Livres et notes d'automne

Quelques livres sur la chanson pour cet automne : les autobiographies de Nana Moukouri et Michel Fugain, les confidences posthumes de Claude François, un beau livre sur Louis Aragon et ses interprètes.

De Claude François à Michel Fugain

Quelques livres sur la chanson pour cet automne : les autobiographies de Nana Moukouri et Michel Fugain, les confidences posthumes de Claude François, un beau livre sur Louis Aragon et ses interprètes.

Les chanteurs chez Aragon

Les éditions Textuel, qui ont notamment publié les manuscrits de Georges Brassens, Serge Gainsbourg ou Claude Nougaro, proposent un coffret original et savant sur les rapports du poète Louis Aragon et de la chanson. Dans le premier volume, l’universitaire Nathalie Piégay-Gros étudie l’attirance d’Aragon pour le music-hall et la passion des interprètes pour ses écrits. Car, rappelle-t-elle, le poète n’a jamais écrit de chansons, au contraire de ses contemporains Robert Desnos ou Jacques Prévert. Avant que Brassens ne chante Il n’y a pas d’amour d’heureux, que Ferré ne chante L’Affiche rouge ou Est-ce ainsi que les hommes vivent, que Ferrat ne chante C’est si peu dire que je t’aime, tous ces textes ne sont pas destinés à la mélodie, à la scène, au disque. Pourtant, peu d’auteurs du XXe siècle ne seront autant adaptés que lui, ardent poète de l’amour, du politique et de l’histoire. Le premier volume raconte l’histoire de ces noces du verbe et de la voix chantés, le second présente les manuscrits de trente-deux poèmes. L’érudition, le soin, la précision, la minutie de cet ouvrage sont remarquables et apportent une foule d’information sur un sujet que chacun croit connaitre.

Nathalie Piégay-Gros Aragon et la chanson (Textuel, 2 volumes de 136 pages, 50 €) 2007

Nana raconte Mouskouri

Nana Mouskouri passe, en France, pour un parangon des variétés les plus futiles. On oublie trop facilement que, derrière les tubes enregistrés dans une demi-douzaine de langues et les immuables lunettes à montures épaisses, elle a mené une carrière singulière, beaucoup plus exigeante que ne le laisse supposer l’atmosphère de ses passages rituels dans les émissions à grande audience du samedi soir pendant des décennies. Dans ses mémoires, elle raconte ses débuts et ses plus grandes gloires, bien sûr, mais aussi ses relations d’affection et d’estime avec Bob Dylan, sa collaboration avec Quincy Jones ou la naissance de Jamais le dimanche, qu’elle est la première chanteuse à avoir interprétée. A la lecture, on est tout aussi souvent surpris par son humour que par l’ampleur des malentendus français sur son œuvre. Trois ans après la parution de Nana Mouskouri Collection, imposant coffret de trente-quatre CDs, et quelques semaines avant l’étape française de sa tournée d’adieux, un autre élément de l’autoportrait de l’interprète officielle de l’hymne européen.

Nana Mouskouri La Fille de la Chauve-souris (XO éditions, 432 pages, 20,90 €) 2007

Claude François selon Claude François

Fabien Lecœuvre exerce la profession singulière d’agent de la carrière posthume de Claude François. En tant que tel, il a accès à l’intégralité des sources concernant le blond chanteur et a compilé cette impressionnante somme d’interviews et de confidences. Car Clo Clo a beaucoup parlé, et souvent sur un ton et avec une franchise qui n’ont plus cours actuellement dans le show business français. Sur ses chansons, sur ses ambitions d’artiste et de businessman, sur ses confrères, sur les femmes, sur le public même, il y a là des passages saisissants de verdeur, des anecdotes inédites, des éclairages de première main sur une des légendaires épopées de la chanson populaire d’expression française. Les fans seront extatiques, bien sûr, mais les simples curieux de cette époque trouveront là une source vivante et originale.

Claude François Je soussigné…(Albin Michel, 400 pages, 18 €) 2007

Michel Fugain : la chanson et le cœur

Qu’y a-t-il d’important dans une vie ? Le critique parlera des chansons, le fan de grands concerts, le journaliste people de drames humains. Michel Fugain, en racontant sa vie, n’a pas choisi entre l’un ou l’autre genre. Il a surtout écrit ce livre pour raconter le plus important : ses débuts dans la chanson, l’aventure du Big Bazar, la mort de sa fille Laurette emportée par une leucémie. Avec la même plume enthousiaste ou rageuse, il raconte par le détail ces trois grands moments, passant plus vite sur d’autres. Et il est peu de documents qui confirment avec autant de force que la séparation de la vie et de l’œuvre est en général artificielle. Fugain lève ainsi le voile sur des réalités souvent tues par les artistes, comme lorsqu’il évoque des tournées sans plaisir, des disques sans élan, des rencontres sans motivation. Il explique la chanson comme métier, avec les périodes sans inspiration et les instants de grâce, les temps de découragement et les entreprises étourdissantes. Rarement la chanson n’a eu l’air aussi humaine.

Michel Fugain Des rires et une larme (Michel Lafon, 476 pages, 19,90 €) 2007