Africando
L’Afrique s’empare de la salsa. Chantée en wolof, en mandingue, en bambara, en swahili, en fon, bref en langues africaines, elle rayonne, triomphante de rythmes et de flamboiements cuivrés. Rencontre avec Ibrahima Sylla, producteur d’Africando, un défilé de stars africaines éprises du tempo latino, dont le nouvel album collectif « Betece » est un formidable prétexte à danser.
Aller-retour entre l'Afrique et Cuba.
L’Afrique s’empare de la salsa. Chantée en wolof, en mandingue, en bambara, en swahili, en fon, bref en langues africaines, elle rayonne, triomphante de rythmes et de flamboiements cuivrés. Rencontre avec Ibrahima Sylla, producteur d’Africando, un défilé de stars africaines éprises du tempo latino, dont le nouvel album collectif « Betece » est un formidable prétexte à danser.
RFI : Depuis quand êtes-vous installé en France ?
Ibrahima Sylla : Je suis d’abord venu à Paris en 1974 pour étudier la gestion et le droit. Puis je suis reparti au Sénégal où j’ai commencé à faire de la production avec des associés. En 1980, j’ai décidé de me lancer en solo et trois ans plus tard je suis retourné en France pour commencer à y produire des artistes. J’ai commencé dans le métier en produisant des Sénégalais, puis de la musique cap-verdienne, des Congolais, Alpha Blondy… J’ai monté mon propre label Jambaar (en wolof cela signifie « guerriers ») en 1979. C’est devenu ensuite Syllart Productions et en 1992 j’ai créé le label Africando.
Les musiques africaines ont-elles d’après vous le même potentiel de développement aujourd’hui en France qu’il y a quelques années ?
La vague est retombée. Elle a connu son âge d’or ici dans les années 80. La décennie suivante a été beaucoup plus difficile. Moi, l’avantage que j’ai eu, par rapport à d’autres, c’est que j’ai toujours gardé mon marché africain et que j’ai produit des artistes de toutes origines, pas seulement sénégalais, mais également maliens, ivoiriens, congolais, guinéens, camerounais. J’ai découvert des marchés, vendu des licences... A Dakar, le nouvel Africando s’est vendu déjà à 30.000 exemplaires en cassettes, sans compter les pirates. On peut multiplier le chiffre par cinq. Il marche très fort dans les pays d’origine des chanteurs qui y ont participé, le Mali,la Guinée, le Bénin. En dehors de l’Afrique, depuis 90-91, le fléchissement des ventes de musiques africaines constaté en France et au Japon, où cela marchait bien également dans les années 80, est compensé par l’ouverture d’autres pays comme l’Angleterre, la Hollande, l’Italie, l’Allemagne ou les Etats-Unis aujourd’hui. On y a vendu plus de 200.000 exemplaires du deuxième Africando.
Vous préférez enregistrer les artistes dans un studio parisien ou en Afrique ?
Vu les coûts des billets d’avion, des hôtels et les difficultés pour obtenir les visas depuis une dizaine d’années, mieux vaut enregistrer 75% de l’album là-bas et puis venir ajouter certains éléments et mixer à Paris.
RFI : Le nouveau disque d’Africando a été enregistré, lui, entre l’Afrique, Paris et New York.
I. S. : Contrairement aux quatre précédents, on a fait toutes les voix à Paris, Dakar et Abidjan sur un piano avec un home-studio. J’ai emporté les bandes à New York. On a effacé le piano et les musiciens latino-américains ont enregistré en live par-dessus les voix.
Un groupe à géométrie variable (le nombre des chanteurs s’est encore agrandi) regroupant des artistes éparpillés, peut-il avoir une existence à la scène ?
Africando s’est déjà produit en public par le passé. Quant à la formule actuelle, nous avons un projet de concert le 8 juin au Zénith à Paris avec, autour des chanteurs, des musiciens latinos qui vivent en France, plus trois ou quatre que l’on fera venir de New York et des invités qui ont participé au disque comme Salif Keita ou Koffi Olomidé.
Il y a un certain nombre de reprises sur cet album.
Sur treize titres, il y a quatre reprises : Sey , interprété par Thione Seck, Ntoman par Salif Keita, Doni Doni et Mandali. Tout le reste ce sont de nouveaux morceaux, composés et arrangés par Boncana Maïga.
RFI : L’aventure Africando dure depuis 1993, avec la sortie du premier album, Trovador , comment tout cela a-t-il commencé?
I. S. : L’idée est partie de moi. J’écoute de la musique cubaine depuis longtemps. Au Sénégal, on dansait là-dessus dans les années 60-70. Je me suis constitué une collection de disques lorsque j’étais étudiant en France. J’ai aujourd’hui 6000 disques cubains, dont des raretés. Quand j’ai commencé à faire de la production, des amis m’ont demandé pourquoi je ne produisais pas de la musique afro-cubaine. Je me suis dit un jour « Pourquoi pas ? » mais je vais le faire avec des Africains. J’en ai parlé à Boncana Maïga qui connaît bien aussi cette musique, a vécu à Cuba. On a décidé d’aller enregistrer à New York. J’ai emmené trois chanteurs sénégalais, Pap Seck, Nicolas Menheim, Medoune Diallo.
Hormis ceux qui sont présents (Lokua Kanza, Salif Keita, Thione Seck, Bailly Spinto, Koffi Olomidé…), vous aviez pensé à d’autres invités sur ce cinquième album ?
Oui, Sam Mangwana par exemple. Hélas il nous a fait faux bond. Sur le prochain, peut-être dans deux ans, il y aura Ismaël Lô, Papa Wemba et Carlos Santana. Les titres sont d’ores et déjà enregistrés.
Africando Betece (Syllart Productions / Musisoft)