Un autre Faudel

Après une parenthèse discographique de deux ans, Faudel revient sur le devant de la scène avec Un autre soleil, un troisième album, en français, et en forme de nouveau départ. Il nous en parle.

Le soleil brille pour tout le monde.

Après une parenthèse discographique de deux ans, Faudel revient sur le devant de la scène avec Un autre soleil, un troisième album, en français, et en forme de nouveau départ. Il nous en parle.

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Ce recueil de douze nouvelles chansons surprendra peut-être ceux qui le voyaient l’artiste du Val-Fourré en successeur de Khaled et Rachid Taha (avec lesquels il partageait la scène lors du concert 1,2,3 soleils) : jadis bombardé «petit prince du raï», Faudel emprunte aujourd’hui le registre d’une gentille variété aux accents méditerranéens et choisit de s’exprimer en français. Une réorientation artistique de rigueur, à l’heure où le raï fait moins recette.

Annoncé à demi-mot par sa maison de disques comme l’album de la maturité, comme le tournant dans la carrière d’un Faudel aujourd’hui père de famille et n’hésitant pas à «s'impliquer à tous les niveaux, aller enfin au bout de ce qu’ [il] veu[t]» , Un autre soleil marque en tous les cas une évolution notable dans la jeune carrière de l’artiste. Si avec Samra, son précédent album paru en 2001, le natif du Val-Fourré semblait afficher des ambitions mondialistes (production confiée au New-Yorkais Goh Hotoda, invité ensoleillé du salsero Yuri Buenaventura… ), la couleur de cette nouvelle sortie apparaît un rien plus modeste, et essentiellement tournée vers le marché français.

Peut-être lassé de s’entendre dire par les esprits chagrins qu’il bradait les rythmes de ses aînés avec un raï light, Faudel semble, avec ce troisième opus, redéfinir les contours de sa musique -ou tout au moins ses ambitions artistiques. Et de livrer un nouvel album ouvertement grand public, moins par souci de tourner le dos à ses premières amours musicales, de s’affranchir du carcan exotique vers lequel il semblait s’orienter, que dans une optique légitime d’opération séduction en bonne et due forme …C’est peu ou prou ce qu’indique le visuel d’Un autre soleil, qui montre un Faudel bien mis, en panoplie légèrement «fashion victim», l’oeil séducteur et le cheveux en broussaille stylisée, assis sur un pavé qu’on imagine volontiers parisien… Soit l’image d’une world-music domestique, consensuelle, et surtout inoffensive.

L’écoute des titres d’Un autre soleil semble confirmer la nouvelle direction prise par l’ex-petit prince du raï, lequel délaisse volontiers le «francarabe» des débuts pour des textes dans la langue de Molière et Pascal Obispo. Manière de transgresser les barrières du communautarisme ou de revoir à la baisse ses velléités d’exportation, l’option n’empêche néanmoins pas les titres de cette nouvelle livraison de se montrer régulièrement inoffensifs, à l’image de Je veux vivre, premier extrait de l’album, bluette gentiment naïve teintée de positivisme bon marché («je veux vivre pour manger tous les livres/je veux vivre pour connaître les enfants/ de mes petits enfants/ pour atteindre 100 ans/ pour atteindre 1000 ans pour être heureux et ivre»). Ni d’empêcher Faudel de recycler le fond de commerce de la nostalgie facile, comme un Solaar en panne d’inspiration dansJe cherche ( «je me souviens et c’est pas difficile/ du linge qui séchait au soleil sur un fil/ et le visage de ma mère sur un air du pays»).

Certes, on ne peut taxer Faudel d’incohérence, lui qui a toujours revendiqué sa double culture, et un style puisant ses racines au Maghreb, mais également tourné vers l’Occident. A cet égard, Un autre soleil, qui s’hispanise sous l’influence de Stéphane Mélino des Négresses Vertes, s’offre un détour du côté du reggae sur Manuja, et convoque les spécialistes es-pop orientale Zen Zila ou la plume du Toulousain Magyd Cherfi (Zebda), est dans la droite ligne des premiers albums. On ne peut néanmoins s’empêcher de penser que l’essoufflement du raï, dont les artistes rassemblaient il y a encore peu un large public (voir pour s’en convaincre le succès du concert 1,2,3 soleilsen septembre 98 : 15.000 spectateurs et des ventes flatteuses pour le disque assorti) est le moteur essentiel de ce changement d’orientation.

Un autre soleil apparaît donc plus comme un album de transition que comme l’affirmation d'une maturité supposée – ce qui n’enlève d’ailleurs rien au professionnalisme de son auteur. Faudel cherche. Se cherche serait-on tenté de dire, et certaines pistes sont à ce titre non dénuées d’intérêt. Mais cet honnête album de variété, digeste, plaisant à défaut d’être inoubliable, semble n’être qu’une étape dans la définition de l’identité du raïman de Mantes-la-Jolie. Affaire à suivre donc…

Un autre soleil (Mercury/Universal).
Faudel repart en tournée le 21 octobre avec un passage parisien au Bataclan du 7 au 9 novembre.