Eiffel se remet en scène
Répétition avant tournée
Pendant deux ans et demi, Eiffel s’est accordé un break. Le 9 novembre, la bande à Romain Humeau revient par la scène. Elle débute une mini-tournée très rock, qui servira de préambule à la sortie de son troisième album studio : Tandoori. RFI Musique a retrouvé à Bordeaux un groupe recomposé autour du couple Humeau et d’une nouvelle section rythmique. Reportage.
Tout est calme ce mercredi matin. Dans la cour intérieure qui jouxte la Rock School Barbey et l’auberge de jeunesse du même nom, il y a bien deux ou trois rangées de voitures, …
Romain Humeau, le chanteur, auteur, compositeur, arrangeur d’Eiffel est là, assis sur une chaise de jardin. Il discute avec Manu Rancèze, l’un des programmateurs des lieux, des moments passés en studio avec Alain Bashung, début 2006. "Ça en est où, d’ailleurs, ce nouvel album ?" demande Manu. "Je n’en sais rien, je suis resté deux mois en studio avec lui, j’ai donné tout ce que j’avais à donner, après…" répond Romain.
Une fois passés le bar, les vitres recouvertes d’affiches en tous genres, l’escalier sombre, tagué par endroits, le théâtre Barbey se dévoile. Il s’agit d’une salle d’environ 800 places, au sol usé par les pas et les cigarettes écrasées, avec fosse et gradins en pente. Sur scène, Estelle Humeau, clavier et guitariste d’Eiffel, en termine avec la nouvelle disposition des amplis. Depuis la veille, Eiffel est en résidence. Comprenez qu’ils effectuent, "on stage", les derniers réglages pour la mini-tournée (1) qui doit précéder la sortie de Tandoori, leur troisième album studio. "On fait tout en même temps, explique Estelle, dans un sourire. Régler les lumières, répéter les nouveaux morceaux, apprendre à se connaître." Deux nouveaux membres viennent tout juste d’intégrer Eiffel : la bassiste Hugo Cechosz, qui tournait déjà avec Romain Humeau pour son album solo et le batteur Christophe Gratien. Complices depuis une bonne dizaine d’années, les deux ont la blague facile. Mais n’en demeurent pas moins sérieux dès qu’il s’agit de travailler à la pré-tournée (1). "On n’a jamais été aussi vite" constate Estelle.
Tandoori. Il est quelque chose comme midi moins le quart. Christophe cogne sur le temps, Romain lance sa tête en arrière et chante Saoul, l’un des titres de Tandoori. "On est oùùùùùù ? Moi, je suis saouuuul !" Les guitares sonnent très pop. C'est joué à un tempo moyen, et ça vous colle aux neurones comme chewing-gum au palais. Visiblement, cela ne pose aucun problème à mettre en place. Seul détail qui cloche : à chaque mouvement, la Telecaster noire de "Roro", comme on le surnomme, produit un craquement. François, le régisseur/backliner/ingénieur du son retour, une sorte de force tranquille avec des cheveux qui tombent sur les épaules, un petit anneau à l’oreille gauche et une allure générale qui rappelle un de ces hard rockers qui marquèrent la fin des années 70, prend en main la guitare, tente une réparation, mais rien n’y fait. Romain jette un œil derrière son ampli, essaye de débrancher un fil, d’enlever une de ses pédales. En vain. Christophe lance, rigolard : "On va manger, on va fluncher". Le repas tourne autour d’une contrepèterie. Un ami a fait remarqué que si l’on inverse les syllabes, les Yeux Fermés, cela donne les "œufs fermiers". Romain : "J’aime bien les jeux de mots miteux, j’en fais souvent. Dans Versailles (ndlr : l’un des premiers titres d’Eiffel), il y avait une contrepèterie. J’aime aussi la notion de bug dans l’écriture, quand ça part dans tous les sens." Penché sur son ordinateur portable, Hugo se risque, sous le regard des autres membres du groupe, à réaliser une maquette pour le livret de l’album. Et Romain de préciser : "La maison de disques ne nous a présenté que des trucs nazes. On veut juste prouver qu’on peut arriver à quelque chose de bien. Dans ce domaine-là, il faut être dictatorial. Si l’on n’a pas la liberté de faire ce qu’on veut avec nos disques, qu’est-ce qui nous reste ?" Le soir même, le groupe obtiendra gain de cause.
Ex-fan des Pixies. Les spots sont en place. Derrière sa console, Stéphane, l’éclairagiste, qui a aussi officié sur la tournée Des visages, des figures de Noir Désir, peut jouer avec les blancs et les rouges. "N’hésite pas à mettre un peu de dérision dans tes lumières" lance Romain. Qu’ai-je donc à donner ?, une ballade dans la veine des Yeux Fermés, que l’on aurait bien imaginé flanquée d’une guitare acoustique, s’apprivoise à l’électrique. Une intro en forme de chaos sonore, c’est Paris Minuit, un titre qui évoque Les écorchés vifs de Noir Désir. Ce que Romain assume : "Bien sûr, en matière d’écriture en français, j’ai deux maîtres : Brel et Bertrand Cantat. Mais il n’y a pas que ça. J’ai aussi été influencé par les Pixies, les Stooges, John Lennon. Ma chanson préférée, c’est I am The Walrus des Beatles."
Hype, un classique du répertoire d’Eiffel, demeure toujours aussi efficace, malgré les deux années et demi de break. Hugo est posté derrière une contrebasse électrique aux formes effilées : Dispersés. Une chanson intimiste de deux minutes trente qui dit : "J’étais parti en miettes, pour mieux me retrouver." Il s’agit là de l’un des plus beaux morceaux d’un Tandoori qui s’annonce d’ors et déjà très guitare. Et d’une pré-tournée de deux mois pendant laquelle Eiffel, partagera pour quatre dates l’affiche avec un autre groupe, les chansonniers des Hurlements d’Léo. Il est vingt heures trente. C’est la fin d’une journée de répétions en scène.
Bastien Brun
(1) La pré-tournée d’Eiffel commencera le 9 novembre au Chabada, à Angers.