Enzo Enzo en Asie

Enzo Enzo vient de boucler un tour dans cinq pays du Sud-Est asiatique (Cambodge, Thaïlande, Indonésie, Singapour et Birmanie). Cette opération pilotée par l'Association Française d'Action Artistique a permis à la subtile et douce interprète de Juste quelqu'un de bien de roder son nouveau spectacle après la sortie de l'album Le jour d'à côté. Impressions de voyage.

La chanteuse revient de tournée.

Enzo Enzo vient de boucler un tour dans cinq pays du Sud-Est asiatique (Cambodge, Thaïlande, Indonésie, Singapour et Birmanie). Cette opération pilotée par l'Association Française d'Action Artistique a permis à la subtile et douce interprète de Juste quelqu'un de bien de roder son nouveau spectacle après la sortie de l'album Le jour d'à côté. Impressions de voyage.

Vous revenez d'Asie. Etiez-vous déjà allez dans cette région du monde ?
Oui, je suis déjà allée neuf fois en Asie. En fait, plutôt au Japon. J'ai eu la chance de connaître un succès discographique, ce qui a facilité ma venue. Je suis aussi allée en Asie dans d'autres contextes que des sorties de disque. Par exemple, pour le sommet de la Francophonie en 1997 à Hanoi. Je m'étais aussi rendue en Corée, à Taiwan, Pékin et plus récemment donc à Bangkok, Djakarta, Phnom Penh, Rangoon et Singapour. Soit une vingtaine de jours.

Dans quelles conditions êtes-vous partie ?
Alain Lahana (organisateur de concerts, ndlr) en relation avec l'AFAA avec laquelle je suis souvent partie en tournée dans le monde, m'ont proposé cette tournée en Asie. J'ai accepté parce que j'adore faire ces voyages pour chanter et pour visiter des parties du monde qui me sont inconnues. J'en ai profité pour lancer mon nouveau spectacle, celui que l'on va présenter en France ces jours-ci. J'ai donc fait ma première date à Bangkok le 16 mars. Ça me permettait de ne pas subir de pression des médias français ou de comparaison avec d'autres artistes mais plutôt d'avoir un public de curieux de la culture française, amoureux de la langue française. Ça a été l'occasion pour moi de mettre au monde et baptiser un spectacle, loin de tout critère de jugement ou de comparaison. Je suis partie avec deux guitaristes, un bassiste, un clavier, un batteur et deux techniciens. On a donné un spectacle qui est le même que celui qu'on fera en France et en Allemagne.

Quels ont été les moments forts de ce voyage ?
Le concert de Bangkok, nous l'avons fait dans un parc à l'occasion des deux cents ans de la ville. Il y avait des passants. J'étais surprise et heureuse de pouvoir jouer pas seulement pour les expatriés mais aussi pour les curieux, ceux qui sont attirés par l'expression artistique. Au Cambodge, il y a eu un moment charmant où une artiste khmer est venue chanter dans sa langue une de mes chansons avec mes musiciens : Le grand blanc. C'est elle qui l'avait choisie. Il y a eu aussi des concours au Cambodge, toujours : des enfants avaient appris mes chansons en français. Le concours consistait à déterminer quel était le morceau le mieux interprété. A Djakarta, j'ai rencontré une styliste qui m'a habillée pour le concert. Ces voyages permettent d'avoir ce type d'échanges.

Quel est le pays qui vous a le plus marqué ?
J'ai retrouvé au Cambodge quelque chose que j'avais beaucoup aimé au Vietnam. C'est très proche, ça se ressemble beaucoup. Le pays qui m'a le plus envoûté, c'est la Birmanie, enfin…. Je n'ai passé que quatre jours à Rangoon, soyons bien clair ! J'ai visité la grande pagode, ça fait vraiment quelque chose, il y a une ferveur, une densité, une beauté très prenante, émouvante. D'autant que ce n'est pas forcément évident de vivre en Birmanie sans savoir, sans penser, sans considérer la situation difficile du pays. C'est le pays qui m'a le plus surprise et charmée.

Etait-ce délibéré de ne pas aller au Japon cette fois-ci ?
C'était un peu loin de la région dans laquelle on était. On se déplaçait à onze personnes. C'est important. Au Japon, dans la mesure où j'ai une maison de disques là-bas, il y a une vocation plus commerciale que dans cette partie d'Asie. Avec l'AFAA, il y a plus une vocation d'échange culturel. Ce que j'avais aussi fait il y a quelques temps en Pologne. Ça m'arrive de temps en temps de partir avec eux et j'aime assez.

Que cela vous apporte-t-il ?
Comme tout le monde, je crois que les voyages ouvrent l'esprit, permettent de regarder le monde avec beaucoup plus de tolérance. Cela invite à une certaine curiosité. Ça éveille. Quand ce n'est pas avec les paysages ou la lumière, ce sont les échanges, les regards avec les gens dans la rue, c'est avec les sons, la musique qu'on entend, la nourriture qui est souvent exquise et raffinée. Tous ces sens qui sont éveillés d'une manière différente, ça enrichie. J'ose à peine parler des pays dans lesquels je suis passée parce que c'était si court ! C'est comme une série de petites images, de polaroïds, des effluves de ce qui se passe dans la rue. Maintenant… la portée que ça a n'est pas toujours flagrante et immédiate. Disons que je me sens enrichie de pouvoir visiter, découvrir des cultures complètement différentes. Parfois aussi, ça aide à apprécier la vie qu'on a. Ça permet de relativiser beaucoup les tracasseries habituelles. Quand on est à Djakarta qui compte 12 millions d'habitants et qu'on ne peut pas faire son thé avec l'eau du robinet à certaines périodes parce qu'il y a eu beaucoup d'inondations, ça rend compte de la vie quotidienne… C'est bien de le vivre quelques jours. C'est bien de savoir que c'est comme ça.

Les cultures asiatiques vous intéressent-elles ?
Oui. C'est surtout au niveau des instruments, des mélodies de la gamme, du rythme, on est très surpris. Ceci dit, je dois reconnaître qu'on reste si peu de temps à chaque fois. On a de moins en moins l'occasion, même dans ces pays-là, surtout quand on se ballade en ville, d'écouter des musiques traditionnelles. Parce que dans une ville, c'est comme à Paris, il n'y a pas un chanteur avec ses instruments qui vous donne une idée précise de ce qu'est la musique dans ce pays-là. Non. Par contre, on écoute parfois un peu la radio et en fait, ce qu'on entend ressemble souvent à ce qu'on entend un peu partout dans le monde.

Après le précédent album Oui et son relatif succès, vous avez déclaré "Cela m'a permis de m'interroger sur le rapport que le public entretient avec moi". Après cette tournée, qu'en est-il ?
C'est tout l'intérêt d'aller jouer dans un pays où notre culture de chanson n'est pas forcément connue, où la langue même n'est pas comprise. Ça aide complètement à se resituer dans ce qu'on a vraiment à transmettre. Quand on va chanter dans un pays où on ne comprend pas la langue, que reste-t-il de la chanson ? Il reste la mélodie, nos intentions, notre interprétation. On se demande ce qui est saisi, ce qui est compris, ce qui passe. Et justement, c'est ce mystère qui est éclairci. Pendant que les chansons se déroulent et jusqu'à la fin du concert, on sent qu'il se passe quelque chose. Parce que c'est de la musique, une expression vocale, parce que les gens sont réunis autour d'une certaine connivence et communion, cela simplifie ce qui se passe dans la tête d'un artiste. Ça se passe. Simplement. Il y a quelque chose qui s'échange, le charme, l'attention, la générosité circulent de la scène au public, du public à la scène.

Vous considérez-vous plutôt comme une interprète maintenant ?
La vie fait que je n'écris plus depuis l'album précédent. Cela fait 5 ans. De fait, je n'ai plus qu'à interpréter. Je me considère aussi comme une chercheuse de chansons. C'est presque un travail d'éditeur quand j'essaie d'acoquiner tel auteur avec tel compositeur, de chercher avec l'arrangeur des directions pour accompagner tel ou tel thème. Je me sens plus interprète car je ne sens pas d'urgence à écrire ou composer.

Enzo Enzo Le jour d'à côté (BMG) 2001
En concert en Allemagne à Francfort (10 mai), Stuttgart (11 mai), Essen (12 mai), Sarrebruck (13 mai) et à Paris au Casino de Paris (27 mai)