MEDITERRANEENNES DE CERET
Retour sur la troisième édition des "Méditerranéennes de Céret", qui vient de se tenir du 10 au 13 septembre. Un festival dédié aux mélodies du sud, catalanes, nord-africaines ou cubaines, et qui apporte chaque année une pierre originale à la grande bâtisse des musiques du monde.
Musiques plein sud...
Retour sur la troisième édition des "Méditerranéennes de Céret", qui vient de se tenir du 10 au 13 septembre. Un festival dédié aux mélodies du sud, catalanes, nord-africaines ou cubaines, et qui apporte chaque année une pierre originale à la grande bâtisse des musiques du monde.
Au cœur de la Catalogne, à quelques lieues de l'Espagne, aux pieds des Pyrénées : Céret. Un village français pas tout à fait comme les autres. Au début du siècle, il était le lieu de villégiature privilégié des Picasso, Chagall ou Cocteau. Depuis trois ans, il est devenu un carrefour obligé des musiques du sud. Le point névralgique des "Méditerranéennes", festival thématique mais éclectique, qui fait résonner chaque fin d'été les musiques de la France méridionale, du Portugal, de la Sierra Maestra, de l'Atlas marocain... ou même de Cuba, en souvenir des marins catalans partis jadis tenter l'aventure du côté de la Havane.
Un kaléidoscope mélodique qui chatouille l'oreille des festivaliers, dans tous les coins et recoins du village. Dans les arènes, désertées par les corridas. Dans le théâtre, transformé en piste de danse. Sur le podium, installé devant la petite mairie. Sous les ormeaux de la grand-place, où la très remarquée Banda de Santiago est venue cette année pousser ses habarenas. Car si la vague cubaine est à la mode, la présence de la Banda reste exceptionnelle : c'est toute la première fois qu'elle quitte son île ! Même le répertoire de la fanfare, qu'on croyait immuable, est remanié pour l'occasion. Preuve en est, avec cette version de "La petite cantate" de Barbara, tous cuivres dehors...
Impros et pros
Mais à Céret, c'est vrai, on aime les iconoclastes, les rencontres étonnantes et détonnantes. Celle de Bernard Lubat et Alain Minvielle, par exemple, qui ont ouvert les festivités. Deux personnages hauts en couleurs, à la tchatche toute méditerranéenne et aux talents musicaux éclatants. Un duo de choc, quand le multi-instrumentiste Lubat (il a accompagné tous les grands, Brel, Montand, Nougaro, Stan Getz, Pierre Boulez...) improvise au piano ou à la batterie, et que Minvielle enchaîne sur ses jongleries vocales, ses "scats", cet impressionnant débit d'onomatopées où la voix devient un instrument à part entière et où le rythme pur se fait musique. "Ce n'est ni du rock, ni du rap, ni du raï, ni du jazz... c'est du rugby !", s'amuse Lubat. C'est surtout l'évident plaisir de jouer.
Plaisir partagé par l'autre invité de la soirée, Marc Perrone, apôtre de l'accordéon diatonique, l'un des pères du "new musette". Ce fils de Calabrais, nourri d'une enfance ritale en banlieue, réhabilite tout en finesse l'accordéon des mineurs du début du siècle et celui des premiers immigrés italiens. Un instrument qu'on écoute en silence ou sur lequel on danse en fin de spectacle, quand Perrone, Lubat et Minvielle oublient leurs improvisations pour reprendre les "Trois petites notes de musique" ou "Dans le ciel de Paris". Ça valse dans la salle.
Les vies du raï
Et même si la pluie a contrarié tout le monde, empêchant la tenue d'une grande soirée cubaine, on se souviendra encore de l'éphémère mariage entre les gitans de Tékaméli et les Marocains de Sawt El Atlas, du saisissant mélange de leurs voix sur "Andalousia", ou des enchaînements osés entre les fusions marseillaises rap-raï de Kanjar'oc et les platines latines du DJ Antoine Chao. Les plus noctambules se rappelleront aussi les "bœufs" d'après minuit, ou la belle soirée de clôture, qui aura vu se succéder (entre autres) Gnawa Diffusion, Faudel et Rachid Taha. L'ancien chanteur de Carte de Séjour prouvant une fois de plus son charisme, sa maîtrise du métissage musical et de la scène.
Autant dire, à ceux qui en douteraient encore, que la France des festivals ne se limite pas à Avignon, Cannes ou la Rochelle. Qu'elle se décline aussi, et de plus en plus souvent, au hasard de petites villes et de villages qui se consacrent, qui au jazz, qui à la chanson, qui aux musiques du monde. A Céret, on prépare déjà la prochaine édition.
P. H