Gérard Blanchard
Cet oiseau-là pensait ne plus chanter. Ou alors seulement sur sa branche, juste pour lui et quelques tourtereaux de passage. C’était compter sans la vie et l’envie qui finit toujours par revenir à tire d’ailes. Gérard Blanchard est à nouveau là, avec un dixième album, une Migraine du moineau empli d’accordéon et de chansons.
Ou le retour du "rock franchouillard".
Cet oiseau-là pensait ne plus chanter. Ou alors seulement sur sa branche, juste pour lui et quelques tourtereaux de passage. C’était compter sans la vie et l’envie qui finit toujours par revenir à tire d’ailes. Gérard Blanchard est à nouveau là, avec un dixième album, une Migraine du moineau empli d’accordéon et de chansons.
La Migraine du moineau est une phrase extraite d’une chanson de l’album, un titre qui résume bien le contenu ?
Pour tout vous avouer, au départ cela devait s’appeler Poisson-cocotte... Rapport aux relations hommes et femmes dont je parle beaucoup dans l’album. Mais en plus, la Migraine du moineau fait référence aux pièces de boulevard dans lesquelles les femmes prétextent toujours une migraine pour éviter les assauts de leurs maris. Là, c’est le contraire. Cela fait longtemps que les femmes sont plus fortes que nous, donc c’est le mec qui a la migraine: la migraine du moineau. Donc oui, cela résume bien le thème général. Musicalement, je reste quand même là où je pense avoir toujours été : le rock alternatif, l’accordéon, le rock franchouillard ! C’est la musique que je fais. Non celle que je préfère mais celle que je sais faire. J’aurai préféré être musicien de jazz ou être violoncelle dans un orchestre classique. Mais bon...
Le thème général s’étend plus largement aux relations à l’autre, quel qu’il soit. Cela a toujours été difficile pour vous a priori...
Je ne crois pas qu’il y ait de solutions. Vivre en couple ou seul, c’est aussi désespérant. On ne peut rien contre l’ennui et la blessure du temps. Mais vous avez raison, c’est pareil en amitié. Ce sont les rapports humains qui sont compliqués. Il y a un texte de Bashung qui dit : "Si tu me quittes est ce que je peux venir aussi ?" C’est compliqué tout cela.
Parlons d’Alain Bashung puisque vous le citez. Dans l’album précédent (Taciturne cromagnon), vous repreniez Happe. Dans la Migraine du moineau, vous réitérez avec la Nuit je mens.
Quand j’ai entendu la première fois la Nuit je mens, j’ai trouvé qu’elle me correspondait totalement. Je l’ai tout de suite trouvée sublime. On me reproche souvent d’être un peu trop amoureux de Bashung, d’être un peu trop fan. En même temps je n’arrive pas à me retenir. Et puis c’est vrai que ma version est complètement différente. Il me semble qu’il faut toujours apporter quelque chose. On vient de finir un album sur Brassens et là aussi on a complètement respecté le texte et la mélodie. Mais parfois on a changé le tempo, fait des choses différentes avec l’accordéon. Quand on fait une reprise il faut y mettre son esprit, son âme.
Vous revisitez également une chanson de Boby Lapointe, Aragon et Castille.
Boby est un amour de jeunesse. A l’âge de 17-18 ans j’écoutais Led Zeppelin, les Stones, Frank Zappa... et Boby Lapointe ! Il m’a toujours plu ce mec-là. Je me souviens d’une émission de Jean-Christophe Averty où le Boby pédalait sur un triporteur de glacier mais à l’envers du rythme. C’était vraiment le cancre génial ! D’ailleurs, je n’ai jamais aimé les reprises de Boby faites avec de jolis chœurs et trop bien chantées. Il faut que cela soit un peu "sale". Il ne faut pas trop s’attacher à ce qu’est une mesure. C’est peut-être ça la poésie. Et en plus les textes sont costauds, il y a plein de façons de les écouter.
Outre les reprises, il est étonnant que vous ne soyez pas plus reconnu pour vos qualités d’écriture et vos capacités vocales ?
Sur cet album, beaucoup de gens ont reconnu la qualité des textes, en disant que j’avais quand même digéré beaucoup de choses. Moi, j’ai l’impression d’avoir toujours eu la même écriture. Un critique musical a écrit : "Maintenant, il veut imiter Bashung". Mais ce n’est pas vrai. D’abord musicalement, Alain ne fait ni reggae ni ska. Je suis moins sophistiqué, plus populaire. Puis, au niveau des paroles, je pense être plus dans le quotidien. C’est plus ordinaire que lui qui est barré dans un truc très beau. Quant à la voix, je suis d’accord: je chante de mieux en mieux. Peut-être grâce à la pratique et surtout l’impression d’être moins complexé. Quelque chose s’est débloqué. Je reconnais aujourd’hui que la voix est aussi un instrument, qu’elle n’est pas qu’un haut-parleur pour les textes. C’est pareil pour l’accordéon, je joue mieux aussi. Je n'étais pas doué au départ! En fait, aujourd’hui, je suis assez content. Et puis j’ai fait cet album de A à Z, jusqu’aux arrangements. Et au moment de la post production, j’étais à côté de l’ingénieur pour dire ce que je voulais. Cela aussi a changé. Avant je m’emmerdais en studio. Cette fois, j’y ai pris du plaisir. J’ai également évolué sur ce point: avant je partais sans arrêt. En fait j’étais tout le temps au bistro...
Pourquoi avoir mis en dernière plage votre tube Rock Amadour? Même s’il s’agit d’une version ironique, limite boîte de nuit, on pouvait imaginer que vous désiriez vous débarrasser de cette étiquette...
Elle devait figurer en une plage fantôme au départ. Mais je me suis raccommodé avec cette chanson. Finalement, c’est aussi grâce ce tube que je suis là. Aujourd’hui, tout le monde est très fier de faire un chiffre de vente alors je me suis demandé pourquoi j’avais honte. D’autres ont écrit des merdes et en sont fiers! Alors évidemment, quand je fais une télé, on me la demande forcément. Je m’en fous, je la leur fais en reggae ! Elle me colle au train mais maintenant ça va. Mais c’est vrai qu’elle m’a fait souffrir.
On a vraiment l’impression que vous vous êtes assagi...
J’ai 50 ans. A un moment donné, il faut se calmer. Et puis j’ai la chance d’habiter à la campagne. Je refais du vélo, je me suis remis à lire, à écouter du jazz. J’ai arrêté l’autodestruction : boire, fumer... Bon, je suis encore un mec anxieux, c’est dans mon tempérament. Il y a au moins un avantage avec le temps : même si on n’arrive pas à s’aimer, on finit au moins par se comprendre. Je me suis adapté à moi-même.
Gerard Blanchard La migraine du Moineau (Dreyfus/Sony) 2003