Les Têtes raides au théâtre
Depuis le 5 juillet, les sept Têtes Raides ont posé leurs valises dans le somptueux théâtre des Bouffes du Nord à Paris. Cette résidence estivale d'un mois - dernière irrévocable le 3 août - est l'occasion pour le groupe d'offrir un spectacle à la fois unique et à dimension variable selon les soirs. Un régal visuel et auditif, une expérience à leur image : innovatrice et généreuse.
Un spectacle 'au lait cru !'
Depuis le 5 juillet, les sept Têtes Raides ont posé leurs valises dans le somptueux théâtre des Bouffes du Nord à Paris. Cette résidence estivale d'un mois - dernière irrévocable le 3 août - est l'occasion pour le groupe d'offrir un spectacle à la fois unique et à dimension variable selon les soirs. Un régal visuel et auditif, une expérience à leur image : innovatrice et généreuse.
En ce début d'après-midi de juillet, la troupe des Têtes Raides arrive petit à petit sur son "lieu de travail" : le théâtre des Bouffes du Nord, lieu au cadre magique, entre la vieille villa romaine (les tons vifs et défraîchis), la mosquée (l'architecture, l'ampleur), le cirque (la piste semi-ronde, la terre battue) et le vieux théâtre à l'italienne aux airs désaffecté. C'est Grégoire, le saxophoniste tchatcheur qui via les dédales d'escaliers nous mène vers l'immense loge commune où l'on devine la convivialité d'un groupe temporairement domicilié dans les murs : nombreux instruments, légère pagaïe, caisses de pinard, ... En chemin, on croise le chanteur Christian, le batteur Jean-Luc, un des guitaristes, Serge. "Bonjour, au revoir !"
Un accueil convivial à l'image d'un spectacle où le groupe se retire souvent derrière ses invités, jeunes troupes de musiciens, d'acteurs, de danseurs et même d'enfants-chanteurs. Parce que cette création des Têtes Raides réserve mille surprises portées par les formes artistiques les plus variées. Dès l'entrée en salle, le spectateur assiste à une partie de pétanque entre six Têtes (la septième, enceinte, compte les points), tous en tenue estivale façon 'Camping de la plage'. Et les moments inattendus ne vont cesser de ponctuer les 2h30 du spectacle et la musique tantôt joviale tantôt grave des Têtes Raides. Forcément très visuel, l'ensemble joue du lieu, de ses formes, de son acoustique.
La salle a t'elle conditionné l'écriture de ce spectacle ?
Oui, mais on a eu que trois jours de répétition dans la salle. On a donc monté les morceaux très vite sur place. Mais c'est malgré tout une idée de spectacle qu'on a depuis le début des Têtes Raides, depuis déjà 15 ans. Il y a déjà eu des spectacles qui alliaient image, texte, théâtre, de la comédie, des intervenants extérieurs. Tout ça fait partie un petit peu du personnage Têtes Raides.
Comment êtes-vous arrivé dans cet endroit ?
C'est un endroit que Christian a découvert en venant voir le Mahabarata de Peter Brook (metteur en scène et patron des lieux, ndlr). Et depuis, il a toujours eu le rêve qu'un jour Têtes Raides vienne aux Bouffes du Nord pour écrire un spectacle. On a refusé à plusieurs reprises des durées courtes, d'un ou deux jours. On a préféré être patients et viser une longue durée qui permette réellement de rentrer dans les lieux parce que c'est un endroit qu'il faut porter un peu. C'est lourd, c'est tellement habité. Il faut du temps pour s'y sentir vraiment bien.
C'est la première fois que vous êtes, d'une certaine façon, en résidence?
Non. On aime bien travailler sur le côté éphémère d'une tournée mais aussi engager le travail sur une longue durée. Ça change complètement la manière de vivre la musique. Ça l'imprime vraiment au quotidien. La notion du temps, c'est un truc qui nous va assez bien.
Et le fait de faire ça en juillet, période de départ en vacances ?
C'est plutôt cool, non ? C'est vrai que c'était le seul moment où c'était possible pour le théâtre mais ça nous va assez bien, juillet à Paris, c'est un autre temps. Il y a au départ plus un risque par rapport à la fréquentation du public, mais ça s'est vite résolu, je crois. Parce que nous croyons aussi à un certain type de spectacle vivant.
Aviez-vous des souvenirs de spectateurs dans cette salle ?
Plutôt de la musique. Je connaissais la beauté du lieu qui est inattaquable. Il n'y a qu'ici qu'on pouvait faire ça. Parce que ce n'est pas un lieu spécifique à la musique ou au théâtre seulement. Il n'impose pas par son architecture ou son agencement telle ou telle forme d'expression.
C'est un lieu assez brut aussi ?
Oui, ce n'est pas pour rien qu'on a mis de la terre battue. On adore le rouge de bœuf écorché du fond de scène ou les balcons en bois non vernis. Et ce petit inconfort des sièges que je trouve très important. Ça met le spectateur dans une position moins facile. Il est obligé d'être attentif, plus physiquement présent.
Ils n'ont pas la même attitude que dans un concert ?
Pas du tout. Ils ne sont pas avachis comme dans un cinéma. Ils sont alertes.
Et le fait de jouer aux boules au début du spectacle ?...
Ça c'est le théâtre de la vie, on joue vraiment.
Mais vous vous mettez en scène ?
Oui, ça fait partie du spectacle. On transporte sur la scène une scène de la vie réelle, une partie de boules entre potes. Les Têtes Raides, c'est aussi une histoire de potes.
Vous jouez aussi avec l'acoustique de la salle ?
Nous, on essaie de faire à la fois un concert acoustique en front de scène, semi acoustique au milieu et électrique au fond. Le but étant d'entendre la chanson, le texte. Mais il y a quand même 500 personnes donc c'est un vrai pari de faire vraiment de l'acoustique. Mais ça créé une autre chanson. Par exemple sur les Poupées, les gens voudraient taper dans les mains mais sentent bien que la voix et le son sont à faible niveau parce qu'il n'y a pas de sonorisation, pas d'amplification à ce moment-là. Donc, il y a une retenue. Dès qu'il y a le moindre bruit dans la salle, un enfant, une chaise qui bouge, ça s'entend tout de suite. Je trouve ça bien d'avoir cette écoute.
Justement, les enfants ne s'ennuient pas du tout dans vos spectacles, surtout celui-là ?
C'est vrai, il se passe tout le temps quelque chose, ça permet de garder l'attention.
De soir en soir, les spectacles évoluent et changent selon les invités ?
Oui, chaque fois ça créé des moments différents. Pour le public et pour nous. Ce soir on aura Jean Corti (accordéoniste de Jacques Brel et compagnon de route des Têtes Raides, ndlr). Et on a eu Rachid Taha, Yann Tiersen, ou des gens moins connus comme les Lombrics, Pusse, plein de gens dont on aime le travail. Parfois les invitations se passent au débotté, plutôt dans un style assez roots, dans le caractère, le fromage au lait cru !
Ça vous plairait d'avoir un lieu 'Têtes Raides', d'accueil artistique, de création ?
Ça fait partie des projets. Je crois que ce n'est pas encore pour demain mais pourquoi pas les Bouffes du Nord ?... Mais même si on était propriétaires d'un lieu, il n'y a pas que là que l'on travaillerait, il faut changer. Ne pas vivre en vase clos.
Ce spectacle ne présente pas beaucoup de nouvelles chansons, ce n'était pas le propos ?
Non, il n'y en a pas des masses mais on n'a pas eu beaucoup de temps pour s'y préparer. On ne voulait pas non plus accélérer l'écriture de nouvelles choses. On voulait se reposer un petit peu, qu'on se régénère, qu'on se réhabitue à vivre avec d'autres gens. On a arrêté la tournée en décembre et on a fait beaucoup de choses depuis.
Il y a eu les élections ?... (Le groupe a activement réagi à la présence du leader d'extrême droit au second tour des élections présidentielles en avril 2002, ndlr).
Oui, ça nous a pris un petit peu de temps mais on avait vu le coup venir.
La tournée improvisée avec Noir Désir, Tiersen ou Fersen était donc une tournée d'urgence ?
Oui, mais c'était déjà trop tard, la suite l'a prouvé. On s'est vraiment posé la question "pourquoi redire ce que l'on dit déjà ?" Mais là, c'était important par rapport aux jeunes qui eux n'ont pas pu voté, qui se sentent spoliés et trahis. On voulait leur dire "On est d'accord avec vous." C'était aussi un lien générationnel, un lien avec notre public.
Vous vous considérez comme un groupe politique ?
On est fondamentalement politique ! Mais il ne faut pas perdre de vue que nous faisons des chansons avant tout.
Le programme pour l'année à venir, à part un bébé ?
Ah oui, pour Anne-Gaël... On commence un nouvel album mais on en est aux prémices. En ce moment, on travaille plutôt le fond. On a aucune velléité prochaine de faire quelque chose de nouveau. C'est en train de naître tranquillement.
Vous tournerez l'hiver prochain ?
A priori non, mais peut-être que les circonstances feront que...
Les Têtes raides Gratte Poil (Tôt ou Tard)