Air

On l'attendait. La planète électro l'attendait. Air, le duo versaillais qui avait surpris avec un premier album Moon safari en 98, revient en ce début d'année avec Talkie Walkie, nouvel opus aérien largement influencé par le septième art.

Talkie Walkie

On l'attendait. La planète électro l'attendait. Air, le duo versaillais qui avait surpris avec un premier album Moon safari en 98, revient en ce début d'année avec Talkie Walkie, nouvel opus aérien largement influencé par le septième art.

En 1998, lorsque paraît Moon Safari, le premier album du duo versaillais Air, il est joyeusement acclamé et hâtivement rangé dans le rayon fourre-tout de la French touch, cette nouvelle appellation des journalistes pour la musique électronique française. Pourtant, déjà, les compositions lumineuses et joliment grisantes de Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin sont beaucoup plus ambitieuses et sophistiquées que celles de leurs compatriotes. Personne (public, artistes, medias…) ne s’y trompe et Air vendra plus de trois millions d’exemplaires de son premier album dans le monde entier, devenant le duo français le plus côté du moment.

Cet engouement leur vaudra bon nombre de rencontres et de sollicitations dont celle de Sofia Coppola (la fille du réalisateur du Parrain) qui leur commandera en 2000 la musique de son premier film Virgin Suicides. Avec cette bande originale, Air s’aventure plus en avant sur le terrain de la mélancolie, signe son premier chef d’œuvre et accroît sa popularité déjà conséquente. Aussi, lors de l’enregistrement de son deuxième album officiel, 10 000 HZ Legend en 2001, le duo, peut-être un peu grisé par tant de succès, va recruter un casting pop de rêve (Beck chante et joue de l’harmonica, Jason Falkner de la guitare et de la basse) mais n’évitera pas l’écueil de compositions souvent emphatiques et pas toujours inspirées. Pris dans la spirale du music business, le groupe enchaîne tournées et promotion tout autour de la planète et livre en 2002 Everybody Hertz, un album de remixes de 10 000 HZ Legend signés The Neptunes ou Mr Oizo. Laissant tout doucement le soufflé de la hype retomber, ils partent en 2003 à la recherche de nouvelles respirations en composant la musique des lectures des textes de l’écrivain italien Alessandro Barrico(City Reading/Tre Storie Western) et la bande originale de Near Life Experience, le ballet du chrorégraphe Angelin Preljocaj.

Talkie Walkie

Infatigable mais ayant appris de ses erreurs, Air revient aujourd’hui avec Talkie Walkie, un troisième album plus intimiste que son prédécesseur, qui simplifie et précise finement leur univers musical. Dès les premières notes de Venus, le son envoûtant et si particulier de Air prend possession de l’espace et l’auditeur retrouve assez vite ses repères dans des paysages sonores traversés de synthétiseurs Moog ou Fender Rhodes. On découvre des compositions rêveuses (Mike Mills, en hommage au dessinateur de leur première pochette), des cousins mystérieux de Virgin Suicides (Another Day) mais aussi des chansons pop limpides et denses (Cherry Blossom Girl, Surfing On A Rocket), le tout soutenu par les élégants arrangements de cordes de Michel Colombier (Gainsbourg, Madonna... ).

Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin confirment leur fascination pour le septième art (la musique de François de Roubaix a toujours été une de leurs influences les plus évidentes) avec les sifflements irrésistibles de Alpha Beta Gaga, magistral clin d’œil à Ennio Morricone, qui devait à l’origine figurer sur le dernier album de Madonna mais qu’elle n’a finalement pas retenu. Talkie Walkie se clôt avec le magnifique Alone In Kyoto, que l’on retrouve sur la bande originale du dernier film de Sofia Coppola, Lost In Translation et sonne au final comme l’antithèse de 10 000 HZ Legend. Pas de stars ou presque au générique (Jason Falkner et Joey Waronker (batteur de Beck) font juste une apparition amicale et discrète sur Surfing On A Rocket) et pour la première fois, c’est le duo Godin-Dunckel qui assure les parties vocales de sept des dix morceaux de l’album. Encouragé par le producteur Nigel Godrich (Beck, Radiohead, Travis…), Air resserre la focale sur des chansons plus concises (couplet, refrain, pont, refrain…), élargit son champ d’action (introduction du banjo sur quelques titres) et confirme un talent à des années lumière de la moindre érosion. La pochette de Talkie Walkie les représente devant un tableau de formules mathématiques, comme à la recherche de celle de la pop song parfaite: à l’écoute de cet album apaisé et convaincant, Air se rapproche du but et livre le premier bon disque de l’année 2004.

Air Talkie Walkie (Virgin) 2004