Le slam des Nubians
Deux ans après One Step Forward, les Nubians sortent un projet qui leur tenait à cœur : Echos, un album de poésie urbaine réalisé entre Paris, Bordeaux, Marseille, New York, Londres et San Francisco, avec des jeunes poètes(ses) français et américains. Malgré leur centaine de milliers d’albums écoulés dans le monde, Célia et Hélène ont mis cinq ans à pouvoir commercialiser ce projet, au pied du mot. Rencontre.
Echos Chapter One
Deux ans après One Step Forward, les Nubians sortent un projet qui leur tenait à cœur : Echos, un album de poésie urbaine réalisé entre Paris, Bordeaux, Marseille, New York, Londres et San Francisco, avec des jeunes poètes(ses) français et américains. Malgré leur centaine de milliers d’albums écoulés dans le monde, Célia et Hélène ont mis cinq ans à pouvoir commercialiser ce projet, au pied du mot. Rencontre.
RFI Musique : Votre voyage en Egypte pour le passage à l’an 2000, est il le point de départ de Echos, projet (afro)futuriste ?
Hélène : En allant en Nubie, sur le Nil, j’ai assemblé les pièces d’un puzzle en entamant une réflexion autour de notre parcours, après une tournée américaine où nous avions invités des poètes sur scène dans chaque ville. J’avais été touchée par leur poésie, par ces découvertes de personnalités si différentes, de niveaux de langage. C’est pour ça que le projet s’appelle Echos, qu’il est bilingue, entre deux cultures. Face à la vivacité de cette scène américaine, j’avais l’impression de découvrir que l’on pouvait faire de la musique autrement, pas seulement en écrivant des chansons, mais remettant la musique au service des mots, comme la musique peut porter un film.
Ce projet sort bien longtemps après ce voyage ?
En août 2000, je suis partie aux Etats-Unis pour enregistrer les voix des poètes, puis j’ai proposé le projet à ma maison de disques qui est restée très réticente, ne comprenant pas ce que l’on voulait faire. Ils disaient que ce disque ne serait pas viable commercialement, alors qu’aux Etats-Unis, notamment depuis le succès de Saul Williams, le "Spoken Word" a vraiment un public, sa propre catégorie aux Grammy Award, etc. On est donc reparti seules à Marseille pour tisser les musiques autour des textes. Avec Mounir Belkhir, DJ Wamba et Yogi, on s’est plongé pendant trois mois dans cette poésie, en essayant juste de la mettre au service des mots.
Puis, ce fut le parcours du combattant pour trouver des partenaires français, pensant que ce projet qui voulait remuer la langue française, pouvait intéresser. Une fois encore, ce furent les Etats-Unis qui m’ouvrirent leurs portes. Pourtant, le slam avait fait du chemin en France. Entre la réalisation d’Echos en 2000 et la sortie du disque aujourd’hui, Célia et moi avons sorti un autre album qui annonçait celui-là. Nous avons aussi monté un slam opéra avec des artistes, comme Grand Corps Malade ou Delphine II. Ce spectacle mêlait stylisme, slam, musique et danse, et voulait encore de rendre la poésie moins académique, moins élitiste.
Echos est lié à votre collectif Les Nouveaux Griots, créé à Bordeaux il y a 10 ans ?
Les Nouveaux Griots visent la promotion et la diffusion des cultures urbaines et métissées grâce à des passerelles entre gastronomie, concerts, les rencontres et ateliers. On a organisé un concert du collectif Vibes Cameleon, avec Razel, membre du groupe de rap américain The Roots. Ce concert a été un choc. Le public était réceptif à ce spectacle interactif. On découvrait que cette poésie pouvait vibrer autrement en live.
Vous avez découvert le slam grâce aux Américains ?
Je préfère le terme de poésie urbaine au slam, qui décrit à l’origine les joutes oratoires. J’ai toujours cherché cette poésie en moi, toujours aimé les mots. A l’école primaire, j’adorais déjà les récitations. En France, j’ai l’impression que cette scène est encore en construction, elle commence vraiment à trouver son public. Peut-être que prochainement les maisons de disques trouveront la poésie rentable.
Sur Echos, il y a des artistes peu connus comme les poètes Souleyman Diamanka ou John Banzaï. Pourtant vous aviez pensé inviter des rappeurs plus illustres ?
Au départ, on avait proposé à Kery James, mais il était en pleine remise en question. Saul Williams aurait dû lui aussi venir, mais il devenu papa le jour de l’enregistrement. On a travaillé avec d’autres artistes très talentueux. Les Américains ont été recrutés grâce à internet et aux emails. On a lu et écouté des maquettes pendant des jours avant de décider qui pourrait venir sur scène pendant notre tournée, puis selon les rencontres et les coups de cœur, quelques personnalités se sont imposées pour le disque. Oxmo Puccino nous a rejoint sur scène au Bataclan. Il ne savait pas trop comment se positionner, s’il devait rapper ou pas, je crois que ça l’a bouleversé. Il nous rejoindra peut-être sur le prochain volume d’Echos.
Cet album, porté si longtemps, est-il différent des autres pour les Nubians ?
Non. Dans nos musiques, il y a toujours eu une vibration et une spiritualité issues de ce que nous défendons. Comme dit Souleyman Diamanka, "l’inspiration est un ange qui vient chuchoter à ton oreille". Dans la musique ou la poésie, il y a toujours une dynamique qui nous échappe : cette liberté d’esprit qui fait que la musique et les mots apaisent.
Nubians Echos (Naïve) 2005