Alpha Blondy chatte avec les internautes

Intégralité de l'échange

Jeudi 4 février, Alpha Blondy, la star du reggae ivoirien, s'est prêté au jeu des questions/réponses avec ses fans sur des sujets aussi variés que son dernier album, ses tournées, son engagement politique, ses projets artistiques, etc. Un chat de 45 mn en partenariat avec Canalchat.

Bonjour à toutes et à tous, nous avons le plaisir d’accueillir Alpha Blondy !
A.Blondy : Bonjour !

jenarrivepasaenlevermesbaskets : Es-tu content d'être à Paris ?
A.Blondy : Happy ! Oui, je suis très content, je m'éclate vraiment toujours autant ici et en plus, c’est l’occasion de revoir mes amis et la famille car j’ai des enfants qui vivent ici. C’est super de se retrouver parmi eux.

Sami : Bonjour Alpha, que contient votre DVD ? Pourquoi l'avoir fait... Pour laisser une trace de vos concerts ??
A.Blondy : En effet, Nous n’avions pas encore fait de DVD professionnel. C’était donc la bonne occasion et, en plus, beaucoup de DVD pirates circulaient sur le marché. Ce Live in Peace a été conçu au terme de ma tournée Peace on tour alors que j'étais encore ambassadeur de la paix pour l'ONU. On voulait conscientiser le public avec l'idée de paix dans le monde. Je pense que c’est une réussite.

babylonz : Y'a t-il des morceaux que tu avais fait au Zénith au début des années 90... J'étais au concert et je m'en rappelle encore :)
A.Blondy : J'avoue que dans le répertoire des années 1990, il ne doit y avoir qu'une chanson présente dans le DVD.

Waly : Que pouvez-vous nous dire sur votre dernier album ?
A.Blondy : Que ça déchire ! C'est le meilleur album d'Alpha Blondy, d’abord parce que j’ai travaillé avec des mecs comme Tyrone Downie, l'ancien clavier de Bob Marley, et qu’il y a des collaborations géniales et inédites avec un joueur de cornemuse, un joueur de darbouka, etc. Beaucoup sont venus à la rescousse pour cet album.

jenarrivepasaenlevermesbaskets : Pourquoi n'as-tu fait aucun album entre 1986 et 2005 ?
A.Blondy : Ce n'est pas exact. Il y a eu Jérusalem, Révolution, Prophet... J'ai boycotté la guerre en Côte d'Ivoire en ne faisant plus de musique pendant un certain temps avec le nom d'Alpha Blondy. Mais tout cela c’était avant de sortir Jah victory.

obs : Si le dernier album est le meilleur, que faites-vous de Massada reconnu généralement comme le meilleur?
A.Blondy : Jah Victory c'est 19 chansons contre les 14 chansons de Masada, cela fait déjà une sacrée différence. Et puis, pour être tout à fait honnête entre nous, je veux dire que c'est le meilleur car ce ne serait pas très "marketing" de dire que le dernier album n’est pas meilleur que les précédents. Mais là, c’est le cas, il est meilleur à mon humble avis.

babylonz : Oh ok donc ton nouvel album apporte des influences beaucoup plus variées que les précédents?...une sorte d'expérimentation en fait ?
A.Blondy : J'ai horreur de la monotonie. Babylonz, tu dois écouter l'album Yitzhak Rabin où j’avais fait intervenir de la flûte péruvienne. Dans celui-ci, il y a de la cornemuse, tu y trouveras ton compte. Sur le DVD, il faut d’ailleurs le voir avec sa cornemuse c'est magique ! L'idée était géniale ! Et ça déchire que d'avoir joué avec lui.

alex koicy : Bonjour, les live d'Abidjan c'est pour quand ? Ou ailleurs ?? Merci.
A.Blondy : On voulait faire un live à Abidjan mais on n'a pas encore fait ça. Mais ça coûte très cher sans sponsors cohérents. Un vrai "Live in Africa", ce serait super si les sponsors répondent présents.

paowpaow : A quand une œuvre anthologique retraçant ta carrière ?
A.Blondy : Paowpaow, je travaille beaucoup et je ne pense pas à ça pour le moment, je suis sur le front. On peut toujours en discuter avec l'équipe, mais je ne suis pas très « anthologique » de toute manière.

Stes : Tu as prévu d’autres concerts après la sortie du DVD ?
A.Blondy : Je reviens du Brésil et de l'Argentine où on a fait 8 concerts en une dizaine de jours, à Recife, Mar del Plata, Buenos Aires, etc. C’était la folie. On revient à Marseille le 1er avril si je ne me trompe pas, et, sans doute bientôt à Paris mais pas tout de suite.

obs : Pourquoi le show de Bobo Dioulasso n'a pas eu lieu ?
A.Blondy : Sache que je me suis moi-même posé la même question. Pourquoi ? Parce que premier malaise : pas d'électricité dans le stade. Deuxième malaise : puisqu’on ne peut pas faire techniquement le concert, on me dit que je dois montrer ma gueule. Ça je n’accepte pas, je ne suis pas payé pour ça, il y a des journalistes à qui je donne des interviews pour montrer ma gueule. J'ai joué à Kodougou, une toute petite ville, quelques jours avant, sans avoir le moindre problème. Je ne m'occupe pas de ça, Jamal s'occupe de toutes ces affaires d'argent, moi je n'aime pas ça. Mais je suis sorti autant frustré que les spectateurs de ne pas avoir pu jouer.

fall : Qui est Alpha Blondy dans le monde du showbiz ?
A.Blondy : Je suis Seydou Koné de mon état civil et Alpha Blondy c’est juste un mec qui travaille d'arrache pied pour vivre et faire vivre ma famille décemment de sa musique.

agc : Alpha est-il un artiste toujours aussi engagé, ou développe t-il de nouveaux thèmes autre que la politique ?
A.Blondy : Je vais te faire une confidence : sincèrement, je n'ai jamais su ce que ça voulait vraiment dire qu'être un "artiste engagé, je n’ai jamais fait autre chose que dénoncer l'évidence. Ce sont les journalistes qui ont monté ce personnage. Quand je suis revenu au ghetto en Côte d’Ivoire, j'ai senti le malaise. Le candidat unique du parti unique, c'est de la foutaise. La politique n'est pas bonne, elle est ingrate. C'est un triste spectacle. C'est ce que j'ai voulu dire. Ce sont les journalistes qui ont fait de moi ce mec engagé comme ils disent. C'est un terme, c'est flatteur, mais maintenant ça me dérange. Aujourd'hui, je préfère parler de la réalité de la vie au pays.

zrf : Qui sont les groupes que tu aimes écouter aujourd'hui ? Qu'est ce que tu penses de Tiken Jah Fakoly...
Stes : Dans le reggae actuel, tu écoutes des artistes comme Matisyahu ? Qu'en penses-tu ? Pourquoi pas un duo ?
A.Blondy : J'écoute Ismaël Isaac, les petits frères Kaloudja, au Temple du Reggae, Serge Kassy, Tiken Jah, je préfère le dire ouvertement : je le déteste et je le déteste avec passion et ça me plaît de le détester. Il a cherché à me dénigrer, à me faire passer pour quelqu'un d'autre. Citons plutôt des jeunes mecs du pays qui méritent d’être connus comme Lucien le bassiste, Souley… Il y a un vrai vivier, une pépinière incroyable de talents en Côte d’Ivoire. Là-bas, le reggae n'est pas une musique de mode, mais bien une musique qui relate le quotidien des artistes. Il faut savoir qu’il y a une soixantaine d'ethnies en Côte d'Ivoire et ça joue énormément dans la grande diversité du reggae ivoirien, mais il y a aussi du bon reggae camerounais, burkinabé, etc. Le reggae africain naîtra vraiment quand les producteurs s'en donneront la peine. Il faut faire de la place.

paowpaow : Je te verrai bien cher Alpha Blondy à l'initiative d'une école africaine de la musique. Qu'en penses-tu ?
A.Blondy : Ce serait génial, mais je n'ai pas encore ces moyens-là. J'ai investi dans l'immobilier en Côte d’Ivoire, maintenant il faut que je gère cet argent investi et je ne peux pas encore me permettre de tout investir dans la musique après l'échec du lancement d'un studio où il y a eu des cambriolages. On ne sait jamais, si jamais mon projet immobilier échoue également, pourquoi pas, mais chaque chose en son temps. Cette initiative serait bonne, mais devrait être réfléchie : je veux faire une école d'élite, avec des cours aussi bien en anglais qu'en français. C'était un projet dont j'avais déjà discuté avec mon ami Jack Lang dans le temps... Cela demande beaucoup de négociations. Le problème de l'Afrique cela part de l'ignorance, j'aimerais que l'Afrique prenne sa revanche. Mon expérience plaide pour moi : je sors d'une famille très très modeste, et il a fallu que je me débrouille sur place pour payer tous ses séjours et expériences aux Etats-Unis. J'avais rencontré un ami du fils de l'ancien président Houphouët-Boigny, il m'avait promis une bourse qui n'est jamais venue, il a fallu que je fasse quelque chose auquel je crois : la musique.

sattou : Quelle a été exactement votre mission en tant que Ambassadeur de l'ONUCI ?
A.Blondy : Sattou, je vais peut-être vous surprendre : la politique je ne connais pas. Je ne suis pas politicien. Je ne suis qu'un simple messager qui a écouté des conseils de tous les politiciens et qui en a déduit des propositions à faire auprès des grands dirigeants africains. En toute modestie, je pense avoir apporté ma pierre et être aussi à la base des accords d'Ouagadougou. Je suis un naïf qui a tenté de faire des propositions de sortie de crise et je dis "dieu merci" si ça a pu fonctionner dans certains pays. Pour revenir à mon investissement pour mon pays, la Cote d'Ivoire n'est pas habituée aux élections démocratiques du fait de l'appartenance des candidats aux ethnies et c'est cette logique de choix du candidat selon qu’il appartient à telle ou telle ethnie qui joue le plus dans mon pays. Le discours c'est que je supporte Laurent Gbagbo parce qu'il s'est positionné comme supporter de la paix et non parce que je fais partie de la même ethnie. Ce qui comptait pour moi c'est que la paix triomphe sur la guerre. J'ai eu droit à une volée de bois vert mais j'avais le droit de supporter celui qui me semblait le meilleur pour la paix. Qui a déjà vu un leader d'opinion sans opinion ? Personne. Tous les grands groupes ethniques ivoiriens sont censés être représentés au gouvernement, mais on est encore dans une logique de saupoudrage. Il faut sortir de cette logique ethnique, même si j’estime que des progrès ont été faits dans le sens où actuellement, on ne peut plus parler vraiment d’état de guerre en Côte d’Ivoire. L'ONU m'a ensuite traité de partial dans mes positions car je critiquais l’implication de la France et des Etats-Unis, mais j’ai trouvé cette position injuste et hypocrite car qui critiquer alors si ce n’est certaines de ces influences nocives pour l’Afrique ?

hamady : Est ce que la musique peut participer au développement de l'Afrique ?
A.Blondy : Hamady, la réponse est oui bien sûr !! Bien sûr que toutes ces guerres civiles, l'hypocrisie de la communauté mondiale, ne peuvent aider au bon développement de l'Afrique. L'Afrique ne peut pas être le terrain de jeu des intérêts mondiaux comme en témoigne la situation en République Démocratique du Congo où on passe sous silence 8 millions de morts par exemple. L'Union Africaine a également failli dans ses responsabilités. Il faut arrêter de nous prendre pour des cons. Il faut que Kadhafi se prenne au sérieux... Nous, les artistes africains, combattants pour la paix, on veut des gens qui représentent l'Afrique que nous chantons.

Lazeny : Comment vous faites pour maintenir la forme et être aussi charismatique depuis toutes ces années et tous vos concerts à travers toute la planète?
A.Blondy : Lazeny, l'amour c'est le grand secret. La bonne humeur aussi. L'humour également. C’est un savant mélange.

Gille : Et pour Haïti, que pouvons-nous faire selon vous ? Avez-vous agi déjà ?
A.Blondy : Oui. J'ai déjà un projet. Au Sénégal, ma sœur pilote la création d'un disque de soutien aux Haïtiens, avec moi, Youssou N'Dour, Bambino, Salif Keita, etc. Des super têtes d’affiche ! Un grand concert de solidarité s'organise aussi à Dakar pour le 6 mars Inch'Allah. Un autre projet germe également : il faudrait que chaque pays africain puisse envoyer 100 tonnes de riz en Haïti.

Waly : Y a t-il un programme de concert pour l'Afrique? Quels sont les pays retenus ?
A.Blondy : Au Maroc, mon tajine m'attend toujours ;) J'adore ce pays qui m'a accueilli pour mon premier concert international. Des choses sont également prévues au Mali et au Cameroun, mais je ne peux en dire plus pour le moment. Tout le monde sera tenu au courant de ce qui se passera.

Sami : Vos plus beaux souvenirs sur scène ? Le meilleur public ?
A.Blondy : Il y en a plein. Je vais faire des jaloux. Si j'ai eu une chance inouïe dans ma carrière, c'est bien d'avoir pu commencer à jouer en Live dans les grands stades notamment à Yamoussoukro, à Abidjan, à Marrakech... Le jeune roi actuel Mohammed était déjà là et j’ai la chance de le compter parmi mes fans. Le Zénith pour ma première fois en France : le mec qui débarque directement des cocotiers pour Paris, c'était aussi incroyable. La France m'a tendu les bras et j’y ai fait plein de tournées dans les festivals.

JB : Vous faites quoi en ce moment ? Préparation d'un nouvel album ?? On attend ...Merci Alpha
A.Blondy : Ça arrive grave !! C'est dans mon laboratoire secret avec une équipe française, une équipe ivoirienne, une équipe sénégalaise. Vous serez avertis en temps voulu.

babylonz : Avec quel artiste français aimerais tu collaboré un jour ??
A.Blondy : Pascal Obispo qui a une très belle plume. J'aime bien ses chansons. Il y avait un côté prophétique avec ce mec et le retrait que j’ai refusé d'une phrase dans une des chansons qu'il avait écrites.

titi : Y a t-il encore un artiste dans le monde qui représente un modèle pour vous ?
A.Blondy : Je suis frivole en matière d'amour des artistes. J’ai des coups de foudre comme pour Florent Pagny, J'adore sa chanson N'importe quoi. George Benson et Fulgence Kassy me l'avaient fait écouter. J'avais déjà adoré. Zaho aussi j’aime bien ce qu’elle fait. Morgan Heritage j'adore, j'ai fait une tournée avec lui à Hawaï, on s’était rencontré dans le Colorado. Et il y a évidemment Burning Spear qui m’a marqué à jamais.

Merci Alpha Blondy. Le mot de la fin ?
A.Blondy : Nous sommes en campagne contre la guerre ! Les fans d'Alpha Blondy doivent soutenir ce combat contre la guerre, nous sommes en campagne et nous l’avons dit à Nicolas Sarkozy et à Barack Obama. Le frère Barack Obama doit poser un acte d'abolition de la guerre. On ne parlerait plus de recherche de bombes nucléaires en Iran ou de guerres à travers le monde, l'humanité pourrait accéder à ce à quoi elle aspire au plus profond d’elle-même : la paix intérieure et entre les hommes. Merci à tous !