Pit Baccardi

Intitulé  Le poids des maux, le second opus du rappeur franco-camerounais Pit Baccardi frappe fort. Poésie urbaine, retour aux véritables instruments, cette nouvelle soul satinée porte toutes les couleurs du réveil de l’espoir. Interview puis retour sur une rencontre du rappeur avec le groupe ivoirien Magic System.

La force des mots

Intitulé  Le poids des maux, le second opus du rappeur franco-camerounais Pit Baccardi frappe fort. Poésie urbaine, retour aux véritables instruments, cette nouvelle soul satinée porte toutes les couleurs du réveil de l’espoir. Interview puis retour sur une rencontre du rappeur avec le groupe ivoirien Magic System.

RFI : Vous avez formé le label Nouvelle Donne avec Jacky et Ben J des Neg’ Marrons alors qu’ils avaient déjà deux albums à leur actif et que vous n’en étiez qu’a quelques featurings...
Pit Baccardi
 : Si je suis arrivé sur un pied d’égalité avec eux, c’est sans doute dû à un gros travail en amont. Jacky et Ben J ont toujours été derrière moi, m’apportant leur expérience. Avec le minimum d’acquis que j’avais, ce melting-pot a donné les résultats escomptés. Toute cette stratégie a été pensée bien à l’avance. On avait projeté cette compile Première Classe où j’ai multiplié les collaborations pour exposer le nom de Pit Baccardi et offrir une solide fondation à mon album.

Vous êtes aussi originaire de Sarcelles ?
Non, je viens du XIXème à Paris. Tous les autres, par contre, viennent de Sarcelles.

Et sans être membre du Secteur Ä (Gynéco, Passi, Stomy Bugsy, Arsenik, Neg’ Marrons etc.) vous avez pourtant réussi à vous imposer.
La vie est aussi une histoire de feeling, de rencontres et là, on peut vraiment parler de complicité, d’instinct car cela s’est fait tout naturellement aussi bien avec Jacky & Ben J qu’avec les membres du Secteur Ä.

Votre premier album  Pit Baccardi  est sorti en juin 99. Suivi un an plus tard d’un mini CD, Ghetto Ambianceur  où vous chantiez en duo avec le géant r'n'b, Joe.
Depuis le début, j’essaie de démontrer que je suis très ouvert musicalement. J’ai eu l’opportunité de chanter avec Joe, grosse pointure américaine et j’ai sauté sur l’occasion. Lorsque j’ai enregistré ce morceau-là, cela a été une fois de plus l’émotion d’une complicité partagée.

Vous êtes né à Yaoundé au Cameroun, et vous avez fait quelques allers-retours entre l’Afrique et la France. La première fois que vous débarquiez dans l’Hexagone, vous aviez 8 ans et vous êtes reparti au Cameroun quatre ans plus tard. Tout cela a dû être un sacré choc ?
Le choc, on ne le reçoit pas lorsque l'on est enfant car on reste naïf. Tu viens juste d’arriver au monde, alors tu t’adaptes au nouveau. Tu as froid mais cela passe mieux. L’intégration, elle se fait plus facilement qu’à l’âge de vingt ans. Mon frère de 12 ans et moi avions voyagé seuls, sans accompagnateur. Mon père était à l’aéroport d’Orly pour nous accueillir. C’était l’hiver et nous avons eu un peu de mal à nous habituer au froid.

Et à l’âge de 12 ans, vous regagnez le Cameroun, que s’est-il passé ?
Mon père a été réaffecté là-bas. Il était expert-comptable. Mais trois ans plus tard, nous étions déjà de retour en France car il ne s’adaptait pas au pays. Contrairement à nous, les gamins, qui nous adaptions plus aisément avec des cousins, des amis.

Ces deux cultures vous ont forgé ?
Oui, car j’ai été livré très tôt à moi-même. Aujourd’hui, je n’hésite jamais à voyager car cela enrichit sérieusement. Ces navettes entre la France et le Cameroun, soulignent les différences de vies, les différences de mentalité, de modes de culture. Cela te fait prendre conscience de tant de choses. Tu mûris plus vite !

Pit Baccardi, c’est Pit, car vous ne lâchez jamais prise et Baccardi pour la couleur ambrée ?
Pit pour l’aspect et Baccardi pour la saveur !

L’album démarre sur le titre homonyme Baccardi, c’est de l’auto promo ?
Oui, parce que cela fait partie du rap, l’ego trip, de se mettre en valeur. C’est le premier morceau, le décrassage avant de commencer le grand match.

Mais vous tenez à préciser que vous ne détenez pas un "diplôme de gangster"...
C’est justement pour cela que mon album est intitulé  Le poids des maux. Je nage entre deux eaux, les mots et les maux. Car nous devons tous prêter attention à ce que nous disons. Tant de personnes différentes nous écoutent, mon voisin de palier comme celui du 9-5, mais aussi Jean-François ou Michel de Bourg en Bresse qui peut tomber sur l’album et s’y arrêter net car quelque chose l’a subjugué. Le minimum, c’est qu’il comprenne ce que je lui dis. J’essaie de rester le plus humaniste possible, le plus sain possible et le plus logique possible. Voilà pourquoi sans doute j’arrive à évoquer des idées qui touchent les gens. Dans Le monde nous appartient, je parle justement d’évolution dans les mentalités, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Il y a un potentiel réel si seulement on va jusqu’au bout de ses idées, car il faut aller au bout de ses envies, c’est le message général de ce projet.

Vous aimez les mots, mais vous aimez aussi la musique des mots et vous en jouez dans vos textes ?
C’est naturel, comme tout ce que je fais. Et sans dictionnaire de rimes, je le jure! Le challenge est d’arriver à faire croire qu’en écrivant j’ai un livre posé à côté.

J’en veux au monde  ressemble à un rôle de composition qui n’est pas vous ?
Si, c’est moi, une partie de moi. Les gens doivent prendre conscience que même si je suis essentiellement positif, j’ai des moments de colère, de rage. J’en veux au monde lorsque la guerre gagne, quand la jalousie prend le pas sur la raison, quand je suis taxé à 53 %, quand on m’empêche d’avancer dans ce que j’entreprends. 

Pit Baccardi  Le poids des maux Hostile/Delabel 2002

Numéro 3 des ventes de singles en France avec leur chanson 1er Gaou sortie voici trois ans, les Ivoiriens de Magic System ont croisé leurs mots avec Pit Baccardi le mardi 22 octobre dans Couleurs tropicales l'émission de Claudy Siar sur RFI. Flash-back.

Magic System : On a déjà vu le Pit sur scène. C’est quelqu’un qu’on a souvent entendu avant de le rencontrer, cela faisait plaisir de le voir jouer avec un vrai groupe.

Et vous, Pit, avez-vous déjà assisté à un concert de Magic System ?
Pit Baccardi : Je les ai vu à Saint-Denis à La Plaine avec Jacky des Neg’ Marrons. Lui et moi apprécions beaucoup cette musique-là. Nous sommes Africains, mais sans frontières.
On ne sait pas si c'est un hasard d’avoir trouvé ce nom-là, Magic System, mais c’est littéralement magique. Il y a un jeu avec le public. Il faut comprendre les métaphores car ils racontent vraiment des histoires incroyables.  1er Gaou  par exemple, ce garçon sort avec une fille. Lorsqu’il la rencontre tout baigne, il a de l’argent, une situation stable. Mais il va chuter, se retrouver sans un sou. Alors la fille mets les voiles. Lui se dit que ce n’est pas grave, continue de faire son petit bonhomme de chemin dans la musique. Et il sort un disque, passe à la radio et cela commence à marcher. Sa chanson est diffusée à la télé et un jour, chez lui, on frappe à sa porte. C’est la fille qui revient. Elle lui dit : "Je suis partie en voyage, mais maintenant je suis toute à toi. Fais ce que tu veux de moi.". Lui n’est pas du tout dupe. Elle lui dit pour l’allumer "Hum, je mangerais bien une banane". Mais lui pour la narguer lui dit : "Chérie toi tu es si bonne que je ne vais pas te donner juste une banane, mais toute une plantation !" Pour se payer sa tête. Ces mecs sont des tueurs ! Ce ne sont que des histoires comme cela. C’est tout simplement surnaturel ! 

Marion  Guilbaud