Tom Novembre, le chanteur

On aurait tendance à prendre Tom Novembre pour un revenant. Grave erreur... Ces dernières années, dans un film ou sur une scène, le Lorrain n'a jamais cessé de pratiquer son métier : comédien, auteur, compositeur, interprète... Aujourd'hui, certes 15 ans après le dernier, c'est à travers son disque Bande de pions qu'il est dans l'actualité. Et demain ?

Une bande d'artistes à lui tout seul.

On aurait tendance à prendre Tom Novembre pour un revenant. Grave erreur... Ces dernières années, dans un film ou sur une scène, le Lorrain n'a jamais cessé de pratiquer son métier : comédien, auteur, compositeur, interprète... Aujourd'hui, certes 15 ans après le dernier, c'est à travers son disque Bande de pions qu'il est dans l'actualité. Et demain ?

Cinéma, télévision, comédie musicale, théâtre, one man shows, chanson…, Tom Novembre n'a pas chômé depuis ses "débuts" à l'aube des années 80. En 1978, le jeune Jean-Thomas Couture alias Tom Novembre (son mois de naissance) monte son premier spectacle, Deux hamburgers pour le quatre. Six suivront entre 1980 et 1996 dont certains co-écrits avec son aîné CharlElie. Entre 82 et 90, il sort aussi quatre disques et se forge vite une image déroutante pour le public (dans quel tiroir le ranger ?…) et peut-être aussi pour lui-même (où vais-je ?…). Finalement, avec patience, Tom Novembre se construit une carrière à choix multiples, sans hiérarchie, là où le vent l'appelle. Dans les années 90, il tourne plus de 20 films. En 2001, il est sur scène avec son spectacle "Faut faire avec". En 2002, il retrouve les studios et nous présente son nouveau disque, Bande de pions. Dix titres à l'image de leur auteur, à la fois intemporels et dans l'air du temps. Cela valait bien une petite causerie :

RFI Musique : Pourquoi tant de temps depuis le précédent album ?
Tom Novembre :
J'ai commencé à démarcher il y a plus de cinq ans donc l'échéance n'est pas forcément que de mon fait. Ces dernières années, j'ai plutôt fait l'acteur. Quand je chantais, j'avais l'impression d'usurper ma place. Je prétendais être un acteur qui chante. J'ai donc décidé de clarifier un peu la situation et j'ai continué pendant une dizaine d'années à écrire des chansons dans mon coin sans pression ni échéance. Puis j'ai commencé à démarcher mais le paysage a évolué.

Même quand on s'appelle Tom Novembre ?
Oui, je suis très bien reçu, on m'écoute mais on ne me rappelle pas. L'argument principal, c'est le manque d'argent… Et on m'a aussi proposé de chanter les chansons des autres. Là je me suis mis à tiquer… Donc, j'ai monté mon propre spectacle Faut faire avec qui raconte l'histoire d'un mec livré à lui-même qui veut y croire quand même. Finalement, c'est un label de Besançon, Note A Bene qui a pris le risque.

Est-ce un risque de produire Tom Novembre aujourd'hui ?
Pour eux, oui. Pour moi non, j'avais eu le temps de mûrir tout ça et je savais comment gérer les différentes étapes. J'espère simplement que cet album aura un accueil qui me permette de faire le suivant plus vite et plus confortablement.

Certaines chansons ne sonnent-elles pas un peu "années 80" ?
C'est vrai que certaines ont plus de quinze ans. Mais j'ai gardé celles qui ont résisté au temps et la plupart ont moins de cinq ans.

Votre nom n'évoque pas toujours un profil précis pour les gens ?
Il y a des gens qui me connaissent comme chanteur, d'autres comme acteur, d'autres comme frère de, peu importe. Ce qui créé un léger flou artistique c'est le fait que je passe d'un secteur à un autre pour m'aérer.

Est-ce aussi flou pour vous ?
Moins maintenant. Mais fondamentalement, j'ai toujours su où j'allais, je change de véhicule mais pas d'objectif.

L'objectif d'être un artiste ?
Oui mais j'ai du mal avec ce mot parce qu'il est utilisé à tort et à travers. Mais je pense avoir envie que l'artiste soit là où le commerce est moins prioritaire. Peut-être s'agit-il de laisser une trace, même éphémère mais plus intéressante dans le cœur des gens. Et l'objectif c'est aussi la notion de qualité dans le trait, le geste ou le verbe. Et la notion d'art est si vaste. Certains cuisiniers frôlent le domaine de l'art. Ils ont même les mains dedans…

Vous avez convié beaucoup d'amis sur le disque dont Faudel. Pourquoi lui dont l'univers semble loin du vôtre ?
Faudel, je l'ai croisé sur le tournage de Jésus de Serge Moati en 99. Il est chaleureux, ouvert, souriant. Et pour la chanson Faut faire avec, je ne voulais pas une couleur fataliste, je voulais créer une communauté de voix avec des gens comme Princess Erika, Faudel, M ou Kent.

Kent est un peu comme vous, un homme polyvalent ?
Kent, il ne s'éparpille pas, il se diversifie mais il garde son cap, sa franchise. Ils ont tous ça en commun, les guests de l'album, Dieudonné, Ged Marlon. Ils ont tous un parcours autonome, intègre, ils se débrouillent avec le système, avec des hauts et des bas, et n'oublient pas qu'on navigue dans le précaire. J'appelle tout ça de la variété alternative. Chacun dans sa couleur, tous ces gens veulent faire varier le paysage. Comme disait Guy Bedos il y a plus de 20 ans déjà, ce n'est plus de la variété si tout est pareil…

Vous parlez de variété alternative par rapport au système actuel ?
Oui ! Il est temps de repenser à faire de la chanson pour les plus de 14 ans. C'est ce qui me frappe. Il n'y a pas que les 8-16 ans qui aiment la musique et les autres sont sacrément frustrés ces temps derniers. Aujourd'hui, le système est très cynique. A la télé, on vous montre tout de A à Z et à la sortie on vous vend ça comme du hamburger. Pour un tout jeune musicien qui ne fonctionne pas comme le système, ça doit être désespérant. Il n'y a aucune prise de risque dans les majors. Et elles sont dirigées par des consortiums étrangers qui se foutent de notre culture. Ils ont des objectifs annuels et voilà. Ce qui m'énerve aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas moins d'argent mais que moins de gens en profitent.


Je vous sens morose ?

Non, juste râleur. Le fait que les gens ne réagissent pas dans de nombreuses situations peut me rendre mélancolique, oui. Quand j'ai l'impression que les gens sont manipulés, c'est peut-être mon boulot d'artiste de dire "attention !", de les aider à formuler des choses qu'ils ne peuvent pas exprimer d'eux-mêmes. C'est aussi pour ça que je suis très intéressé par le pouvoir médiatique emballé dans de la bonne humeur, et pourtant, quelle influence !

Votre route a parfois croisé celle de votre frère CharlElie ?
J'ai pris des distances avec mon frangin mais je n'ai pas rompu. Chacun a défini son périmètre. Il y a une zone commune mais chacun défend sa propre histoire et c'est caractéristique dans la chanson qu'on chante ensemble, Ceux du matin. Il m'a appelé en me disant que la chanson était super et quand il est arrivé en studio, il avait écrit sa partie, les réponses à ce que j'avais écrit. Donc, ce que je pensais chanter en duo était devenu un dialogue. Au milieu on s'y retrouve.

N'êtes-vous pas victime du syndrome Helena Noguerra qui est parfois fatiguée qu'on lui parle de sa sœur Lio ?
Je comprends son point de vue parce que je suis passé par là. Le problème vient des médias qui raccourcissent tout. Ça m'énervait autant autrefois qu'on me dise que j'avais des airs de Louis Jouvet ou de Buster Keaton. Moi c'est moi !

Vous avez fait l'expérience de la comédie musicale dans la Légende de Jimmy en 1990. Aimeriez-vous réitérer ce travail de troupe ?
A l'époque, j'avais accepté la demande de Michel Berger parce que le projet était intéressant : Jérôme Savary à la mise en scène, une belle troupe, une belle salle, Mogador. Mais aujourd'hui non, ça ne me chauffe pas. Il faudrait que le sujet soit excitant et la construction culottée. En tant que spectateur, je ne suis déjà pas fan de comédie musicale, même les américaines qui sont super bien léchées. Ça me déroute toujours un peu qu'un mec qui parle comme je vous parle se lève pour (il se met à chanter) vous dire la même chose mais avec une mélodie qui n'a plus rien à voir avec un ton naturel.

Vos spectacles sont pourtant musicaux ?
Oui, surtout le dernier. Il parle d'un chanteur qui prépare son tour de chant chez lui dans son garage pour le web. Ça me permettait de mélanger des sketches, des saynètes qui racontent d'où viennent les chansons sans faire des explications de texte du genre : "La chanson a été écrite un matin d'hiver où ça n'allait pas bien…" On s'en fout ! Ou alors il faut une vraie anecdote. Donc le spectacle s'est construit autour des chansons. C'est une espèce de prologue qui m'amène à faire le disque, le disque m'amenant à la scène.

Cette entrevue est publiée sur Internet. En êtes-vous un utilisateur averti comme votre frère ?
Lui, c'est un précurseur, il a fait un des premiers sites d'artiste. Il m'exhorte tout le temps à y mettre les pieds. Mais moi je m'intéresse à ça de loin. Je suis plutôt jeux vidéo. Je n'ai une adresse mail que depuis un mois et comme j'ai un très vieil engin, je ne peux même pas lire tout mon courrier. Il faut donc que je vende des disques pour me racheter un ordinateur…

Tom Novembre En Chanteur à l'Européen (Paris) du 24 mars au 12 avril 2003.

* Allusion aux émissions de télé-réalité, Star Academy ou Popstars.