Métal Urbain, le punk réactivé

Sous la délicate appellation, J’irais chier dans ton vomi, le combo punk parisien Métal Urbain, formé en 1976, revient dans l’actualité, avec ce qui est son premier album officiel ! Rencontre avec Eric Débris.

30 ans pour faire un disque !

Sous la délicate appellation, J’irais chier dans ton vomi, le combo punk parisien Métal Urbain, formé en 1976, revient dans l’actualité, avec ce qui est son premier album officiel ! Rencontre avec Eric Débris.

Des activistes énervés qui inventèrent le punk avec boîte à rythmes au mitan des années 1970, (formule qui sera largement pillée ensuite, de Bérurier Noir à Nine Inch Nails), il reste un quatuor étonnant formé du leader Eric Débris (qui répond à nos questions), de son complice guitariste Hermann Schwartz, et d’une paire de jeunots.


RFI Musique : Comment s’est fomenté ce retour ?
Eric Débris : Ça a redémarré avec la réédition en compile, il y a trois ans, de nos 45 tours. Un promoteur américain a envoyé un mail à Seventeen, qui nous rééditait, demandant d’envoyer Métal Urbain “in any shape or form”. Aller jouer à New York, c’est un petit peu excitant. On a remonté le groupe pour une dizaine de dates aux Etats-Unis, ce qui a déclenché des concerts ensuite en France. On a fait les Transmusicales, et on a signé pour le premier album de Métal Urbain, qu’on aura donc mis trente ans à faire ! Une première mouture avait failli exister, il y a eu en vinyle Les hommes morts sont dangereux, avant qu’on se sépare en 1981, qui était une collection de singles, mais là, c’est le premier vrai album.

Vous étiez resté en contact, depuis ?
Je m’occupais d’un studio, j’ai dirigé Bondage Productions, j’ai bossé à l’IRMA, je suis toujours resté dans la musique. J’ai fait du management. Hermann a joué dans d’autres groupes. Son frère est parti vivre au Canada, donc il n’a pas pu nous rejoindre quand on a recommencé. Les deux nouveaux, Jérôme Solo et Vott, nous ont permis de créer. Quand à Clode Panik, l’ancien chanteur, il a changé de vie, il supporte la reformation, mais ne tient pas à en être.

Vous étiez toujours dans le même état d’esprit ?
Notre côté minimaliste de l’époque était lié au matériel : synthés, boîtes à rythmes, tous ça a évolué ! Ça exigeait que les guitares, aujourd’hui, aillent avec cette évolution, puisqu’on a toujours mélangé guitares et machines. C’est une alchimie particulière, on joue plus fort, plus gros, pour faire quelque chose d’aujourd’hui, pas un truc rétro. L’esprit des chansons est le même : les textes de l’époque sont toujours d’actualité. “Ghetto” ou “Crève Salope”, on pourrait les écrire maintenant. On fait des textes intemporels, on évite de nommer des ministres ou des événements, parce que ça date un texte. La difficulté a été de trouver des nouveaux sujets, mais on est toujours aussi énervé par ce qui se passe tous les jours : les mêmes conneries, parties pour continuer un paquet de temps.

Comment se revendiquer “Punk” à 50 ans ?
Le punk rock, c’est très court. C’est la première vague, après ça se disloque à toute berzingue. Quand on a commencé à voir des armées de gens, tous habillés pareil aux concerts, c’est devenu ridicule. Le principe du punk rock, c’est d’inventer des choses, ses fringues, sa musique…

Métal Urbain, Stinky Toys, Oberkampf, La Souris Déglinguée, Asphalt Jungle… Tout le monde avait un style musical défini et différent.
Comme à Londres ou à New York, on avait chacun notre style, englobé sous un nom commun. Quand les gens ont commencé à “jouer du punk rock”, que c’est devenu un style en soi, c’était stupide. Comme pour les fringues : quand on a commencé à aller les acheter, au lieu de porter du do it yourself, ça n’avait plus d’intérêt. Le “punk à roulette” californien, c’est un genre, mais ce n’est pas le punk. Je reste attaché à ce qui s’est passé à l’époque, mais aujourd’hui, on se considère plus comme un groupe de rock. On a en plus la particularité d’avoir inventé l’électro-punk. On est le seul groupe français à avoir inventé un genre dans le rock, quand même !!! Excusez du peu.

Comment tout cela s’est-il transmis, avant l’invention du net ?
On a eu le nez d’aller en Angleterre, et de signer chez Rough Trade. Ça nous a ouvert des portes, à l’inverse des autres, restés en France. On était parti sans savoir où dormir, pour faire un concert dont on ne savait même pas s’il serait payé. Rough Trade exportant ses disques aux Etats-Unis, des gens ont eu des copies et se sont intéressés à l’histoire. Des groupes ont repris notre idée, et vendu des millions de disques… Quand on a débarqué là-bas, à chaque concert, on apprenait qu’il y avait eu tel ou tel mec d’un groupe connu dans la salle. On le savait après, à commencer par Jello Biafra.

Biafra, qui produit cet album. Comment est-ce arrivé ?
Je savais qu’il était fan de Métal Urbain, parce qu’il l’avait dit dans des interviews. Quand on a joué à San Francisco, il est venu, il a payé sa place, et s’est pointé backstage. Il s’est présenté et on a parlé. Il a dit qu’il nous admirait, et j’ai fini par pouvoir lui caser que nous aussi on aimait bien les Dead Kennedy ! De fil en aiguille, on a pensé à lui faire réaliser l’album. On avait besoin de quelqu’un qui soit garant de ce qu’on faisait, pour que ça ne parte pas dans tous les sens. Il a compris ce qu’était Métal Urbain, et comme je suis moi-même réalisateur, je n’avais pas envie d’être derrière la console et devant le micro. C’est compliqué.

Avec quelles ambitions revient Métal Urbain ?
C’est notre métier, il faut qu’on arrive à en vivre. On veut exister. On n’y arrivait pas à l’époque. À Paris, il y avait le Golf Drouot et le Gibus pour jouer. C’est tout. On peut jouer en 2006 partout aux Etats-Unis et en France, mais on va aussi en Italie, en Belgique, on a des offres pour l’Angleterre, l’Allemagne… C’est le but du jeu, se produire devant des gens. Comme on a des textes avec une portée politique, une conscience, c’est bien de faire ça devant le plus de gens possible. On n’est pas fatigué, ce n’est pas un groupe de vieux, on est un groupe moderne. Tous les groupes de la nouvelle scène rock de Paris nous connaissent et nous respectent. Je m’étais dit, quand on a recommencé, que si les salles étaient remplies de quarantenaires, j’aurais arrêté. Or devant, il y avait des jeunes, et des filles, on a dit : “on continue” ! On ne veut pas jouer pour le troisième âge, même si j’en fais partie ! Ça ne servirait à rien de rabâcher le truc, les vieux en plus sont les plus chiants : ils réclament les vieux titres, alors que les jeunes s’intéressent à l’album.