Le vrai retour de Ceronne

Suite au carton l’an passé, de la compilation déguisée Cerrone by Bob Sinclar, l’icône incontestée des années disco revient en personne porter la bonne parole sur les dancefloor. Hysteria, son seizième opus, prolonge les hymnes "boule à facettes" de sa période seventies, tout en leur offrant un dépoussiérage électro. Rencontre avec le parrain français du night-clubbing.

Dancing Machine

Suite au carton l’an passé, de la compilation déguisée Cerrone by Bob Sinclar, l’icône incontestée des années disco revient en personne porter la bonne parole sur les dancefloor. Hysteria, son seizième opus, prolonge les hymnes "boule à facettes" de sa période seventies, tout en leur offrant un dépoussiérage électro. Rencontre avec le parrain français du night-clubbing.

Il reçoit dans les bureaux parisiens de son label Malligator, tapissés de ses authentiques Disques d’or et évoque au détour d’une conversation ses petits camarades Elton John ou Michael Jackson d’un air badin. Si Jean-Marc Cerrone a parfois de faux airs de producteur vieille école, il vit bel et bien la musique au présent. La scène électro qui pioche régulièrement dans ses compositions, ne s’y est pas trompée et voit en lui un modèle qui, bien avant la déferlante French Touch, s’est imposé hors des frontières françaises (son tube Give me love s’est vendu à huit millions d’exemplaires). Avec Hysteria, son nouvel opus composé avec l’aide de son fils DJ Grégory, Cerrone montre qu’il sait toujours composer efficacement ce qu’il appelle "la musique pour le corps

L’hystérie du titre, c’est celle qui va s’emparer des pistes de danse à l’écoute de cet album ?!
C’est un album concept, comme tous les albums que j’ai pu faire. Il se situe dans la lignée de mes quatre ou cinq premiers disques. Hysteria, c’est l’état hystérique dans lequel peut mettre la musique quand on est dans un night club. C’est dans la logique de ce qui s’est passé depuis un ou deux ans, à savoir le nombre de samples inclus dans une bonne quinzaine de tubes planétaires, de Lionel Ritchie à Mc Cartney en passant par Bob Sinclar, Modjo et Daft Punk. Ces samples correspondent à une période bien précise de ma carrière musicale.

Quand on vous entend évoquer certains noms de votre carnet d’adresse, on se dit qu’Hysteria aurait pu être bourré de featurings tous plus prestigieux les uns que les autres…
Je ne voulais pas faire ce que j’ai déjà fait dix fois, à savoir prendre trois éléments de Earth Wind & Fire ou de Yes. Tout le monde l’a fait, certains avec brio comme Quincy Jones, mais je trouve que ce sont finalement les albums les moins vivants, les moins excitants, malgré leur casting. Il n’y a plus de vie ! Personnellement, j’aurais plutôt souhaité aller vers les jeunes du moment, mais ça n’a pas été facile…A tel point qu’on n’a pas réussi à le faire ! Nos méthodes de travail sont trop éloignées. Il aurait fallu que je compose un morceau, que je leur donne, qu’ils emportent le morceau chez eux pour le remixer, pour enfin me le ramener... Je ne voulais pas de ça, et j’ai préféré leur confier des remixes en bonne et due forme. Travailler ensemble, ce n’est pas rester chacun dans son coin. Autant il n’y a pas de conflit de génération dans cette musique, autant il y avait là, non pas un conflit, mais une différence de façon de faire, une certaine incompatibilité.

C’est votre cachet old school ?
Je ne sais pas. Quand une rythmique est faite et qu’on décide avec mon équipe de poser des cordes, on le fait nous-mêmes. On ne va pas attendre le lendemain et revenir avec quarante disques pour sampler les cordes de Barry White, qu’on va ensuite bidouiller. Je ne sais pas faire ça, et puis je ne veux pas le faire. C’est également un processus créatif mais quel temps perdu, d’aller piquer un truc plutôt que de le jouer. Bien évidemment, ils ne savent pas jouer, ils sont DJs ! (rires). Ça ne met pas le talent de côté mais la façon de faire est différente.

Pour certaines personnes, Cerrone est automatiquement synonyme de disco, donc légèrement kitch, voire has been !
Moi, je n’ai jamais entendu dire que j’étais has been… J’ai plutôt entendu "provoc’", underground…En 76-78, quand je suis arrivé, je n’ai pas attendu La fièvre du samedi soir pour faire du I will survive, ou du Born to be alive. Quand tout cela est arrivé, moi j’ai arrêté. C’est quand les maisons de disques ont réalisé l’envergure du phénomène et l’enthousiasme du public qu’ils ont adapté des chansons pop à la sauce disco. Ça, c’est devenu très vite "has been". Je pense que si au bout de tant d’années je suis encore là alors que les autres n’y sont plus ou ne tiennent qu’avec leurs anciens succès, c’est que le public a su faire la différence. J’en suis même certain. C’est peut-être mon petit côté mégalo mais il faut toujours l’être un petit peu pour faire ce métier-là !

C’est en voyant des motifs disco réapparaître dans les musiques actuelles que vous avez décidé de faire Hysteria ?
Je n’essaie pas de me battre pour une éventuelle place à prendre… Après tant d’années de carrière et après avoir vendu tant de disques, je ne fais ça ni pour gagner de l’argent ni pour faire un disque de plus. Si ma carrière ne me permet pas aujourd’hui de faire un album pour me faire plaisir sans trop me poser de questions de marketing, sans me demander s’il va se vendre ou pas, ça ne sert à rien ! Quelle est la récompense, quel est le luxe ? Pour moi, c'est pouvoir faire un album. Evidemment, le but est qu’il plaise au plus grand nombre…

Etre une source d’inspiration pour la jeune génération est pour vous une forme de récompense ?
Bien sûr ! Ils vont piquer un univers de rythmiques, une sonorité… Quoi de plus élogieux que d’aller piquer votre son ? Moi, je trouve ça génial ! Ce n’est pas le cas quand je reçois cinq samples bouclés en un d’un Sir Paul Mc Cartney qui me dit "Je vous propose de faire 50-50" et qui par-dessus met ses voix de Goodnight tonight, l’un de ses plus gros tubes avec les Wings… Il faut se souvenir que dans les années 75-76, j’étais montré du doigt avec mes morceaux de seize minutes, basés sur une grosse caisse et un gimmick de basse alors qu’on était sur des clichés très précis de trois minutes et demi, avec des vraies mélodies - comme si les miennes étaient fausses… On m’appelait même le bûcheron ! Aujourd’hui, tout le monde bûcheronne et je suis samplé par l’un des Beatles… La boucle est bouclée !

Vous projetez d’emmener cet album sur scène très prochainement ?
J’ai prévu le 31 janvier prochain à l’Olympia à Paris de faire un spectacle concept, c’est à dire qu’on va faire tomber les murs, ouvrir de 22h à 6h du matin, transformer l’Olympia en night club, un peu comme à l’époque du Palace ou du Studio 54. Il y aura la présentation d’Hysteria avec des vrais musiciens, très certainement Nile Rodgers, mais aussi des DJs comme Bob Sinclar, David Guetta, Groove Armada… On va tout mélanger ! J’aimerais bien avoir du cirque aussi, des gens qui volent, un truc un peu fou comme il y avait à l’époque. Donner un sens au mot Hysteria. Ça ne s’appellera pas Cerrone à l’Olympia, mais l’Olympia by Cerrone ! Ça sera pour un soir la plus grosse discothèque de la capitale.

Pour ceux qui croyaient le disco mort, Cerrone enterré, vos productions vouées aux oubliettes, Hysteria, c’est le Viagra du disco ?
(rires) J’aimerai bien qu’on me baptise comme ça ! J’aimerais bien rencontrer des gens qui m’arrêtent dans la rue en me disant " Vous savez, vous êtes mon Viagra ! ". Quel éloge !

Cerrone Hysteria (Barclay/Universal) 2002