistrant le somptueux afro-hip-hop « Gnibi » en duo avec le légendaire Thione Seck.
« Là-bas t’as pas besoin d’argent lorsque ici c’est la course au pognon… Ici on va au restau et après on se fait une boite ou un ciné… Là-bas tu es assis, tu bois un petit thé, tu discutes avec les gens, cela fait trop du bien lorsqu’ici c’est la course au statut social. En plus ma femme est sénégalaise, alors avec toute la famille qu’on a là-bas, on va y aller souvent. J’aime les valeurs de ce pays. Et pour se reposer c’est génial. »
DLP a depuis cinq ans adopté la religion de son père se définissant comme musulman léger.
« Dans mes textes, il y a un côté sérieux plutôt rigolo et pas coincé du cul, c’est mon côté jeune. Je sais que c’est loin des stéréotypes habituels sur les musulmans. Maintenant tous ces clichés sur la femme et sur la religion il faut cesser d’y croire ! Moi ce que je connais du Coran ne dit pas du tout cela, la femme y est trop respectée. « Mets ton voile et reste à la maison », ce sont les gens qui décident de travestir le Coran parce que cela les arrange. On dit chez nous que « le paradis se trouve aux pieds de ta maman », alors si la femme là n’a pas une bonne place ! » Et lorsqu’on demande à Disiz comment il s’imagine dans dix ans, il répond le plus sérieusement :
« J’espère que je serai toujours marié avec ma femme et que j’aurai huit enfants, c’est ce que j’espère … »
Quelle Peste !

Gérard BAR-DAVID

Album: Le poisson rouge - Barclay Universal Music