Luke et Déportivo en concert

L’embellie rock ne s’arrête pas à Londres ou Bruxelles. En France, deux jeunes formations inspirées autant par Noir Désir que par Nirvana enflamment les planches. Les Bordelais de Luke et les Franciliens de Déportivo ont mis en commun leur énergie scénique et leur goût de la belle mélodie le temps d’une tournée. A l’occasion d’un de leurs trois concerts au Bataclan, discussion autour du rock bleu blanc rouge.

L’affiche rock

L’embellie rock ne s’arrête pas à Londres ou Bruxelles. En France, deux jeunes formations inspirées autant par Noir Désir que par Nirvana enflamment les planches. Les Bordelais de Luke et les Franciliens de Déportivo ont mis en commun leur énergie scénique et leur goût de la belle mélodie le temps d’une tournée. A l’occasion d’un de leurs trois concerts au Bataclan, discussion autour du rock bleu blanc rouge.

      En signant en à peine deux ans La Sentinelle et Soledad (Luke) ou Parmi eux et La salade (Déportivo), ils ont redonné des couleurs au binaire français. Compagnons de label (Village vert a vendu 200.000 exemplaires de La Tête en arrière de Luke), les quatre Luke et le trio Déportivo se sont lancés mi-octobre dans la plus explosive confrontation rock de cette fin d’année. Sur scène, les deux formations post-ado et néo-punks alternent l’ordre de passage et enchaînent des titres à la concision impeccable - l’album de Déportivo, Parmi eux, n’excède pas 28 minutes, celui de Luke dure cinq minutes de plus.

Les plaintes rauques de Thomas, chanteur de Luke, évoquent toujours la voix de Bertrand Cantat, les mélodies expertes de Déportivo s’affadissent en live, mais le résultat est là : un concert volcanique de 2h30 , expédié dans l’urgence et au premier degré. Avec des reprises surprises lorsque les deux groupes défient les Pixies et speedent Dutronc.

Les tournées communes ne sont pas fréquentes. Vous avez placé la votre sous le signe de la fête, avec des reprises assez inattendues ...
Luke : Ce qui a primé, c’est le bonheur d’être ensemble sur scène. Cela autorise aussi de nouveaux arrangements sur les reprises. On a beaucoup tâtonné là-dessus. Au final, On nous cache tout de Dutronc correspond bien à cette tournée, puisqu’il y a de la dérision et du sens. C’est rare en français d’être sérieux et déconnant à la fois.

Déportivo : Reprendre à neuf Dutronc, dans l’énergie du concert, ça passe très bien. Les deux batteries apportent aussi un côté visuel important, ça en impose, notamment pour les Pixies, un groupe qui a beaucoup compté pour nous.

Un groupe que vous ne reprenez pas mais qui plane sur le concert, c’est Noir Désir. Est-ce difficile de faire du rock aujourd’hui après eux ?
Luke : Noir Désir est un des groupes qui a inventé la grammaire rock française. Les médias croient toujours que le rock qui s’inspire des années 90 est douteux, mais c’est un processus naturel. Les musiciens capables de faire de la musique ex-nihilo, ça n’existe pas. Contrairement aux Etats-Unis ou à l’Angleterre, chez nous, Noir Désir est l’un des seuls groupes de rock importants, avec Téléphone, les Louise ou la Mano. C’est donc naturel que les références sautent aux yeux. Mais ce n’est pas parce qu’on utilise leur grammaire qu’on utilise le même style.

Déportivo : On a bien sûr beaucoup écouté Noir Désir, mais on a pompé sur d’autres trucs. Le mérite de Noir Dés’, c’est surtout d’avoir réussi à faire sonner la langue française avec les guitares.

 

 Est-ce qu’il y a un complexe indépassable à faire du rock en français ?
Déportivo : Non, c’est possible, mais compliqué. J’adore faire du rock, mais rien que la phrase "Je fais du rock français" me fait marrer ! C’est dérisoire, mais il faut l’assumer sans complexe.

Luke : La question que je me pose toujours, c’est le lien avec ma culture. On fait de la musique dans une démarche de communication avec les siens, c’est fondamental. On est un peu des griots. Si je parle aux Français de Paris en 2005 et que je le fais en anglais, je casse le lien. Plus généralement, je ne comprends pas pourquoi en France on est toujours un peu dans un second degré avec les gens qui chantent en français, pour la simple raison que commercialement on est moins puissants. On devrait nous défendre beaucoup plus finalement.

La principale différence des groupes français avec, par exemple, les groupes belges, qui percent en anglais, tiendrait à la langue ?

Déportivo : Il nous suffit d’écouter du rock en espagnol ou en allemand pour comprendre ça. Cela dit, il y a aussi un problème lié aux mélodies. Loin des chansons de Brassens, une grande partie de la musique française actuelle est, question mélodie, extrêmement pauvre. Les gens ne s’en rendent pas compte et c’est normal, car lorsqu’on écoute une chanson, on se concentre d’abord sur le texte. Mais à force, on s’est habitué et les mélodies n’y ont rien gagné ...

Vous posez des constats assez pessimistes. De votre point de vue, quelle place occupe le rock aujourd’hui en France ?
Luke : La culture française n’est pas rock, elle est chanson et variété essentiellement. C’est donc difficile en France de percer pour un groupe. Mais parfois il suffit d’une locomotive, d’un groupe comme les Strokes aux Etats-Unis, qui cartonne et va entraîner dans son sillage plein d’autres artistes.

Déportivo Parmi eux (Village Vert) 2005
Luke La Tête en arrière (Village Vert) 2004