Patrick Saint Eloi à son Zénith

Un concert et un best of

L’ancien chanteur de Kassav', icône du zouk love, s’installe samedi 16 juin dans la salle historique des plus grands événements de la musique antillaise à Paris, le Zénith, pour accompagner la sortie de son double-CD Zoukolexion vol. 1 qui revient sur presque vingt-cinq ans de tubes.

Il y a vingt-deux ans, Patrick Saint Eloi foulait la première fois la scène du Zénith de Paris. A l’époque, il était un des chanteurs de Kassav', le groupe fondateur du zouk, qui entamait sa conquête de la francophonie tout entière – Dom-Tom, métropole, Afrique et océan Indien. Demain, le 16 juin, il retourne au Zénith, mais avec son nom seul sur l’affiche, cette fois-ci : Patrick Saint Eloi a quitté Kassav' il y a quatre ans et vole maintenant de ses propres ailes.

Juste avant de conquérir ce qu’il appelle "le temple du zouk", il vient de sortir Zoukolexion vol. 1, double CD de compilation de ses grands tubes, dont une bonne partie ont fait le plaisir des spectateurs de Kassav' pendant des lustres. Car une des singularités du groupe antillais est de permettre à ses membres de publier des disques sous leur propre nom, et ce dès les premières années. "Nous avions remarqué que certains de nos plus gros tubes étaient sur les albums en solo et non sur les albums du groupe. Nous étions très prolifiques, nous avions tellement d’idées que ça débordait." Ainsi, Jocelyne Béroard a sorti ses chansons les plus célèbres (Siwo, Kaye Manman, Milans) sur ses disques solos.

Zouk lover

Dans Kassav' et dans le paysage du zouk tout entier, Patrick Saint Eloi a été le premier des grands chanteurs spécialisés dans le zouk sentimental et romantique (même si chacun sait aux Antilles que le premier tube typiquement zouk love est une chanson de Jean-Philippe Marthély, également membre de Kassav'). Marqué par la grammaire du boléro cubain, de Beny Moré et Portabales à leurs héritiers des temps de la salsa triomphante, fasciné par la soul music, admirateur de Charles Aznavour, Saint Eloi va se bâtir d’année en année un répertoire qui fera le bonheur des amoureux (et des dragueurs) dans toutes les boîtes antillaises et africaines. Ballade kréyol, West Indies, l’immense Ki jan ké fè, H2O, Zié d’amour, Manman kréyol, Hello dous, Si sé oui font chavirer les cœurs (et pas seulement féminins). Sur ses slows implacablement rythmés, sa voix haute, parfois proche du falsetto, exerce ses singuliers sortilèges.

Mais Patrick Saint Eloi est aussi un "ambianceur" hors pair. Pendant des années, c’est lui qui donne le la, avec Jean-Philippe "Pipo" Marthély, des séances de délire de masse si particuliers aux concerts de Kassav' : ensemble, ils orchestrent les grands mouvements de bras des spectateurs, les jeux de chœurs carnavalesques (et parfois très lestes), la furie des derniers instants de concert, lorsque des pluies de ballons et de confettis tombent des cintres. Pour ces moments-là, il écrit Chabon, Flash, Chiré, Son tambou la, Zouké, Palé palé ou Direksion, parangon de la composition à la Saint Eloi, enchaînant plusieurs motifs rythmiques implacables, plusieurs mélodies successives et des paroles de caractère.

De la soul au gwo ka

Car l’auteur-compositeur Patrick Saint Eloi s’est constitué un langage musical singulier, en puisant dans tous les genres les couleurs sonores et mélodiques les plus efficaces émotionnellement. Mais il ne se contente pas de faire tourner soul ou salsa sur une rythmique zouk : ce Guadeloupéen est fermement enraciné dans la musique de son île et surtout dans le gwo ka dont on entend souvent les tambours dans ses chansons.

Dans Zoukolexion vol. 1, il a tenu à ramener au jour  "des morceaux des premiers albums que l’on ne trouve plus dans le commerce", mais aussi à faire découvrir quatre nouvelles chansons. Un compromis entre le nouvel album et la compilation "normale" ? "Je n’ai jamais trop aimé le système du best of qu’on sort dès le deuxième album et qui n’apporte rien de neuf." Et il prévient déjà qu’on trouvera de nouvelles chansons encore dans Zoukolexion vol. 2, qui devrait paraître l’année prochaine.

Après le Zénith, il repartira aussitôt en Guadeloupe pour les concerts "au pays". Depuis son départ de Kassav', il avait joué à Paris à la Cigale, au Bataclan et à l’Olympia. On pourrait l’imaginer revenant au Zénith comme invité de Kassav' à leur prochaine tournée, puisqu’un album du groupe est annoncé pour la rentrée prochaine. Il répond que ce n’est "pas dans l’air".

Patrick Saint-Eloi Zoukolexion, vol.1 (Note Abene/Warner) 2007